lundi 28 février 2011

après-coup

Je reçois hier un mail de Nelly dans lequel elle me transfère celui d'une amie, afin de me faire profiter d'un bel ensemble de photos du Caire, époque Tahrir, qui s'y trouve joint.

Il se trouve que cette amie est une femme que j'aime beaucoup, sans la connaître bien, Arlette. Une femme que je trouve une "belle" personne et pour laquelle j'éprouve une sorte de respect teintée de tendresse, un sentiment qui me procure de la joie mêlée d'une petite gêne, la gêne ici relevant de quelque chose de l'enfance que j'ai du mal à discerner. 
Comme s'il y avait de la honte a apprécier quelqu'un que l'on connaît à peine. Comme si la prise de conscience et l'expression de mes sentiments ne valaient pas grand chose face à ce qui habite cette femme (le théâtre et l'engagement politique) et que ce décalage me rendait vulnérable (et possiblement maladroit) comme un pré adolescent.
Donc j'ai sur ce mail l'adresse d'Arlette, je peux faire un clic dessus pour lui envoyer un mot et je ne le fais pas.

Une image de Foucault
pour moi c'est forcément
une image de sa joie.
J'ai délaissé Marilyn Monroe pour dormir avec Mathieu Lindon. 
(D'ailleurs, je pourrais racheter un exemplaire de son livre à Malika car, perdu sous ma couette, celui-ci porte maintenant sur la couverture la même pliure que montre mon visage après une trop longue nuit.)
Ce bouquin (Ce qu'aimer veut dire, éd. Pol) me fait du bien et du mal, je le lis trop vite comme habituellement quand un ouvrage me saisit, je me dis que je devrais le lire une deuxième fois immédiatement après la première mais je sais que je ne le ferais sûrement pas.
Il y a trois personnes au monde que j'ai regretté de ne pas avoir vues de leur vivant. Regrets qui trois fois m'ont surpris, m'ont sauté au visage, révélant un désir caché au fond de moi qui devenait incongru et malséant s'exprimant à l'instant où on apprenait leur mort. Désir ? Non, je crois que le mot est mal choisi. Ce qui, chaque fois, m'a fait tressauter, c'est plutôt de l'ordre d'une corde qui soudain se serait rompue, me déliant irrémédiablement de quelqu'un qui pourtant m'ignorait totalement et l'idée un peu magique que, si j'avais parlé, embrassé, serré la main à cette personne, le lien ne se serrait pas brisé, ou pas brisé de cette façon. 
L'autre aspect magique tenant du tragique : car ce n'est que cassé que le fil se montre à la lumière, telle une plaie s'ouvrant après coup sur une cicatrice invisible. 
Michel Foucault, Jean Genet et Albert Cossery. Drôle de trio, n'est-ce pas ? En tout cas moi il m'étonne encore. Et il y en a un avec qui j'aurais vraiment, mais vraiment bien voulu coucher, c'est Michel Foucault.
(Oui Daniel, je t'envie.)

vendredi 25 février 2011

septième ciel

En dessous de mon appartement, au sixième étage, vit un couple que je vois peu. Il est vrai que d'une façon générale je vois peu les gens de l'immeuble. Pourtant ce couple-là possède une terrasse que mes balcons surplombent et de ce fait, on pourrait imaginer que cette promiscuité nous mettrait en contact.

Mais l'un et l'autre, cet homme et cette femme, n'utilisent pas cet espace comme le ferait tout un chacun : ils ont des problèmes de mobilité. Lui se déplace avec deux béquilles, ce qui ne passe pas aperçu. Elle n'utilise rien de tel et ses difficultés à la marche sont plus discrètes au premier coup d'œil, mais bien là. C'est elle, je crois, qui s'occupe plus de la terrasse : ils y ont plein de plantes, arrosées par un système automatique.

C'est dans l'ascenseur que je les rencontre le plus fréquemment, venant des étages en sous-sol où se trouvent les parkings : ils se déplacent bien sûr en voiture.
Parfois j'ai tenté d'imaginer leur rencontre, jeunes gens, dans un centre spécialisé pour personnes atteintes d'un handicap ; avant d'envisager qu'ils aient pu au contraire, valides,  être victimes ensemble d'un accident qui les ait amochés. Je n'ai jamais cherché à en savoir plus (tout cela me faisant penser au livre D'autres vies que la mienne, d'Emmanuel Carrère, que j'ai détesté).
Cette semaine c'est à nouveau dans l'ascenseur minuscule que nous nous réunissons. J'ose une question qui révèle l'attention que je porte à leur terrasse et qui pourrait leur sembler intrusive.
- Quel est cet arbre que vous avez et qui fait tant de fleurs roses en hiver ?
Lui, son visage s'éclaire comme si je ne pouvais pas lui procurer plus de bonheur qu'en lui posant cette question.
- Mais pas seulement à cette époque ! C'est un arbre qui fleurit presque toute l'année, comment s'appelle-t-il ? Quelque chose del rio ?
Elle est sollicitée du regard mais n'en sait pas plus.
- C'est chez Jacques Briant, vous connaissez ? Ils disent que si l'hiver est doux l'arbre fleurit douze mois. Je vous mettrai le catalogue dans votre boîte aux lettres, il fait justement la couverture.

Je suis touché du plaisir que cet échange fait naître et de la lueur dans ses yeux quand il parle de cet arbuste : on croirait qu'il parle d'un enfant.
Quelques jours plus tard, je regarde dans la boîte et trouve effectivement le catalogue. Anisodontea el rayo : le leur, très japonisant est mille fois plus élégant que le gros patapouf pris en photo. Entre temps j'ai appris que j'allais sans doute devoir quitter cet appartement et ses balcons propices aux joies du jardinage : j'aurais au moins profité de ce rayon de soleil, dans l'ascenseur.

miroir

"(...) J'ai oublié mille moments avec lui mais il y en a mille autres dont je me souviens, et lui, évidemment que jamais je ne l'oublierai, lui qui m'a même appris la mort, le deuil irrémédiable, qui me l'a enseigné sans le vouloir. Je ne vais pas lui être reconnaissant de ça quand même. Il m'apprenait la vie, rien ne pressait pour la mort. Je n'avais pas trente ans mais j'avais confiance qu'il enrichirait encore indéfiniment mon existence (...)"
Ce qu'aimer veut dire, Mathieu Lindon, éditions Pol.

jeudi 24 février 2011

sève

J'ai un coup de mou. 
Le contraste de l'extrême bêtise, insignifiante, à laquelle je suis presque quotidiennement confronté dans la journée, avec la beauté et l'intelligence qui peut s'épanouir (et m'épanouir) d'autre part, je pense que cela me fatigue un peu. Il faut être dans un ajustement permanent.

