dimanche 22 décembre 2013

l'exil

Quand je l'appelle jeudi dernier pour lui annoncer que je viens dîner avec elle le jour même, elle est toute désemparée. Elle est persuadée de devoir se rendre ce soir-là chez mon frère pour "une grande fête, dit-elle, avec plein de monde".
Je comprends qu'elle pense que nous sommes déjà Noël et je l'encourage à vérifier auprès de ma belle-soeur qu'elle se trompe de quelques jours. Je lui précise que Noël, c'est chaque année le 24, ce qui la laisse dubitative. Elle est perdue, et se sentir perdue l'égare toujours davantage.

Plus tard dans la journée, je l'ai à nouveau au téléphone. J'entends au son de sa voix que le calme est revenu en elle :
- "C'est bon, claironne-t-elle, c'est mardi, c'est le 24", le tout avec un ton d'assurance qui laisserait penser qu'elle m'informe de quelque chose dont je n'aurais pas été sûr.

Je retrouve le soir ma mère toute petite. J'ai le sentiment qu'elle a été réduite de 5% et c'est la première fois que je considère sa fragilité physique et le fait qu'elle pourrait mourir. L'ombre du visage de sa mère, Maïté, passe sur le sien.
Nous parlons de très peu de choses réellement car elle a du mal à terminer ses phrases, c'est éprouvant pour elle comme pour moi. Elle ne commente pas le bouillon de poule maison que je lui ai apporté, j'imagine qu'elle ne l'aime pas beaucoup, elle le termine tout de même mais avant cela elle se lève pour chercher dans sa chambre une photo d'elle et une photo de moi qu'elle amène sur la table, je ne sais pourquoi. Elle voulait montrer une photo où nous étions tous les deux, mais elle ne l'a pas trouvé.
Elle dit : " J'en ai une où ils sont tous les deux". 
Elle est maintenant incapable de dire "où nous sommes tous les deux". Je l'avais déjà remarqué quand je l'avais prise en photo avec mon téléphone, elle regardait les images et parlait d'elle en disant "elle" plutôt que "moi". Si bien que je ne savais pas réellement si elle se reconnaissait.
-"Quel âge il peut bien avoir, là ?" questionne-t-elle en montrant ma photo.
-"Je ne sais pas, j'ai peut-être dix sept ans ?"
-"Tant que ça ?"
-"Ou quinze peut-être."
Plus tard dans la soirée, je remarque sur un meuble la photo qui nous réunis et qu'elle devait chercher tout à l'heure : c'est à la campagne, nous nous tenons dans l'embrasure d'une baie vitrée qui donne sur le jardin. 
Elle compare notre taille joyeusement : "Tu as vu comme elle est petite ? Elle lui arrive là."
Cette histoire de pronoms personnels me rappelle des anecdotes de peuplades primitives ne comprenant pas le sens des images. Ce "elle" côtoyant ce "moi" impossible semblent caractériser deux territoires chez ma mère, dont l'un, sauvage, tend à prendre toute la place. Maman s'exotise. Sur son île déserte, la Robinsone se rabougrie, minoritaire, alors que Vendredi le primitif prend des airs de colon et va bientôt la reconduire à la frontière.

Quand je dois la quitter, je m'habille et je la regarde chercher ses chaussures. Je m'inquiète qu'elle ait dans l'idée de me raccompagner à la bouche du métro, ce que je refuse toujours, ayant toujours peur de la savoir dans les rues, seule, aux heures tardives. Je l'interroge sur ce qu'elle fait, elle s'énerve :
- "Mais enfin je ne vais pas sortir pieds nus !"
Puis, sur un ton encore plus furibard : "Il faut bien que je rentre chez moi!"

