mardi 24 juillet 2012

Valse viennoise

À gauche, petit déjeuner à la Kunsthalle. À droite, les pictogrammes du métro.











Bon, j'ai raté mon coup. Je voulais blogger de façon très hype avec mon smartphone ultra-performant depuis l'étranger. Puis ayant chargé l'application ad hoc et m'apercevant que celle-ci mélangeait allégrement les anciens billets publiés (le "post" sur la relaxation sapir se retrouvait soudain en première ligne), j'ai renoncé. En différé, deux instantanés colorés.

lundi 16 juillet 2012

une vie existentielle

J'ai appris la nouvelle avec un mélange de plaisir et de stupéfaction mégalo-impériale : comment ! il se passe quelque chose qui m'intéresse sur cette planète et personne ne m'en a averti ?...
Donc je partage l'heureux événement avec les amateurs : il existe un documentaire sur Paul Goodman (1911-1972).

Certains d'entre mes lecteurs, ceux qui s'intéressent à la psychothérapie, connaissent une facette du personnage : Paul Goodman est l'un des rédacteurs du livre théorique de la Gestalt thérapie, ouvrage écrit à six mains et plusieurs cerveaux et, à ce titre, il faut bien l'avouer, difficile d'accès.
Mais si Frederick Perls avait "invité" Goodman à ce projet dans les années 40 (on dit qu'au départ il le paya 500 dollars pour remettre en forme ses notes) c'est qu'il connaissait la valeur du personnage, ses qualités d'écrivain, son regard critique et politique sur la société et sa capacité à imaginer des solutions. Le livre sortit en 1951, signé de trois auteurs, en deux tomes : un tome d'exercices à visée thérapeutique et un tome théorique.
Ce que le documentaire Paul Goodman Changed my Life remet en perspective, c'est l'extraordinaire stature qu'acquit Goodman au fil des ans et, plus inattendu, il montre cet homme multiple entravé dans ses propres limites.
"Est-ce que c'est Paul Goodman ?"

L'anecdote, répétée à l'envi, qui donne la mesure de sa popularité, c'est sa citation dans Annie Hall, de Woody Allen. Dans une scène de flash back, Alvy (Woody Allen) se rend avec Robin (Janet Margolin) à une soirée, à New York, chez un particulier. Sur place, au milieu de la foule des invités, entre deux répliques, dans le fil de la conversation, Robin tend le cou, tente de reconnaître un personnage hors cadre, lâche : "Is it Paul Goodman ? No" et enchaîne la suite de son dialogue. Traduire : dans les années soixante Goodman était partout. "On ne pouvait pas l'éviter!" peut-on lire sur le ton de l'exaspération dans un article de magazine New Yorkais consacré au documentaire...

Avant d'énerver par sa sur-médiatisation, Paul Goodman pouvait énerver par son talent. Écrivain, magnifique poète (ce que donne à entendre le documentaire), Paul Goodman s'était très tôt posé la question de "comment vivre ensemble" et du développement de l'individu. Avec son frère Perceval, architecte, il avait écrit Communitas, regards croisés sur l'urbanisme, la communauté, la liberté. Son intérêt pour la psychothérapie fut marqué par la lecture de l'art et l'artiste, de Otto Rank, et c'est sans étonnement qu'on le retrouve en lien avec Susan Sontag ou le Living Theater.

Je ne sais si sa contribution au volume Gestalt Therapy : Excitement and Growth in the Human Personality favorisa aussi sa notoriété car le film raconte peu l'aspect thérapeute du personnage (voir, dans la partie 4/5 de la vidéo sur Dailymotion, quelques images de Frederick Perls en séance), mais pour l'avoir lu récemment dans un autre article dont malheureusement je ne trouve plus les références, l'ouvrage était dans toutes les bibliothèques de l'intelligensia. Aux yeux des médias et d'un public averti, Paul Goodman sortait de la catégorie des écrivains littéraires pour devenir un observateur critique de la société.
Paul Goodman

Sa surexposition résulta d'une triple mise en lumière : son homosexualité qu'il ne cachait pas alors qu'il était marié et père de famille, l'immense succès de son livre Growing up Absurd, et son engagement militant contre la guerre du Vietnam.
Growing up Absurd, sous-titré Problems of Youth in the Organized Society, parut en 1960 : c'était une réflexion sur la scolarité, l'enseignement, la place faite aux jeunes gens dans la société et comment celle-ci œuvre à l'inverse de l'épanouissement des jeunes. Là encore, le livre était partout, "on ne pouvait pas entrer dans un collège sans tomber sur ce livre" raconte en substance l'un des protagonistes du documentaire.
Petit bémol qui ne sautait pas forcément aux yeux de la société des années soixante : le livre est plutôt "macho centré", pour ne pas dire vaguement misogyne... Il s'agit bien ici de l'éducation des jeunes hommes, les jeunes femmes sont remisées à la maison... Il ne devait pas être facile d'être la fille ou la femme de Paul Goodman et là aussi les images filmées sont parlantes.