Il y a aussi la mauvaise nouvelle de cette semaine : je vais certainement devoir quitter mon appartement. La propriétaire est décédée, les héritiers vendent la moitié de ses biens et mon bail arrivant à sa fin cette année, mon logement va vraisemblablement faire partie des lots mis en vente.
J'en suis un peu triste. Avant-hier j'étais sur mon lit, me reposant après la kiné : malgré le ciel gris, je prenais conscience de la luminosité de l'appartement. Je venais de dégager les rosiers de leur voile d'hivernage et découvrir qu'ils étaient déjà pleins de jeunes pousses. 
Les plantes m'épatent : leur capacité de résistance, leur obstination à repousser, refleurir, reproduire, et cette évidente harmonie. Tant de choses qui me manquent ! 
Mais finalement, avachi sur mes oreillers, profitant de cette lumière et, par les vitres, du spectacle des arbustes et des fleurs, je me laissais porter par cette beauté, au lieu de sombrer par avance dans l'anticipation dévastatrice. Oui, être plante est un joli projet.

du plaisir

Je déjeune ce midi dans un snack turc de ma rue où je vais régulièrement quand je souhaite manger avec un bouquin à la main. L'endroit est exigu et parfois je suis distrait par les conversations des consommateurs si proches, il m'est arrivé parfois de ne faire que semblant de parcourir mon livre pour suivre un échange particulièrement intéressant ou surprenant entre des voisins de circonstance.
Là je suis avec "Ce qu'aimer veut dire", de Mathieu Lindon et je voudrais ne plus rien faire d'autre que de rester avec ce livre : ne plus dormir, ne plus aller à la kiné, ne plus aller travailler, ne plus déjeuner etc. Mais je prends aussi d'autre part un certain goût à faire durer le plaisir, et à jouir de ces moments d'intelligence et de sensibilité avec parcimonie dans un environnement qui en manque tant.
J'en arrête la lecture quand une rencontre entre deux consommateurs fait grand bruit à côté "ah, qu'est-ce que tu fais là ", " eh bien comme toi, tu vois, je mange", et s'en suivent tellement de "comment ça va ? la famille, les enfants" à un tel rythme et avec une telle répétition qu'on ne sait plus qui questionne qui.
"Ma mère, dit finalement le plus proche de moi, eh bien elle était partie là-bas et elle est revenue, elle est restée presque toute la révolution là-bas." La durée d'une révolution en ce moment, c'est presque celle des vacances. La terre tourne vite.

"Workwithinwork" par le ballet de
l'Opéra de Lyon, photo Fedephoto.com
Je reste aussi avec en tête les images du spectacle d"hier soir, au théâtre du Chatelet, auquel m'a convié Malika (c'est aussi elle qui m'a prêté le Lindon, décidément elle me nourrit!) : deux pièces de Forsythe, "Workwithinwork" et "Quintett", par le ballet de l'Opéra de Lyon.
La dernière fois que j'ai vu un Forsythe, c'était en 1993, autant dire un siècle : "Impressing the Czar". C'était quand il était encore à L'opéra de Francfort.

"Le camp du plaisir, je devrais en être plus souvent," écrit Mathieu Lindon se replaçant dans ses premières années de jeune adulte.
C'est ce qui est frappant dans l'interprétation de "Quintett" : le plaisir des danseurs, notamment Agalie Vandamme (en orange) et Franck Laizet, celui-ci tachant son costume vert de sueur ce qui, bêtement, pour moi, lui donne un supplément d'âme et le fait échapper a l'univers du corps-machine que peuvent parfois représenter les danseurs de ballet. Mais il faut rendre aussi hommage à Harris Gkekas (costume de soleil) et Jean-Claude Nelson (costume de nuit), ainsi qu'à Caelyn Knight (robe rose). J'aurais aimé trouver sur Internet des images qui les valorisent, mais j'ai fait chou blanc.
Caelyn Knight. L'image donne une idée de la dynamique et des costumes,
des robes qui habillent et déshabillent sans cesse les danseuses.
Mais les murs du décor sont blancs, contrairement à "Workwithinwork".
Photo Photodedanse.com

mardi 22 février 2011

Tahrir

Impressionnant le visage de Kadhafi lors de son discours télévisé cet après-midi : pas seulement son visage d'ailleurs mais son être tout entier, tout entier symptôme de cette folie du guide-führer, avec ce décor d'apocalypse derrière et cette statue kitsch d'une main broyant un avion américain digne d'une série Z. Cette haine qui semblait l'envahir, l'étouffer et le dresser dans le même temps, le projeter dans des espaces imaginaires où il régnerait encore, bédouin intersidéral, vainqueur de tous, seul avec sa tente et son fusil, gavé de sable d'étoile. Ayant vaincu les drogués, les rats, les bactéries....
Quelle constance dans la hargne! Moins grimaçant qu'un Jack Nicholson, parfois essoufflé de se jeter si loin dans le vide. 

Pour se détourner de cette violence-là, celle des armes et du sang là-bas, celle de la médiocrité politique par ici, pour souhaiter aux Lybiens un prochain sabah el-tahwra ("matin de révolution"), voici une chanson égyptienne qui fête la place Tahrir. 
"Mon adresse, ce n'est pas ma maison, c'est la place Tahrir", chante-t-elle. Elle vient, comme l'indication de cette belle expression de bonjour ci-dessus, du blog snony.wordpress (à droite). Et chacun entendra comment se prononce Tahrir, cette ouverture centrale que donne le h, bien loin du verbe tarir qui assèche.
L'auteur de la chanson, pour l'instant, conserve anonymat.

Tintin en Tunisie

Tout le monde s'est ému, à juste titre, de l'emportement absurde, de la grossièreté et de l'agressivité de Boris Boillon, le tout jeune ambassadeur de France en Tunisie.
Rappelons qu'il remplace Pierre Ménat, 60 ans, en poste depuis 2009, qui prédisait, quelques jours avant la fuite du dirigeant, que Ben Ali allait tenir et le peuple se ressouder autour de lui. Belle cécité. Belle diplomatie.