Elle se demande à elle-même ce à quoi j'ai déjà renoncé : rentre à la maison, maman.

samedi 21 décembre 2013

kmer Noël

"Quand j'arrivais à Siemreap en 1965, le Cambodge vivait plutôt calmement à côté du Vietnam plongé dans la guerre, et, dans l'arrière-pays, malgré les incidents de frontières, les villageois demeuraient comme en dehors du temps. La Révolution culturelle couvait chez le voisin chinois. L'Europe encourageait partout ceux qui travaillait au renversement des vieilles sociétés féodales pour l'avènement d'un monde meilleur. L'intelligentsia de tous les pays conspuait l'engagement américain au Vietnam.
Moi je n'étais ni pour ni contre : ma pensée était ailleurs. [...] Sans que je ne me le sois jamais formulé, les seuls dieux qui vivaient en moi étaient américains : le dessinateur Saul Steinberg et le saxophoniste Charlie Parker... C'est dire qu'à mon arrivée en Indochine, j'avais peu de raisons de me reconnaître dans l'a priori hostile qui caractérisait la plus grande partie de la communauté française à l'égard des États-Unis.
Il apparaissait, au contraire, que les paysans qui m'entouraient, dont j'allais partager l'existence répétitive en m'établissant dans un village reculé d'Angkor, avaient tout à perdre de l'arrivée des communistes. Dans ma passion pour les religions et les coutumes du passé, que je voulais voir se perpétuer, j'aurais plus volontiers pris le contre-pied des idéologies en vogue. Mais écartelé sur place, très vite confronté aux plus absurdes contradictions, je fus réduit au désespoir. Des 1970, date de l'arrivée des Américains au Cambodge, et jusqu'en 1975, l'irresponsabilité de ceux que j'avais cru mes alliés dans cette impossible quête, leur immense maladresse, leur coupable et fausse naïveté, leur cynisme même, provoquèrent, sur le coup, plus de fureur et de révolte en moi que, bien souvent, le mensonge des communistes... Pendant ces années de guerre, battant frénétiquement l'arrière-pays pour rechercher les vieux manuscrits que les chefs des monastères conservaient secrètement dans des coffres laqués, je fus le témoin de l'imperméabilité des Américains aux réalités cambodgiennes... Mais je ne saurais dire aujourd'hui ce que je leur reproche finalement le plus, de leur intervention ou de leur désengagement."
Extrait de l'avant-propos du "Portail", de François Bizot, éditions La Table ronde, 2000.



Le cadeau de Noël que je me suis fait cette année.

lundi 16 décembre 2013

soupe opéra

- Ça a l'air bon. Et c'est joli, cette couleur, ça va bien avec le bleu de mes ongles.
Ma mère redécouvre tous les aliments. Elle ne se souvient plus vraiment les avoir goûtés dans le passé, encore moins de les avoir préparés. 
Quand je cuisine chez elle, elle aime à se rendre utile. Je lui donne souvent les légumes à éplucher. Parfois cela se déroule comme une activité familière, parfois un rien la laisse perplexe.

De quelle façon détailler cette courgette ? Je lui montre comment j'opère, elle regarde, attentive, puis reproduit mes gestes avec application. Si il lui semble qu'elle a été trop lente, ou si elle n'a pas executé la découpe exactement à ma manière, elle dit en forme d'excuse, avec un petit rire coquet :
-"ben, j'apprends..."

Ce soir-là on commence par une soupe de poireaux pomme de terre.
-"C'est excellent!" s'exclame-t-elle.
C'est de la soupe en brique que j'ai achetée au supermarché, dépité qu'elle ait laissé moisir dans son refrigerateur une préparation maison à la courge. Et aussi des légumes cuits à sa demande il y a quinze jours. J'ai l'impression qu'une fois que les aliments sont rangés au frais, elle ne les reconnaît plus. Cette fois j'ai préparé du poisson à l'avance. Il finira peut être aussi à la poubelle.