Matthew, (à gauche avec les lunettes et la petite moustache)
le fils de Paul, lors d'une mobilisation contre la conscription.

Au final, le portrait est terriblement humain. Anti-conformiste, ambivalent, Paul Goodman l'était à plus d'un titre, partagé entre l'utopie et le pragmatisme. À briser toutes les frontières, Goodman est toujours le bad guy de quelqu'un, et de lui-même aussi. "A professional outsider" ajoute Susan Sontag avec tendresse. On le sent pétri d'exigences multiples que ses immenses talents n'arrivent pas à étancher. Sa main sans cesse se referme sur du vide. Et celui qui cherchait à tout prix comment mieux vivre avec l'autre rencontre toujours, en fin de compte, la solitude. Qu'il soit au sommet de sa gloire, ou qu'il en dévisse. Comme le fit en 1967 son fils Matthew, mort dans un accident d'alpinisme. On dit que Paul Goodman en mourut aussi un peu, avant de s'éteindre tout à fait cinq ans plus tard.

Paul Goodman Changed my Life est un film de Jonathan Lee. Tous les renseignements sont sur www.paulgoodmanfilm.com
Moi je l'ai regardé sur Daily Motion, il existe en cinq parties consécutives.

vendredi 13 juillet 2012

chiffres et l'être

Les chiffres, les images. Une vie entière pourrait tenir écartelée entre ces deux termes comme entre deux hémisphères de cerveau. Faisant le pont entre les deux, du sens – pointillé ou continu – sous formes de mots et d'émotions.

Hier midi (ou était-ce avant hier ? le temps file si vite...), je retourne voir le docteur T., pneumologue, avec une radio pulmonaire réalisée récemment. En quelque sorte le contrôle post opératoire à un an que j'arrive à grand peine à mettre en place un an et demi après la lobectomie de Noël 2010. 

Il est semblable à lui-même le docteur T. sensiblement plus détendu cependant, l'agacement que je créais chez lui semble s'être tout à fait émoussé. Comme chaque fois il a à cœur de bien expliquer ce qu'il y a à voir sur les radios, et heureusement car la lecture de ces images est pour moi plutôt hasardeuse. En fait, je ne vois pas de différence avec la radio de contrôle précédente alors qu'il faut au contraire remarquer que le poumon a repris un peu d'ampleur.


Passage dans une petite cabine vitrée où, tube dans la bouche et mains sur les joues, je me plie à tout un tas de consignes respiratoires différentes dans le but d'évaluer ma capacité pulmonaire. 
Résultat : des chiffres et des courbes. Signification : je n'aurais perdu que 12 % de ma capacité pulmonaire. Lors du contrôle à six mois, j'étais à - 30%. Du progrès donc, mais qui devrait en rester là. 
Pris en photo en allant à la consultation. Le spectacle
de Paris m'étonne toujours, tant de diversité!

Je me rends bien compte que le chiffre de - 12 % me paraît sympathique, alors qu'à sensations et symptômes égaux, si on m'avait annoncé -72 %, j'aurais grimacé ou me serais inquiété. 
Les chiffres parfois emplissent notre corps, jusqu'à parler plus fort que lui. Il nous faut les faire taire, leur faire reprendre leur place et nous redire qu'ils ne sont pas la mesure de notre existence.

mercredi 11 juillet 2012

destin

Une jeune femme de ma connaissance – qui n'est pas jeune mais qui le paraît terriblement, et dont j'aurai la muflerie de donner la date de naissance dans les lignes ci-après – me révèle l'autre jour le secret de son prénom usuel, Sabrina (qui n'est pas celui qui lui a été donné à sa naissance).

Il s'agit (son cas est banal, semblable à des milliers d'autres au travers le monde) d'une héroïne de fiction dont l'image séduit tant sa mère que celle-ci se décida à nommer sa fille de la même façon. Ainsi, comme sous le patronage d'une sainte, l'enfant est placé sous la bonne étoile d'un concentré de signifiés, talisman supposé lui apporter les mêmes qualités, dispositions et destinée que son modèle fabuleux.