Ce qui m'étonne dans les critiques portées à Boris Boillon, c'est qu'elles se focalisent sur ses "pétages de plomb". Plus extraordinaires encore je trouve, sont la vacuité de ses propos, ses approximations de langage, la suffisance de sa réflexion quand, précisément, il n'est pas dans l'énervement mais feint de maîtriser son dossier. Ci-dessous la retranscription de la vidéo de mosaiquefm.net que tout le monde connaît. Je retranscrit le texte jusqu'au fameux passage, celui des "trucs débiles".

Il est debout, face à quelques journalistes que l'on devine
"Heu, on est vraiment ici pour ouvrir une nouvelle page, hein, dans la relation bilatérale, dans la relation entre nos deux pays et ça implique aussi un autre style et une autre approche. Moi je suis là pour m'ouvrir à la société tunisienne, je suis là pour découvrir s'qu'on ne..., s'qu'on ap'..., s'qu'on ne connaît plus, ou s'qu'on n'a pas eu l'occasion de connaître. Je veux découvrir la société civile, je veux découvrir tout le monde politique, toutes les forces politiques..., la Tunisie et pas la Tunisie de la capitale, la Tunisie profonde, la Tunisie du terroir comme on peut dire et moi vous êtes les bienvenus si vous voulez heu, si vous voulez voyagez avec moi, ahlan w sahlan."
Traduction : je ne connais rien à la Tunisie, je maquille mon ignorance du mot "découvrir".
Sous-entendu : ça doit être magnifique pour les indigènes de voir l'homme blanc s'intéresser au plus terreux d'entre eux. Il faut qu'ils viennent filmer cela.

Nouveau plan, installé en bout d'une longue table où s'égrènent les journalistes, commençant par une phrase en arabe
"Une prière pour les martyrs de la révolution tunisienne et que nous ayant une pensée pour les familles des victimes et des martyrs, * voilà ce que je voulais vous dire, en arabe, heu, pour commencer.
Traduction : je parle arabe et je cite le mot prière.
Sous-entendu : l'indigène aime bien que l'homme blanc partage ses coutumes locales.

Nouveau plan, toujours à table
"La Tunisie est le pays des miracles. Ce qui s'est passé (il regarde ses notes, à sa gauche) relève du miracle et c'est la preuve que (il regarde ses notes) un homme libre, qu'un peuple libre peut réaliser tous les miracles. Et la Tunisie a donné au monde une leçon d'espoir. Une leçon d'espérance."
Traduction : on ne parle pas de politique.
Sous-entendu : faut pas que l'indigène ait des idées de révolution ou de gestion. Laissons lui le mot espoir à ronger.

Nouveau plan, toujours à table
"Comme vous le savez le tourisme c'est 7% du budg..., de de..., du Pib, heu, de la Tunisie, c'est 1,5 millions de touristes français par année et on veut, la France veut comme mesure concrète immédiate d'aide à la Tunisie, on veut relancer le tourisme en Tunisie. Et on le dit très fort et très haut et très clair... les Français, les Européens doivent reprendre leurs activités touristiques en Tunisie, le tourisme en Tunisie ça génère des activités dans des m..., dans des centaines de secteurs, les transports, l'artisanat, l'hôtellerie, le, et donc c'est quelque chose qui est tout à fait important. Je veux fluidifier la circulation entre nos deux pays. Il n'y a pas de coopération, il n'y a pas de véritable amitié entre les peuples sans cet échange humain."
- Question d'une journaliste qui demande si il y aura donc des allégements dans les procédures d'obtention de visas
"Non, ça veut dire que...,  c'est pas des allégements, ça veut dire qu'en fait il faut juste faire en sorte de fluidifier les choses, heu, actuellement on a un certain nombre de Tunisiens qui vont en France chaque année, eh bien il faut faire en sorte que plus de Tunisiens puissent accéder à la possibilité de se rendre en France, et en Europe, heu, de manière régulière, heu, sans susciter de, de drames, et sans, sans humiliation et sans gêner les gens."
Traduction : je n'ai rien à dire alors je parle tourisme et flux migratoire dans un flou total.
Sous-entendu : le rêve de tout indigène est de quitter son pays pourri. Les hommes blancs viennent faire du tourisme en Tunisie tandis que les indigènes se rendent illégalement en France. Faut qu'ils restent chez eux entretenir les piscines et les plages.

Mille sabords, ça insulte nos deux pays une diplomatie de ce tonneau-là.

* traduction d'après le post.fr.

lundi 21 février 2011

exercices de style 1

C'est amusant la vie d'une image. Ce matin dans le métro j'avise une femme habillée avec beaucoup de mauvais goût, selon mes critères : un jean ouvragé, des ballerines pailletées à motifs, un chemisier à carreaux, un vilain sac tout défraîchi d'où pendouille une poupée neurasthénique multicolore. Elle a la tête penchée car elle ne cesse de pianoter sur son téléphone mobile et le haut de son crâne révèle une collection de barrettes à cheveux aussi hétéroclite que le reste. Je me dis qu'avec elle je vais inaugurer une série de photos "exercices de style".

Et au final l'image rend l'ensemble plus anodin. Les différences de matières criantes au regard (les chaussures clinquantes, le sac usé, la poupée terne, la dentelle et les paillettes etc) sont amoindries. Ce qui est soudain plus visible pour moi, c'est l'accord entre la peinture qui macule le sol et le vert un peu turquoise de la frise sur le pantalon, ainsi que le violet du sac, beaucoup plus joyeux qu'en "vrai", qui semble la couleur complémentaire de ce vert.
C'était moche, mais maintenant que c'est devenu une image, c'est autre chose.

"(...) Dans l'épisode final, on voit ce mystérieux individu écoutant avec la plus grande attention les conseils d'un ami, maître en dandysme. Le tout donne une impression charmante que le romancier X a burinée avec un rare bonheur."
Dans le chapitre Prière d'insérer, Exercices de style, Raymond Queneau, éd. Gallimard.

mi-temps

Ce matin, je vais chez Muzo (le kiné). Après ce week-end bien pluvieux, il semblerait que le soleil revienne, avec un petit froid piquant qui va sans doute s'assouplir dans la journée.

Je connais mal les quelques rues que je croise et quand j'ai cinq ou dix minutes d'avance, j'en profite pour visiter un peu le quartier. Avant ces rendez-vous muzoliens, je n'avais jamais mis les pieds dans cette partie de la rue du Faubourg-Poissonnière ; il y a de beaux immeubles, assez malmenés comme partout par les devantures des commerces en rez-de-chaussée.