Au cours du dîner elle se pique de lire les emballages, peut être parce qu'elle m'a vu scruter les barquettes et blisters dans son réfrigérateur pour vérifier les dates de péremption.
Le pain de mie qu'elle a acheté elle-même retient toute son attention. 
-"Je le fais souvent celui-là", affirme-t-elle en le montrant du doigt.
-"Qu'est-ce que tu veux dire exactement ?"
-"J'en achète souvent." Puis elle enchaîne, lisant sur le paquet  : "Pain de mie nature ! Parce que les autres ils ne sont pas nature ?"
Plus tard ce sont les emballages de yaourts qui suscitent sa curiosité, elle se demande pourquoi ils comportent un dessin de laitière, et pourquoi, quand on sépare les quatre yaourts, certaines phrases sont coupées, commençant sur le couvercle de l'un pour se terminer sur l'autre. 

Comme avec les enfants, je sens que mes réponses, pour compréhensibles qu'elles soient, n'épuisent pas tout le mystère de la réalité. 

dimanche 15 décembre 2013

bande à part

Installé dans le métro me dirigeant chez ma mère, je vois une jeune femme s'installer dans le siège en face du mien. J'observe son look étudié, tout en teintes complémentaires à sa chevelure rousse : des verts et des bleus, jusqu'à son sac à main en lainage, motif tartan (c'est la tendance) dans les mêmes tons.
Je remarque une note scintillante sur l'ensemble, une broche de tissu doré, à demi pailletée qui me paraît au premier coup d'oeil singer une branche de corail. Puis qui me paraît ressembler - je m'en veux de cette pensée grivoise- à un sexe masculin stylisé, la partie à paillettes representant un ejaculat festif. Il me faut quelques instants pour comprendre que c'est cette deuxième idée qui est la bonne, quand j'aperçois de subtils détails sur la broche qui ne laissent plus de doutes.
J'ai tout juste le temps de prendre une photo, je suis arrivé à destination et n'ai pas l'opportunité de questionner cette voisine qu'il aurait fallu sortir de son bouquin, et de sa musique.

mardi 10 décembre 2013

noirs désirs

Avant de quitter Biarritz dimanche, B. et moi prenons un dernier bain de soleil à la terrasse d'un bistrot. Nos boissons chaudes arrivent avec des sucres marqués "Café Negro, Bayonne". Et, je le remarque ensuite, les tasses aussi portent ce nom et le logo, tête frisée sans nez ni bouche derrière une tasse stylisée.

C'est évidemment en relation avec l'actualité (la cérémonie officielle à Soweto) que je le publie aujourd'hui.


Avant de chercher mention de ce "Café Negro" sur Internet, je me tourne vers l'histoire de Bayonne. Un port européen a presque toujours des souvenirs de la traite des esclaves. Bayonne n'est pas le pire, même pas dans le peloton de tête. C'est Nantes le grand port négrier de France, suivi ensuite de Bordeaux, La Rochelle et Le Havre (un tiers du trafic pour les trois). Une dizaine d'expéditions négrières seulement seraient parties du port de Bayonne aux grandes heures de ce commerce. (Ici un mini métrage au sujet de la recherche archéologique sur l'Île de Tromelin où un bateau bayonnais a échoué en 1761.)

C'est ensuite que je découvre que le Café Negro est un célèbre café torréfacteur de la ville de Bayonne, maison familiale créée en 1930, qui possède même sa page facebook et a reçu récemment un prix pour la qualité de ses produits.
Je ne sais que penser de ces images héritées de l'ancien colonialisme, hésitant entre l'esprit bien pensant et politiquement correct qui voudrait les voir disparaître, et mes souvenirs d'enfant nourri au Banania qui n'y voyait aucun mal et associait le visage noir aux bienfaits nourriciers, à la gourmandise et aux épices, forcément exotiques. Que des connotations positives, donc.
Plus tard, adolescent, le disque de Lamine Konté que j'écoutais en boucle s'intitulait "Chant du nègre, chant du monde" (et non pas "chant nègre", comme l'indique improprement le site vers lequel je vous renvoie pourtant ci-contre). Un extrait ici.