La bonne fée qui s'est penchée sur le berceau de Sabrina a le visage d'Audrey Hepburn, mise en scène par Billy Wilder en 1954 aux côtés de Humphrey Bogart (Linus) et de William Holden (David), deux frères à l'écran que tout sépare. Enfant, la jeune Sabrina, fille du chauffeur de la famille, n'a d'yeux que pour le brillant, drôle et futile David qui, bien entendu, ne la remarque pas. Elle part pour la France où elle étudie quelques années et, à son retour (miracle de la patrie de la haute couture et du new look), elle n'est que grâce et élégance. David ne voit alors plus qu'elle quand elle, en revanche, regarde aussi du côté du sombre Linus. Le film est connu auprès de certains pour sa version de la chanson la vie en rose.



Sabrina, celle que je connais, est originaire d'un pays d'Asie, à sa naissance encore sous domination britannique. Le sceau imaginaire du film Sabrina a fonctionné à merveille. Alors que la logique lui concèderait un destin en Asie ou dans un pays anglophone, la jeune fille est venue s'épanouir en France. Puissance du langage et poésie du verbe : la vie en prose.

lundi 9 juillet 2012

identités

En fin d'après-midi vendredi, le RER déverse Gare du Nord des hordes de jeunes gens grimés ou bizarrement accessoirisés. Jeune fille à oreilles de souris, combattant de l'espace, moine shaolin revisité guerre des étoiles, super-hyper héros à cape argenté, soubrette à collants rayés et platform shoes..., les wagons sont bondés : autant d'effets secondaires de la Japan expo qui se tient au Parc des expositions.
À Villepinte, les organisateurs de la manifestation ont prévu des vestiaires et des consignes pour ces amateurs de déguisement qui se glissent dans la peau d'une star ou d'un obscur second rôle de manga, de jeu vidéo etc. Mais il est de bon ton de s'exhiber dans la "vraie vie" avec son accoutrement. Bien évidemment le terme de déguisement est à côté de la plaque, trop désuet, il sent le grenier de la comtesse de Ségur par jour de pluie... Surtout, il se réfère immédiatement au jeu et à l'enfance, mettant de côté la dimension de mise en abyme identitaire qui transparaît dans le cosplay (costume + playing). Voilà, maintenant vous connaissez le terme ad hoc.
(Plus d'infos ici, avec cette petite vidéo)

Samedi, mes pas me menant vers la boutique d'une marque anglaise qui se fait passer pour une marque japonaise (Superdry) je longe une terrasse où une femme d'une quarantaine d'années, trop bronzée et parée de trop nombreux bijoux trop dorés s'écrie : "Mais qu'est-ce que ça veut dire, altruiste ?" Il pleut des cordes. S'engage une brève conversation avec A. autour de altruisme et de autrui. Je lui révèle que j'ai appris tout récemment cette petite merveille : que hospitalité et hostile ont la même racine.

Dimanche. En fin d'après-midi, un rendez-vous m'emmène à utiliser à nouveau le RER. Même spectacle de ces héros de papier ayant subitement pris vie dans les wagons. En quittant la rame je marche un petit moment derrière une jeune fille aux cheveux violets, oreilles pointues et bâton (?) rouge. Nous échangeons deux trois mots sur la Japan expo.
-"C'est la fin aujourd'hui. Mais il y a un site", me dit-elle, encore tout à l'excitation de l'évènement. Elle est accompagnée de sa mère qui prend la peine de préciser :
-" D'habitude elle n'est pas habillée comme ça..."
Encore beaucoup plus tard, Gare de l'Est cette fois. Confirmation : c'est vraiment fini, les cosplayer attendent leur train avec des airs de lendemain de fête.

vendredi 6 juillet 2012

le vers dans la pomme

Je rechignais, je rechignais, pressé par des amis communicants ou communicateurs..., bref, par des amis aux arguments communicatifs..., puis j'ai cédé, j'ai acheté un smartphone.
C'est cher. Je crois l'avoir raconté ici déjà : quand je suis passé plusieurs fois au commissariat pour établir une procuration avant l'élection présidentielle, la file d'attente était constituée principalement de personnes à qui on avait volé une de ces merveilles de technologie. Pour mémoire, le iPhone 4S dernier cri est vendu en ce moment de 629 euros à 849 euros, selon le modèle : c'est forcément tentant. (Pour les amateurs : un petit commerce de iPhones volés se déroule discrètement devant la poste qui jouxte la gare du Nord, je m'en suis aperçu récemment, ayant donné rendez-vous devant cet édifice à un ami dont le retard m'a permis d'observer le petit manège des vendeurs.)