Le soleil du matin, rue de Dunkerque.
Cette fois je remonte un peu la rue de Dunkerque. À cette heure-ci, presque tous les  magasins sont encore fermés. Au 73 se trouve un hôtel façon cheap and chic, le Vintage (hostel & budget hotel in Paris, précise l'enseigne), et je me dis que, avec la proximité du métro Barbès, la situation est intéressante pour visiter Paris.
Un rapide coup d'œil par les vitrines : des jeunes, presque tous avec des ordis... ça sent le wifi gratuit. Évidemment il ne faut pas chercher à compter les étoiles sur la façade.
(De retour à la maison, en quelques clics je trouve un site : il semble que l'hôtel fasse partie d'une chaîne, les hiphophostels, tous du même acabit, low budget.)

Chez Muzo, je suis un peu rassuré. En effet j'avais construit chez moi une petite machine à souffler dedans pour continuer à m'exercer pendant l'interruption de la kiné et mes performances étaient piteuses, sans que je sache si c'était mon état ou le dispositif bricolé qui en était la cause.
Sur place je retrouve les données précédentes et je vérifie que mon état n'a pas empiré, non : pour certains exercices avec des poids, on augmente même légèrement la charge et tout se passe bien, ouf. Ensuite je redescends tranquillement par le boulevard Magenta, pour profiter du soleil en pleine face. C'est bon. Faut juste que je n'oublie pas que cet après-midi, je dois aller bosser : c'est le jour de ma reprise à mi-temps.

vendredi 18 février 2011

tourner sept fois sa langue...

"Marty and Veronica", 1982, Robert Mapplethorpe
J'hésite toujours à pointer les approximations de mes confrères et consœurs, mais parfois, c'est trop drôle. La semaine dernière, je vois passer une brève concernant un livre des éditions Gallimard sur Hervé Guibert, photographe. Aucune mention, par ailleurs, dans ces quelques lignes, de l'exposition correspondante à la Mep*. Citant donc Hervé Guibert, la journaliste Elisabeth Q. le qualifie de "Mapplethorpe français". 
Un tour de force qui nécessite d'être insensible aux photos de Guibert, ou à celles de Mapplethorpe... ou des deux. Ou bien il s'agit d'une discrète homophobie : les deux photographes étant homosexuels, leurs travaux auraient donc à voir ? 
Faut croire que pour certains, l'image est vraiment fantôme, mais pas au sens où l'entendait Hervé Guibert.
*Maison européenne de la photographie. 5, 7, rue de Fourcy, 75004 Paris,  Du 9 février au 10 avril. 


Voilà. Ce message, auparavant publié juste après le billet transmission, ne me paraissait pas en bonne place, surplombant visuellement la photo de classe au Maroc, Nelly et le texte de Rachid O.

livrés

Preuve de ce symptôme que j'avouais hier... Ce matin le gardien d'immeuble m'a remis un paquet qui vient de Chicago. C'est un exemplaire de The Brigadier and the Golf Widow, recueil de nouvelles de John Cheever, publié en 1964, qui contient la nouvelle The Swimmer (voir billet du 31/01/11).
Une première édition, qui possède sa "dust jacket"... Inutile de préciser que je me suis un peu torturé avant de le commander : en effet, ne valait-il pas mieux acquérir le numéro du New Yorker de l'année précédente où était paru cette nouvelle pour la première fois ?...

Reçu aussi ces jours-ci, mais là dans l'impossibilité de commander autre chose que l'édition d'origine puisqu'il n'y en eut pas d'autres, un livre écrit par un de mes anciens profs de français.
En quelle classe étais-je ? J'ai même du mal à me souvenir du nom exact de ce prof (Chabannes ou Cabannes ?...), pourtant excellent, le bouquin étant, lui, signé d'un pseudonyme.
Le très séduisant, très intelligent et mega-sexy Bertrand D., ayant été élève de cet homme une année auparavant (et le connaissant donc mieux que nous autres qui le découvrions), m'avait vendu la mèche et donné le nom du livre, avec sa diction si particulière, comme articulant trop : "la-peau-d'un-chat-qui-rê-ve..." Et c'est au moins un titre dont on se souvient, non ?
L'histoire se déroule dans une contrée indeterminée de l'Afrique du Nord sous protectorat français qui ressemble à s'y méprendre... au Maroc, tiens donc! La région est sujette aux tremblements de terre : "La peau de la terre, en ce pays, ne cessait de frissonner comme celle d'un chat qui rêve." Voici l'explication du titre mais je ne suis pas allé encore au-delà de cette phrase pour en dire plus.

Ayant acheté cet article sur PriceMinister, j'ai remarqué, chose à laquelle je ne prête d'ordinaire pas d'attention, que les frais de port indiqués ne correspondaient pas au timbre porté sur l'envoi (plus d'un euro de différence, pas la mer à boire mais bon...). Le vendeur m'indique que les frais d'envoi sont des estimations faites par PriceMinister. Ce qui n'explique toujours pas pourquoi le consommateur paye le prix de l'estimation plutôt que celui de l'afranchissement réel. Question posée à PriceMinister qui répond : Il existe effectivement une différence entre le montant payé par l'acheteur au titre des frais de port et celui reversé au vendeur pour chaque vente.
En effet, un partie de ce montant est prélevé par PriceMinister pour ses frais de gestion, notamment afin d'assurer à nos membres une garantie en cas de perte de l'article. C'est une des garanties PriceMinister : la garantie de bonne réception.
Chacun se fera son opinion.