dimanche 8 décembre 2013

du b, du bon, du bonnet

Me voila parti rejoindre B., à B., initiales que j'avais précédemment liées au dessin d'un decoletté, lui-même en association au cancer du sein (voir billet du jeudi 5 septembre, "A. et B.")
À l'aéroport, le wifi reconnaît la dernière identité sous laquelle je m'étais "logué" au réseau et mon téléphone affiche : prénom Brigitte, nom Bardot, adresse mail lamadrague@hotmail.fr.
Ça pigeonne effectivement.
J'avais oublié cette facétie qui m'est pourtant familière : Pablo Picasso, Jacques-Alain Miller, Charles de Gaulle...,  je m'identifie avec les noms les plus divers. Je ne sais pas pourquoi BB a été mémorisée (est-ce vraiment la dernière identité utilisée?) mais la coïncidence avec les initiales pré-citées me surprend. Ce B que l'on retrouve dans le mot ablation.


Au dessus des nuages ce sont les retrouvailles avec le beau temps et je prends un bain de soleil, hébété, endormi contre le hublot, la bouche ouverte. Toute cette énergie solaire disponible ici dans le ciel me fascine.

B. est venue me chercher, elle me pose à mon hôtel à côté de chez elle, puis nous nous retrouvons plus tard pour passer la journée ensemble.
Elle aussi a ses réserves d'énergie et ses moments nuageux. Aujourd'hui c'est grand bleu. Côté météo aussi : on file au bord de mer qui, de toute façon, aimante toute vie ici. Sur le chemin on croise de nombreux petits princes en tenues noires, surfeurs que la combi achève de rendre identiques à des animaux marins et qui vont attendre la montée du désir là-bas dans l'eau glacée.

B. m'offre un bonnet, elle en a plein depuis qu'elle n'a plus ses cheveux, dit-elle, et celui-ci ne lui est pas agréable au crâne. Moi le mot bonnet m'évoque encore un soutien-gorge.
Le lendemain le beau temps est à nouveau au rendez-vous et nous cédons aux sirènes de la plage : pique-nique sur le sable à quelques mètres de l'eau. À cet endroit les vagues sont arrêtées loin par des rochers qui délimitent une forme de lac calme que les surfeurs doivent traverser : curieux spectacle de les voir, planche sous le bras, au milieu des cailloux, croiser des ramasseurs de coquillages en bottes. 
Nous, on fait notre possible pour lutter contre le crabe à grands coups d'amitié.
Chacun son crustacé et sa crête de vague.

jeudi 5 décembre 2013

ours brun

Une amie me réclame les photos des ours rencontrés près de Tad Kouang Si (voir billet du 04/11/2013). Voici donc l'épisode de jeu entre le petit et deux adultes, où la joie de l'un et des autres est tout à fait perceptible.













dimanche 24 novembre 2013

la prisonnière

Voilà, ça fait plus d'une semaine que je suis rentré, et le rythme des billets publiés s'espacent. La faute au froid (oui, moi aussi j'ai envie d'aller au Brésil même si je ne sais pas jouer au foot), et à un calendrier chargé (ces deux premiers week-end de rentrée consacrés à bosser, c'est dur).
Ma bonne résolution, dans l'instant même où je bloguais et à mon retour, c'était d'enrichir les billets de voyage édités afin de fournir quelques informations pratiques et de corriger la taille des images publiées, pas du tout contrôlable avec l'appli blogger que j'ai utilisée en mode nomade. Je n'ose pas promettre de le faire mais...