Je vais radicalement détruire le peu de crédibilité qui me reste peut-être en avouant que ce qui a fini de me convaincre, c'est cela (voir photo) :
Et comme on ne voit rien sur cette photo, je traduis : cette foule d'insectes grouillants, aux pattes antérieures dressées, est en réalité une horde de clubbeurs communiant à l'unisson lors d'un concert de David Guetta, et brandissant leur téléphone-appareil-photo-console-de-jeux-baladeur pour saisir leur idole en vidéo. Un peu hors du cadre de cette image, sur la droite, je dois me tenir sautillant avec les autres, mais encore, à cet instant, sans smartphone.
(On ne voit pas ici David Guetta, mangé par la lumière mystifiante, mais l'homme se tient derrière son autel à mixer, cheveux de Christ aux épaules, bras en V tendus vers le ciel, tandis que derrière lui, les lasers dessinent un triangle qui supporte son nom...).


J'ai donc acheté un iPhone, benoitement, pesant bêtement acquérir par là un smartphone. Or, c'est une erreur (je sais que tout le monde sauf moi est au courant, mais puisque mon post est placé sous le signe du "no credibility", je poursuis). Quand on achète un iPhone, on achète un smartphone-qui-fonctionne-avec-iTunes. Il faut donc vérifier avant son achat la version de iTunes qui sera nécessaire pour utiliser son iPhone. Et donc vérifier la version du système Mac os de son ordi qui sera nécessaire pour faire fonctionner la dite version de iTunes.
On peut se retrouver (ça ne m'est pas arrivé mais pas loin) obligé de racheter un nouvel ordi pour  accéder à la dernière version de iTunes qui permettra de faire fonctionner le iPhone dernier cri. iAilleaille.

Saisi par l'étrangeté de la chose (je croyais même que c'était illégal de lier l'utilisation d'une machine à celle d'un logiciel, mais sans doute le fait que le logiciel iTunes soit gratuit rend la chose possible), j'ai surfé sur Internet. Pour me rendre compte que je n'étais pas le seul à être surpris.
Et pour me rendre compte aussi que donner son numéro de carte bancaire à Apple – comme l'ont fait 200 millions de personnes déjà pour ouvrir un compte iTunes qui seul permet d'utiliser son iPhone... – est plutôt risqué. Apple s'est déjà fait hacké son stock de données bancaires et les débits frauduleux sont innombrables (mais il faut savoir qu'il est possible d'ouvrir un compte iTunes depuis un ordi sans donner son numéro de carte bancaire en achetant d'abord une appli gratuite, tout cela est aussi expliqué sur le Web, facile à trouver en quelques clics).

Discutant de tout cela avec des Apple fans qui travaillent dans le monde de l'image – et qui m'ont soutenu au cours des heures et des heures perdues à chercher des mises à niveau de système, et des mises à jour de la mise à niveau, et des téléchargements de nouvelles mises à jour etc – ils ont eux-même reconnus que l'entreprise à la pomme était plus que discrète quant à tous ces problèmes.
(Il faut dire que la pauvre firme a d'autres chats à fouetter, elle vient de débourser 60 millions de dollars pour pouvoir utiliser la marque iPad en Asie, marque localement déposée par une autre société. Mais ne pas s'y tromper, cette somme est considérée comme modique au regard des 110 milliards de liquidités de la marque...).
Un smartphone et Denis Podalydès dans Adieu Berthe.
"Bonne nuit mon amour" : le message destiné à Alix (Valérie Lemercier) a été envoyé à Hélène (Isabelle Candelier). Ah ah ah, rires de vaudeville dans la salle. Le message s'affiche sur l'écran ciné au centre d'un fond monochrome vert. Il y a d'autres couleurs de fonds – bleu, rouge – selon les personnages. Parfois c'est uniquement le son du message reçu qui fait irruption dans le déroulé de la scène, comme dans une mauvaise pièce de théâtre où la culotte en dentelle de la maîtresse surgit soudain de dessous le canapé, et il faut continuer la conversation, l'air de rien, tout en tentant de la dissimuler. Tout ça c'est dans Adieu Berthe, film inutile de Podalydès avec pourtant de jolis "petits" rôles (Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Bruno P. lui-même, etc), et des smartphones donc.

dimanche 1 juillet 2012

c'est dimanche

... et le premier dimanche de juillet, c'est Ratha Yatra. Le chariot de Jagannâtha, autre appellation pour Krishna, descend de la place du colonel Fabien jusqu'à la fontaine des Innocents, en passant par le quartier tamoul, ici même.
Le char de Krishna, vu de mon balcon.
Les festivités, qui ont débuté dans le monde entier depuis le 21 juin, continuent aux Halles ce soir à l'heure où, à Kiev, l'Espagne et l'Italie joueront la finale de l'Euro 2012. Adoration et nationalisme. On peut aussi rester chez soi en réécoutant en boucle My Sweet Lord, de feu George Harrison.