Pris d'un remords, je vais essayer d'inverser les deux derniers billets postés, trouvant que le cunnilingus de Mapplethorpe surplombant Nelly en classe et le texte de Rachid O., ce n'est pas très approprié. Ne suis pas sûr de réussir...

jeudi 17 février 2011

transmission

Nelly dans sa classe à Marrakech.
"(...) Maintenant quand je suis en France, souvent les gens disent d'un garçon : 'Il est beau comme un dieu.' Je n'y crois pas un instant. Je pense à ce que m'a appris ma cousine : une personne quelle qu'elle soit ne ressemblera jamais à Dieu. Dieu est plus beau, plus fort, pour moi. Le fait d'être musulman ne m'empêche pas d'être avec un chrétien, de coucher avec un juif, je ne cherche pas à imposer ma religion, de même que je n'aimerais pas que quelqu'un cherche à m'imposer la sienne. Je ne cherche pas à convaincre mais c'est ma religion. J'ai pensé que peut-être j'oublierais que je suis musulman si je vivais avec des non-musulmans mais, quand je suis seul, c'est évident, c'est ma religion à moi, je suis une personne musulmane. C'est pour ça que je sortirais de mon lit à une heure du matin pour aider la vieille dame d'à côté qui a mal parce que je ne peux pas dormir si elle souffre, ça vient de ma religion, les gens au Maroc sont beaucoup plus proche les uns des autres, des pauvres, des malheureux, qu'en France. Si quelqu'un a besoin de mon aide et que je peux aider, il faut que j'aide."
L'enfant ébloui, Rachid O.

Je ne suis allé qu'une seule fois dans
l'appartement de la rue de Vaugirard.
Il y avait encore ce corridor laqué
noir très typé où Guibert a pris
cette photo de Michel Foucault.
J'ai un drôle de rapport avec les livres. En début d'année mon "vieux pote" Stéphane me parle dans un mail du dernier bouquin de Matthieu Lindon  (" Bien beau pas seulement parce qu'on y croise beaucoup Daniel Defert. Moi mon début d'année en a été tout bouleversé !  ") alors que j'avais justement envie de relire Hervé Guibert, et puis ce soir c'est Malika qui évoque à son tour ce livre. 
Alléché — comment ne pas l'être — je surfe pour glâner quelques informations. Dans un article de Télérama (08 janvier) je lis cette citation de Lindon (sous la plume de Nathalie Crom) : "ce qu'on ne supporte pas chez un père, c'est ce qu'il vous a légué". 

Pour ma part je suis obligé de considérer que mon cas est pire. Je pourrais sans doute formuler cela de cette manière : "je n'ai hérité de mon père, insidieusement, se révélant sur le tard, que de ce que je détestais le plus chez lui." 
J'y pense confronté à un symptôme étrange que j'ai développé ces dernières années autour des livres. Mon père "aimait" les livres, je place des guillemets car il aurait lui-même utilisé ce verbe. Il achetait des éditions précieuses de certains ouvrages : imprimés sur des papiers spéciaux, avec des reliures particulières, des illustrations ou des gravures inédites, numérotés, en série limitée etc. 
Je détestait cette préciosité. Pour moi, la richesse c'était l'écrit et l'ouvrage en lui-même ne pouvait être qu'objet insignifiant. Lui donner de la valeur, c'était minauder. Un truc de tarlouze presque, qui, en plus, empêchait de manipuler les bouquins à son aise, de les trimballer dans son cartable, de les feuilleter en grignotant, de corner les pages émouvantes... Ce fétichisme autour des livres me paraissait digne d'un anti-lecteur.
Or j'ai constaté chez moi depuis quelques temps une tocade assez similaire : j'ai plaisir à posséder des éditions originales. Aucune idée d'éditions de prix dans ce cas ; il s'agit d'un rapport nostalgique, puisque cela ne concerne que les publications qui me sont contemporaines. En gros, si je veux relire un Barthes par exemple, je vais plutôt tâcher de trouver une édition d'origine plutôt que d'acheter un poche tout bête.
Au début je n'y ai pas prêté attention, c'était presque un plaisir de chineur, sans plus. C'est quand je me suis aperçu que j'avais peur d'abîmer l'un de ces livres en le fourrant dans un sac que j'ai compris : le fantôme de papa et son satané "amour" des livres.

mardi 15 février 2011

Paul et John

Dans le bus, la réflexion de l'affichage lumineux crée
de drôles de bandes dorées qui cavalent sur le plafond.
J'ai repris le bus à midi, en direction du cabinet de EMA, pour aller chercher quelque paperasserie d'arrêt médical.


Pas mal abattu par la fatigue ce dimanche, j'ai repensé à la possibilité de ne reprendre le boulot qu'à mi-temps pendant la durée de la kiné respiratoire. C'est le médecin du travail, au journal, qui m'a glissé l'idée. C'est amusant car la semaine dernière on disait exactement cela avec Muzo : "c'est dommage de ne pas pouvoir reprendre à temps partiel". En fait je ne savais pas que le dispositif existait.

Du coup lundi matin j'annonce le truc au bureau et je téléphone à EMA voir si c'est possible. Le hic, c'est qu'une reprise à temps partiel doit suivre immédiatement un arrêt à plein temps. Elle-même voit dans l'après-midi directement avec le médecin conseil de la sécu et me rappelle par la suite : résultat, je m'arrête dès ce matin complètement, pour reprendre lundi à mi-temps.
Elle est marrante EMA, elle a l'air de s'en vouloir de ne pas y avoir pensé. Aurait-elle l'horrible tentation d'être parfaite ;-)

Bénéfice :  je vais pouvoir faire cette kiné tranquille, même ces jours-ci pendant l'absence de Muzo je vais m'organiser des séances maison sans crainte du trop de fatigue. 
Hier je suis retourné pour la première fois au yoga. C'était aussi un prétexte pour retrouver Maria, à qui je voulais rendre l'ordinateur portable qu'elle m'a gentiment prêté pendant toutes ces semaines de convalescence. J'arrive un peu en retard (je me suis endormi avant de partir...) et constate que flûte, le cours a pris de l'ampleur, il y a pas mal de participants maintenant. Malgré tout je suis content pour Julien (le prof). Moi je ne fais grand chose, je ne force pas trop, certains mouvements tirent trop côté cicatrice. C'est agréable de retrouver tout cela.

Ensuite Maria et moi dînons ensemble. C'est bon de se voir. On discute pas mal de technique de saisie d'image et de son (Maria est cinéaste) car j'ai en ce moment l'envie de faire des petits films. Sa vie s'est organisée avec son nouvel ami Paul avec une rapidité et une simplicité confondante, à la façon d'un processus naturel. Comme deux organismes naturels qui vivent en symbiose, je ne sais pas, moi, une algue et du corail par exemple.
Dans ma tête je me dis qu'elle est paullinisée... et maintenant j'appelle tous les amoureux des Paul. C'est devenu un nom générique, comme dans ce polar que m'a donné Malika (Bangkok Tatoo, de John Burdett) et où je découvre qu'en américain un John désigne le client d'une prostituée. Le John arrive, le John fait ceci ou cela....

lundi 14 février 2011

distinction

En fin d'année dernière, à la mi-novembre, averti que Michel Butel allait sortir un nouvel hebdo baptisé "L'impossible", je guettais... Mais rien de rien. Et lorsque je m'en enquérais dans les kiosques, je passais tout simplement pour un fou ("un nouvel hebdo, en ce moment ?").