L'arrivée à Paris, pas uniquement placée sous le signe du froid, est aussi l'occasion d'un retour à la réalité. Prévoir les expéditions remplissage du réfrigérateur chez ma mère qui, au téléphone, lorsque que je l'informe de mon retour, questionne :
- Ah ? Tu es chez toi ou chez moi ?
La question vient, je crois, du fait qu'elle confond parfois la sonnerie du téléphone avec celle de l'interphone. Est-ce que je suis loin au bout du fil ou bien en bas de l'immeuble, il me semble que c'est cela qu'elle a en tête quand elle interroge.
Quand je passe chez elle, il y a juste une semaine, dimanche soir dernier avec un cabas garni, contre toute attente je m'aperçois qu'elle a fait des courses pour préparer à dîner. 
Elle a acheté une grosse pièce de viande que je n'identifie pas et que je vais lui laisser préparer à sa façon, étrangement à la poêle dans une incroyable quantité d'huile.
- Ce n'est pas trop d'huile, là ?
- Hum, oh non, je ne crois pas.
Elle n'a plus idée qu'il faudrait préparer quelques légumes, mais elle a aussi prévu un melon pour l'entrée. Ces îlots de réalité dans l'océan de bizarreries qu'est devenue sa vie m'émeuvent beaucoup. Au cours du dîner, elle parle de souvenirs qui semblent plutôt des rêves et plusieurs fois n'arrive pas à finir ses phrases, comme en perdant le fil. Si j'insiste pour en connaître la fin, elle secoue la tête : "je suis trop fatiguée".
Mais paradoxalement, elle a l'air d'aller bien. Elle porte un vernis à ongle violet foncé assez écaillé, ou bien très mal posé. Elle dit à la fois "je vais très bien", puis subitement, avec des airs d'agent secret qui prépare un coup :
- Non, ça ne va pas bien du tout. J'aimerais avoir 100 ans de moins.

Je l'imagine voulant s'échapper de la vieillesse comme on s'échapperait d'une prison (les barreaux sciés, filer par la fenêtre).

vendredi 15 novembre 2013

retour bleu blanc rouge

Dans une longue vitrine d'exposition au rez-de-chaussée du très arty centre commercial Siam center, à Bangkok, s'alignaient une centaine de petites figurines To-Fu. Je prends une photo rapidement, à l'endroit où l'un d'eux sort du rang, sa boîte lui dégringolant sur la tête. Ce n'est qu'en le publiant ici (billet précédent) que je me suis aperçu que c'était le France To-Fu!...
Avant d'atterrir ici, le ciel m'a offert quelques moments de répit d'une incroyable beauté. C'est au-dessus de la Suisse, l'avion a traversé le plafond de nuages qui s'étale, parfaitement plat, comme une banquise de poudreuse. N'émergent que les cimes neigeuses des Alpes sur lesquelles un soleil d'or se lève, il est environ sept heures du matin, et sous ce miracle silencieux l'Europe vit dans le gris et la pluie. 
Jusqu'à l'arrivée à Paris d'autres figures nuageuses se mettent en place (vagues symbolistes, meringues à la Holder) qui donne l'envie d'un livre de photos Le ciel vu du ciel. 
Pour rejoindre la capitale, je me retrouve dans un RER omnibus et je contemple incrédule le paysage de désolation entre Aulnay sous-bois, Blanc-Mesnil et Drancy. Pauvreté, vetusté, terrains vagues et locaux d'activité en attente de locataires, entrepôts éventrés et tagués, une misère que la chaleur et la lumière rendraient acceptable mais qui, sous cette pluie grise et froide, n'est que torture visuelle. J'ai l'impression de prendre la France sur la tête. Plus tard, j'écoute France Inter (Francois Hollade, les Bleus, Le Pen père) et l'impression se confirme. 



mercredi 13 novembre 2013

talent thaï

Le massage thaïlandais n'est pas de tout repos. Il est affaire de postures, d'étirements et de pressions assez fortes sur des points précis des différents méridiens. Cest une forme de gymnastique passive (pour le massé) et thérapeutique. Le massé ne peut se tenir ni dans un fauteuil, ni sur une chaise longue. Masseur et client sont nécessairement sur le même plan, sur un matelas posé au sol, car le masseur a besoin de saisir son client et par instant de peser de tout son poids sur lui. Il y a des moments tout à fait agréables et d'autres un peu inconfortables. C'est une expérience singulière, en tout cas dans la relation particulière, souvent quasi muette, qui s'instaure dans cette parenthèse avec le masseur ou la masseuse. 
Il est pourtant difficile aujourd'hui à Bangkok de trouver des lieux où l'on pratique ce massage véritable. De mon hôtel à mon établissement préféré, il y a 400 ou 500 mètres et, parcourant cette distance dans ce quartier très touristique, je passe devant une dizaine de salons de massage : tous proposent aux vacanciers des massages en chaises longues, en général par tronçon : foot, head and shoulders, etc. La plupart opèrent sur la rue bondée, entre deux bars d'où jaillit une musique assourdissante. Des massages non thaïlandais en Thaïlande, pourquoi pas? Si c'est un choix éclairé...