Le 26 novembre (c'est grâce à ce blog que j'ai la mémoire du jour exact), j'achetai à l'hôpital un numéro de Clés, annoncé à grand renfort de communication comme un nouveau magazine de Jean-Louis Servan Schreiber : à la une, "la fin de l'homme au siècle des femmes" donnait le ton, suivi de près du débat "le matérialisme nous piège-t-il ?".

De retour au bureau, je l'avais montré à M qui n'en n'avait pas entendu parler. Elle fixa la couverture, assez perplexe et dit : "c'est difficile..." Elle faisait allusion à la lisibilité du tout : l'illustration stylisée, assez confuse, qui représentait une jambe chaussée d'un stiletto au talon de superman inversé (!!!!), et la phrase "retrouver du sens" traversant le titre qu'elle essayait de déchiffrer. Effectivement, ne connaissant pas le nom de cette publication elle regardait les quatre lettres C L E S, dubitative.
- "qu'est-ce qu'il faut lire ? C laid ?", tenta-t-elle, déconcertée... Le plus drôle c'est qu'elle le fit en toute bonne foi, l'absence de l'accent sur le E l'empêchant de lire la totalité du mot.
Le rôle du signe diacritique, c'est de permettre de distinguer. 

Plus tard j'ai appris que ce magazine, présenté comme nouveau par la plupart, était en fait la nouvelle formule d'une publication existant depuis une vingtaine d'années (et que par ailleurs ce numéro-là n'était pas le premier mais le deuxième de cette nouvelle version). Que d'approximations lorsqu' il s'agit de vendre du "nouveau".
Quand on regarde sur le site (nouvellesclés.com) les anciens numéros, on comprend que les abonnés aient été plutôt déboussolés par ce lifting en profondeur. De toute évidence leur magazine est devenu un produit très "comme il faut". Ils ont dû penser : "c'est laid".
 
En ce début 2011, escagassé par l'absence de Butel, je l'ai cherché sur le Net cet Impossible. Et j'ai trouvé un site vide, dont ne fonctionnait que l'onglet "contact" que je n'ai pas utilisé.

Mais là, voilà, tout arrive. Un site, une association, un bientôt hebdomadaire. C'est là, et dans la liste de liens à droite. Honnêtement ce n'est pas très sexy (à mon goût) mais tout cela a été fait rapidement pour être en ligne au moment où paraissait le portrait de Michel Butel dans Libération. À suivre.



vendredi 11 février 2011

mabrouk!

Je ne suis pas sûr que cette formule de félicitations égyptienne puisse s'utiliser dans ce cas-là, mais mon vocabulaire étant limité à une douzaine de mots, je fais avec.
Quelle suite d'annonces inattendue depuis hier soir. Mais ça y est. Le peuple d'Égypte a jeté bas Hosni Moubarak aujourd'hui. La fierté que doivent éprouver tous ces gens mobilisés dans les rues !

Branché toute la journée sur Al Jazeera, je n'ai cependant pas vu l'intervention télévisée de Omar Souleimane en direct, ayant dû quitter mon bureau à cet instant. 
De retour devant l'écran à 17 heures 10 je découvre ces mots : "Moubarak steps down". 
Et les images et les cris et les drapeaux... Quelle joie que les images de cette liesse (quand bien même on peut craindre des lendemains qui déchantent mais profitons d'aujourd'hui et souhaitons que cet aujourd'hui dure longtemps).

Autre bonheur, plus calme, avec petit cri de nourrisson : Maeva est née ce matin. Clin d'œil à ses parents.

jeudi 10 février 2011

l'arnaque Moubarak

J'étais prêt pour la fête.
En stéréo depuis 21 heures, un ordi diffusant en anglais, un autre en français, dans une cacophonie qui me rapprochait symboliquement du brouhaha de la place Tahrir. Déroulant dans ma tête tous les articles lus ces dernières heures qui prédisaient qui un bain de sang, qui un durcissement, qui une intervention de l'armée... et me réjouissant, hélas trop à l'avance, d'un dénouement inattendu et joyeux qui contredirait ces funestes Cassandre.
Donc Hosni Moubarak ne quitte pas le pouvoir, il le délègue (quoi, comment ?) à Omar Souleimane. Le tout annoncé lors d'une allocution télévisée, étrange mélange de sirop patriotique, de tentative de récupération de la jeunesse et de ses "martyrs", de moi-je moi-je moi-je, de bras d'honneur aux Américains,  de deux ou trois vraies annonces (la constitution, la loi d'état d'urgence) et d'un paternalisme doucereux et doucement menaçant (en gros, rentrez chez vous sinon on change de ton). 
Surdité, ennui, immobilisme, intimidation... Ce n'est pas le rendez-vous historique espéré.
On dit déjà que certains manifestants, déçus, se dirigent vers le palais présidentiel alors que soudain Omar Souleimane est annoncé lui aussi à la télévision (environ 22h30 heure française).
Idem. Pas plus précis sur le partage du pouvoir, et toujours l'injonction au retour à la normale (rentrez chez vous) au nom de l'ordre, de l'économie, du travail etc. Et quelques piques en direction des médias étrangers.
Si c'était pour renforcer la colère de la rue, c'est réussi. "Pourquoi devraient-on les croire, entend-on dire sur place (selon Al Jazeera), cela fait des années qu'ils nous mentent."
De quoi seront fait les jours à venir ?

mardi 8 février 2011

poids moyen

Happé par l'actualité internationale, j'ai délaissé l'intéressant et principal sujet de préoccupation de mes lecteurs : ma personne, ma santé, mon corps meurtri, mon esprit raplapla.

Ce qui m'y ramène ? Les résultats de l'analyse du liquide recueilli lors de la ponction inefficace (voir billet du 24/01/11 ) reçus hier : rien à signaler. Et pour ceux qui voudraient donc comprendre où l'on va : on a décidé avec EMA l'autre jour de suivre benoîtement le calendrier proposé par le docteur Jailibisterne. Donc je continue la kiné respiratoire pendant le mois de février et je fais le point le premier mars avec le docteur T., radio de contrôle à l'appui.
Le miracle, ce serait que l'épanchement ait disparu. La menace, c'est celle, dans le cas contraire, de la pose d'un drain sous scanner, drain à conserver au moins vingt-quatre heures. Aie.

Aujourd'hui c'était ma deuxième journée de boulot et honnêtement, c'était pénible. La conjonction d'une nuit d'insomnie, d'un rendez-vous vraiment vraiment matinal chez Muzo (8h30), la fatigue liée à la kiné et le "faire bonne figure" : suis retourné dormir à la maison à midi, et ce soir aussi je m'endors à peine arrivé chez moi.

La semaine prochaine Muzo est en vacances, le programme sera donc allégé.

lundi 7 février 2011

Édouard, Dieu, la poésie et moi

Photo J. Sassier/Gallimard.
"Je pense que c’est la poésie qui m’a amené à la politique, et pas les événements. C’est la conception poétique du monde qui m’a fait comprendre qu’il y avait une manière uniforme, unilatérale, fixe, et enfermée de concevoir le monde, et une autre manière, diversifiée et solidaire. C’est la poésie qui m’a enseigné ça. C’est l’imaginaire qui se met soudain à fonctionner, sur des paysages, des horizons, des cris, et on ne conçoit plus le monde à partir du nombril de sa propre identité."


Édouard Glissant (décédé le 3 février), entretien avec Nadia Khouri-Dagher, 2007, Afrik.com.

Et si cette même poésie pouvait inspirer un journalisme un peu plus vibrant ? Pour sortir de cet ânonnement bêta d'une rédaction à une autre, de ce conformisme ennuyeux qui est aussi un prisme déformant et qui rend toute la presse équivalente ?
Bon, la question n'est sûrement pas d'actualité ce jour de reprise de travail après six ou sept semaines d'arrêt maladie. Je retrouve, inchangés, les rites et les manies de chacun qui structurent à défaut d'autres choses la vie de bureau. Là c'est le théâtre de l'absurde plutôt que la poésie qui fait référence. Comme je n'avais pas fait publicité de mon intervention chirurgicale, certains pensaient que j'étais parti pour de longues vacances et m'accueillent avec la sympathie envieuse que l'on a pour les roublards qui ont bien profité de quelque chose : "alors, c'était bon ?"
Il faut reconnaître qu'à sa façon, la pompe à morphine proposait de jolis voyages. Il y a notamment ce jour où voyant le visage de Dieu se dessiner sur le mur de la chambre d'hôpital, je me résignai : "je suis obligé maintenant de croire en Dieu puisqu'il me manifeste sa présence..." Puis dans un sursaut de lucidité et d'humilité : "non, si demain sans morphine tu vois toujours Dieu sur le mur, alors seulement tu croiras..." Et bien le lendemain, j'étais seul avec moi-même.

dimanche 6 février 2011

les sauvages

Lapin...
Drôle de périple parisien ce week-end. 

Ce vendredi je suis passé devant la mairie du Xe arrondissement, rue du Faubourg-Saint-Martin. La façade était à l'heure du nouvel an chinois, décorée (comme celles de nombre de commerces de la rue) de lampions rouge et or.
Avec (et ça ce n'est pas nouveau) une banderole au dessus des vœux de circonstance qui affirme la solidarité du quartier "avec les enfants et les parents sans-papiers". C'est tout de même extraordinaire un pays comme le notre où une mairie peut afficher aussi souverainement son désaccord avec le gouvernement. En Chine, ce serait possible ? 
Je relis le calicot et je ne peux m'empêcher de penser : et les célibataires sans-papiers, qui s'en préoccupe?

Samedi, il faut vraiment un événement pour que je me retrouve dans le très chic et septième arrondissement de Paris. Dans une petite galerie de la rue de Bourgogne se tient pour une semaine encore une exposition de mon amie Fabienne Gaston-Dreyfus, qui expose là des sculptures dont je n'ai vu que les prémices il y a déjà un temps. L'expo a débuté le 25 janvier mais je me sentais trop faiblard auparavant pour y aller. Il y a aussi quelques gouaches, très colorées : au sol, les sculptures sont au nombre de cinquante-quatre,  groupées les unes contre les autres, c'est très beau. Certaines sont noir charbon; d'autres en bois naturel qui présente des zones rougeâtres. Moi j'aurais bien aimé qu'il n'y ait que cela dans la galerie, les sculptures et basta. (www.brunleglise.com)

...chasseur.
Comme je suis avec Alain, mon âme de touriste s'en trouve décuplée. On va faire un tour au dôme des Invalides et on rejoint l'esplanade en traversant les bâtiments du musée de l'Armée.
Je suis étonné du nombre de visiteurs. Les édifices sont élégants avec leurs cours carrées et leurs arcades. Mais je ne peux détacher mes yeux des canons, à profusion, canons ici et canons là. Difficile de ne pas divaguer sur l'usage de la force par les gouvernements devant un tel spectacle.

Dimanche c'est proche de République que d'autres guerriers m'attendent. Au 42 rue René-Boulanger. Toutes les fenêtres du premier étage d'un immeuble moderne accueillent une troupe de combattants avec sagaies, de toute évidence africains.
Ce sont beaucoup d'images de colonisations, d'Afrique et d'Amérique, qui me viennent en tête. Les arcs et les flèches, les bâtons contre les canons. Cherchez le sauvage.
Est-ce qu'ils n'ont pas un courage inouï ces égyptiens, qui nous font frémir pour eux et rêver pour tout le monde ? Surtout quand on sait ce qui se passent dans les geôles et les commissariats locaux : passages à tabac, viols, tortures et autres réjouissances.

Quelqu'un connaît-il l'auteur de ces peintures
vraisemblablement éphémères ?

vendredi 4 février 2011

la chair de l'info

J'ai le sentiment d'écrire un peu vite en ce moment, un peu baclé. C'est le décalage entre toute la production bouillonnante de mon petit cerveau et le peu que je restitue.
C'est aussi le résultat d'un tonus sur le mode "montagnes russes", fait d'excitation intellectuelle, émotionnelle et de redécouverte d'une certaine autonomie physique, tout cela s'effondrant en douceur pour des phases de fatigue atone, anesthésiante et assez imprévisible. Dans les parties dépressives de la courbe de l'énergie, l'écriture s'embourbe.