mardi 12 novembre 2013

Bangkok blood

En arrivant dans la ville samedi soir, nous sommes restés coincés un moment dans un embouteillage. Rien d'exceptionnel à Bangkok, mais à cette heure-ci, c'était étrange. Rapidement nous comprenons que ce n'esrvpas un trop de circulation mais des manifestations anti gouvernement qui perturbent le trafic. 

La mobilisation dure toujours et dure en fait depuis le week-end précédent  Hier lundi, alors que je me prélassais à la piscine de l'hôtel, des sifflets et des slogans se font entendre dans la rue. Le cortège est maigre, mais il va en rejoindre d'autres. Contre la loi d'amnestie proposée par le gouvernement, des groupes parfois opposés politiquement appellent à la manifestation et ne défilent pas tous ensemble, même s'ils se rassemblent ensuite vers Democracy Monument. 
Il s'agit "de ne pas rester silencieux". Matériel du manifestant de base, outre les protège-soleil de toutes sortes et les emblèmes du pays : un sifflet et une drôle de petite main à agiter pour faire du bruit. Ce nécessaire de base fait l'objet d'un petit commerce sur les trottoirs. Ici, engagement, piété et commerce vont souvent ensemble. On trouve aussi à vendre des photos de Somdet Phra Nyanasamvara, patriarche bouddhiste décédé fin octobre, dont le portrait s'affiche en de nombreux endroits, à l'entrée des centres commerciaux comme au pare brise des bateaux bus. 






dimanche 10 novembre 2013

aïe, Haiyan/départ 4

C'est encore en bateau mais cette fois sur le Chao Praya que je regarde le soir décroître aujourd'hui. La circulation maritime y est intense et, à l'inverse du Mékong à Vientiane, on ne peut pas imaginer fleuve et ville plus intriqués qu'ici, à Bangkok. 
Les premières informations sur le super typhon Haiyan l'indiquait atteignant le Laos le dimanche où notre vol vers Bangkok était programmé : nous avons donc avancé ce "départ 4" d'une journée et sommes à Bangkok depuis hier. 
Écourtée cette halte au rythme de Vientiane la dolente, où la chaleur semblait de fer chauffé à blanc. À Luang Prabang, les nuits étaient fraîches et le scénario météo du ciel blanc se dissipant vers neuf heures du matin était quotidien. À Vientiane la nuit tombait (vers 17h30) sans que la chaleur n'ait eu le temps de diminuer. 
Cette nuit à Bangkok, dîner dans la rue avec 28 degrés.  






vendredi 8 novembre 2013

Vientiane

Vientiane la plate! Déjà depuis le hublot de l'avion je voyais les montagnes s'absenter du paysage au fur et à mesure du trajet. Un moment, saisi maladroitement avec mon téléphone (et publié précédemment) révèle une plaine encore hérissée de monts comme disposés dessus. Ensuite les vertes étendues, pour paraître toujours aussi vierges, montrent un relief de plus en plus timide. 
L'arrivée en ville est, après le charme de Luang Prabang, plutôt décevante. Je me remémore ces mots d'un voyageur rencontré sur la baie d'Ha Long : "Vientiane devient moins ingrate". Tout est dans le devenir donc. 
Le Mékong, qui, a Luang Prabang, se laisse monter, traverser, transpercer, perd ici sa sensualité. Pas un bateau, pas une barque ni un bac. La ville et le fleuve cohabitent sans dialoguer, c'est du moins ce qu'il semble au premier coup d'œil.
À LP nous avions loué des mountain bikes, ici des vélos à vitesse unique, avec leur panier à provision, feront l'affaire. 


mercredi 6 novembre 2013

Luang Prabang rive droite

J'oublie parfois la relative banalité des guides touristiques dont le but est pourtant d'amener tout le monde au même endroit. Ainsi me suis-je laissé aveugler par un horrible conseil du Guide du routard le soir de mon arrivée a Luang Prabang : aller voir le coucher du soleil depuis le mont Phousi, genre de petite colline dans la ville, surmontée d'un stupa. Je cite : "...lorsque le ciel rougeoie encore et que résonnent les cloches des monastères. La ville apparaît alors derrière le rideau de végétation dont se hérisse la colline, baignée par une lumière dorée. "
J'aurais dû décrypter le rideau de végétation, cela veut dire : on ne voit rien. La réalité, outre que je n'ai jamais entendu une cloche depuis que je suis là,  c'est que le haut de cette colline se résume à un espace riquiqui circulant autour du stupa, bondé de lecteurs de guides touristiques bien déterminés à faire leur satanée photo de coucher de soleil. Un cauchemar.
Alors que le long du Mékong s'égrènent de charmantes terrasses d'où la vue est magnifique. Mieux encore, regarder le soir décliner sur la ville depuis la rive opposée, à côté du wat Chomphet. On y est seul. 
On traverse le fleuve sur un bac pour 5000 kips. 



devises

Une expérience singulière à Luang Prabang quand on vient directement de Hanoi, c'est de traverser la rue. 
À Hanoi le flux du trafic et sa densité font de ce petit rien une aventure en soi qui force à la vigilance perpétuelle. On développe cependant rapidement une compétence spécifique à plonger entre les véhicules. 
Arrivé à Luang Prabang où le trafic est insignifiant, il faut un certain temps avant que cette attention cesse car elle s'est en partie automatisée : s'arrêter au bord du trottoir, regarder de droite et de gauche, chercher des yeux le meilleur passage, c'est le corps qui finalement a pris tout cela en charge de façon quasi autonome, automatique, réponse adaptée face à l'automobile.
Il lui faut ici réapprendre le lâcher prise. 

Au Laos, comme au Vietnam, nous sommes millionnaires, cette fois en kips. En gros, 10000 kips font 1euro. Certains billets sont difficiles à différencier (le 20000 et le 50000) et les chiffres portés en lao peuvent troubler : le 50000 paraît noté 40000, le 20000 paraît indiquer 60000 et le 1000 semble un billet de 9000. L'arnaque systématique des bureaux de change porte sur les dizaines. L'usage veut que l'on omette souvent les derniers zéros des sommes. On dira 60 pour 60000.  Le vendeur de devise, pour un montant de 1050000 par exemple, vous indiquera souvent 1050 et vous donnera en billets la somme de un million cinq mille, au lieu de un million cinquante mille. Ça passe assez inaperçu. Le lâcher prise n'est pas recommandé à tous les coups...