Ce matin, en voulant créer le lien vers le blog de Sylvie N. j'ai fait une erreur et c'est un site de rencontre sexuelle qui s'ouvrait à la place. Dans le genre femmes du monde, il y avait là aussi un sacré décalage.
Je me suis dit que j'avais mal décrit comment ce blog (maintenant à droite, dans les liens, rubrique Égypte) peut s'avérer nourrissant. Bien sûr j'y suis sensible car je connais la toile de fond sur laquelle il trace et glane (ah, voir cités Talaat Harb et la rue Champollion !). Mais je trouve qu'il apporte une matière qui manque aux travaux des journalistes dits professionnels. Qu'est-ce qu'est ? Peut-être la justesse, la bonne distance, le regard vrai? Il y a par exemple une charge émotionnelle indéniable à une vidéo qui montre les éclopés de Tahrir (jour 10, troisième vidéo) : elle se passe de commentaire (pas d'injonction à voir ou à comprendre). L'état du monde apparaît là, sous nos yeux, l'information prend chair. On comprend de l'intérieur, sans discours et au delà. Il y a une réponse entre la présence de S. sur cette place, et la présence de ces Égyptiens blessés à l'image, leur apparition sur la vidéo.

On pourra arguer que je suis en ce moment obsédé par l'apparaître (le dévoilement) et depuis toujours par la chair (et ses tremblements).

Citons pour conclure un extrait du portrait de Michel Butel paru dans libération (le 31/01/2011), signé Édouard Launet : un journal, cela doit être fait comme une œuvre d’art. Comme une sculpture, comme un roman. Ce n’est pas fait pour écrire «il y a eu 10 000 morts dans un tremblement de terre au Pérou» mais pour en faire ressentir les secousses.






jeudi 3 février 2011

femmes du monde

En fin d'après-midi aujourd'hui hier (billet écrit cette nuit mais posté ce matin) je suis passé chez EMA, ma généraliste super efficace et super soignante. J'en avais marre des stratégies hasardeuses des médecins hospitaliers et j'avais vraiment envie de connaître son sentiment sur la situation, la suite des soins à prévoir etc.

Petite publicité pour la revue Pratiques, les cahiers
 de la médecine utopique,
dans laquelle est investi EMA. www.pratiques.fr
Il faut bien reconnaître que depuis le début c'est elle et uniquement elle qui a eu les bons réflexes. Finalement l'opération dure quelques heures et l'hospitalisation quelques jours : le gros du travail à faire c'est aussi de s'occuper du reste, c'est-à-dire de la convalescence qui dure des semaines et là, côté hôpital, c'est l'autisme, on ne sait plus soigner. Bon, je radote, j'ai déjà dit tout cela mille fois.


Elle est a deux doigts de prolonger à nouveau mon arrêt de travail, elle prend le temps de téléphoner et d'échanger avec le kiné. Au stethoscope elle confirme que côté droit, ça respire moins bien que côté gauche. Si je n'ai pas une respiration de yogi, je me rattrape avec la tension : c'est calme plat...

Je suis content de la voir. Ce que j'aimerais c'est qu'elle se dédouble : qu'elle devienne le médecin d'elle-même, qu'elle se "patientise" ; qu'elle s'ausculte, qu'elle se bichonne, qu'elle se chuchote qu'elle devrait prendre des vacances. En partant je ne résiste pas, je l'embrasse sur les deux joues.


Cette fois-ci j'ai pris le bus pour venir et pour repartir. Faut vraiment que je sois en arrêt maladie pour faire ça. On traverse Pigalle. Un instant il y a à gauche sur le boulevard un sexodrome avec une pin-up enseigne en néon, à droite sur un kiosque une affichette qui exhibe un Cranach. Les canons de beauté : une guerre silencieuse.


Cette nuit, en revanche les bruits d'autres rixes qui viennent en écho de midan Tahrir. J'ai trouvé un blog tout à fait intéressant, celui d'une certaine Sylvie qui vit au Caire : http://snony.wordpress.com . Je n'ai pas lu tout le blog mais en parcourant les quelques billets  sur les derniers événements, on en sait plus qu'en lisant les journaux. Elle restitue bien l'ambiance à chaud, ce qui se dit, ce qu'elle entend dans la rue ou les taxis, mis en perspective avec ce qu'elle connaît du pays, le tout avec quelques vidéos sans prétention mais aussi "impressionnistes". 
Je suis tombé dessus grâce à un autre blog (rendre justice aux facilitateurs) : nicoducaire.over-blog.com

mercredi 2 février 2011

Tarzan sur le Nil

Hier soir je me suis encore laisser engloutir par Internet : la tête passée au travers de la fenêtre numérique, pour humer l'air de l'Égypte, lire que déjà Hosni Moubarak avait annoncé ne pas se représenter aux prochaines élections, glaner des informations ici et là sur des sites et des blogs, regarder les vidéos sur Aljazeera etc. 
(Avec des merveilles du genre : la une du Al-Ahram hebdo français. "Événement : Liban, un pays en ébullition". "Enquête : coup de théâtre à la fête de la police". "Dossier : l'après Tunisie..." On se pince.)

È pericoloso sporgersi... : je n'ai pas vu le temps passer. Un sms d'excuses envoyé à Alain, pour l'assurer de mes pensées, lui souvent grand absent de ce blog, en tout cas nommément, alors qu'il est mon eau et mon air. Certes, cela ne nous éloigne pas beaucoup des poissons rouges et des poumons...

Et comme tout est rencontre et recommencement, ce matin encore je descend à Barbès direction le cabinet de Muzo. Il y a là comme d'habitude (mais en nombre limité à cette heure matinale ou peut être à cause du froid) les vendeurs de cigarettes de contrebande (hey cousin, hey monsieur, ouistone, malboro sinégal...) Et le Louxor, comme un nouveau clin d'œil égyptien.

Avec Muzo je me suis rendu compte que j'avais finalement un peu de mal avec la respiration abdominale, ce que je n'avais auparavant jamais noté. Je fais parfois des mouvements paradoxaux, sûrement un héritage de l'archaïque gymnastique de mon enfance, ce qu'accrédite Muzo en disant "oui, c'est l'ancienne gym suédoise des années cinquante et soixante" puis gonflant le torse "comme Johnny Weissmuller". Bon, sauf que Tarzan c'était plutôt les années trente et quarante, j'ai l'air si vieux que  ça ?