lundi 4 novembre 2013

Tad Kouang Si

Ce matin où nous nous sommes levés relativement tôt pour booker un tuktuk, le ciel est immensément blanc et bas. Est-ce la fin de cette météo clémente qui nous accompagne depuis notre départ d'Europe? Mais en Asie tous les temps sont possiblement agréables et possiblement changeants. C'est donc avec plaisir que nous partons pour une heure de tuktuk dans un paysage dont des pans entiers se laissent engloutir par une brume laiteuse qui devient de plus en plus lumineuse. Autour de nous les montagnes paraissent d'abord enfumées, puis la luminosité se fait plus forte et la lumière semble émaner de cette brume blanche où, par contraste, les cimes font ombres chinoises. Plus bas les bananiers luisants, les champs et les rizières au vert éclatant ne se troublent pas de cette lutte nébuleuse au sommet. Nous nous plus. Bientôt le voile blanc se troue largement de bleu. Lorsque nous arrivons à la cascade Tad Kouang Si, le beau temps est revenu. La promenade nous promettait des ours (un enclos de bêtes sauvées du braconnage); je n'y croyais guère. À tord. À quelques mètres de nous deux ours adultes jouent avec un plus jeune, le faisant rouler sans arrêt de l'un à l'autre. Ça se mordille, ça se chatouille..., presque ça rigole. Un spectacle vraiment amusant. Puis nous arrivons aux premiers bassins d'eau couleur de jade clair. Difficile de décrire cette nature-là et l'impression visuelle de ces successions de plans d'eau dans la forêt. Nous les remontons jusqu'à la grande cascade qui les alimente. Petit à petit nous sommes rejoints par d'autres visiteurs et quand nous quittons le site nous croisons les premiers groupes de touristes qui arrivent. 
Le soir je reçois dans mes mails un message d'Amazon qui me propose "des cascades de bonnes affaires". C'est mal me connaître mais ça me fait sourire. 


king Mékong

L'arrivée en avion à Luang Prabang est un enchantement. Un paysage de montagnes verdoyantes se révèle sous un semis espacé de petits nuages ouvragés comme de jeunes dragons blancs. Puis le ciel se libère de tout. Sous mes yeux, un spectacle de monde vierge de toute intervention humaine. Aucune construction à perte de vue sur ces montagnes qui déploient leurs crêtes souples. Soudain le ruban ocre du fleuve Mékong, large, terreux. Je ressens l'excitation que me produisait l'univers de la jungle des premiers films de Tarzan en Technicolor et des albums de bd lorsque j'étais enfant. On ne savait d'où allait surgir le danger, de la forêt, de la rivière, d'un volcan subitement réveillé etc. 
Plus tard, après avoir rejoint l'hôtel en taxi, mes premiers pas le long du Mékong voient l'excitation le céder à une très douce torpeur. 


dimanche 3 novembre 2013

vu du ciel

Le "Sky café" de l'aéroport est aussi un café Internet. Chaque tablée a au moins un smartphone, parfois un par personne.
Je me rappelle de mon père : né à la tout fin des années 20, il a commencé à travailler au début des années cinquante dans l'industrie du verre. Dans mon enfance j'ai suivi à la maison, involontairement, les avancées techniques dans ce domaine, que ce soit les premières lunettes qui s'obscurcissaient au soleil ou bien les pare-brises qui se cassaient en petits morceaux plutôt qu'en dangereux triangles tranchants. Je me souviens donc des recherches effectuées pour diminuer l'encombrement des télévisions à tube, et de sa réflexion : "0n ne pourra jamais réduire l'épaisseur des écrans, parce qu'on a besoin de toute cette place pour la projection des électrons."
:-)

départ 2

samedi 2 novembre 2013

Hanoi le jour

Nous quittons déjà Hanoi et le Vietnam. La campagne durassienne, la romantique  mer d'émeraude et de brume, les flots de vélomoteurs...
Parmi les pièces du puzzle vietnamien à réagencer, celui de la place de la femme. Pour elle, je crois que la révolution n'a toujours pas eu lieu. Une jeune guide rencontrée lors du séjour explique que son métier, "pour une femme, ce n'est pas convenable". La femme vietnamienne qui travaille doit le faire d'une façon qui ne l'éloigne pas du foyer et lui permette de s'occuper des enfants. Je me demande du coup quel est le statut de celles que l'on voit toute la journée vendre objets et denrées dans les rues, leur balancier sur l'épaule, et que les touristes photographient à l'envi. 
Je réalise a linstant qu'il n'y a pas beaucoup de nus féminins aux cimaises du joli musée des Beaux-arts, alors que les femmes n'y sont pas absentes du tout. Encore quelque chose qu'il faudrait creuser avec une personne avertie, de peur d'en tirer des conclusions hasardeuses.