samedi 27 avril 2013

verre et bleu

Sur les ongles, c'est un bleu turquoise que je lui ai offert la dernière fois.
- Il tient très bien, dit-elle.

J'aime sa coquetterie, le soin qu'elle met toujours à sa tenue. Aujourd'hui : petit pull violet, jupe bleu marine à motifs blanc et rouge un peu années cinquante. Je me dis : ça, quand ça sera perdu, ce sera vraiment le signe de la fin.
Je prends des photos de ses mains sur sa jupe. Elle rigole comme si je préparais une blague. Je lui montre les images. Elle proteste : que l'on voit ses mains si laides, avec ces veines si marquées... J'ai envie de lui répondre que ce n'est pas grave, que cela va rester entre nous mais je crains de mentir. 
Plus tard alors j'en reprends quelques autres sous un angle et une lumière différente qui font disparaître un peu tout ce qu'elle n'aime pas voir. De mon côté ça me plaît de capter l'amorce de son cou ridé dans le cadre. Elle râle encore car on distingue les veines de sa main droite.

Elle parle beaucoup d'assiettes et de verres ce soir. Cherche à se rappeler d'où viennent ce service, ces tasses, ces plats.
- Si tu as besoin de quelque chose dis-moi, je t'en donnerais.
Elle a tendance depuis des mois à vouloir se séparer des objets. On compare deux ensembles de verres, les uns semblent plus onéreux, plus lourds que les autres.
- Tu ne les veux pas ?
- Non, vraiment. D'ailleurs, je ne les aime pas beaucoup. Je préfère les autres qui sont plus fins. Pour tout ce qui est tasse, verre, je suis comme papa, j'aime ce qui est fin...
- Comme papa ?..., reprend-elle, surprise, en souriant très largement et les yeux soudain baignés de larmes. Comme papa. Ça me fait plaisir.


mercredi 24 avril 2013

Guaino, gay yes

Ils sont donc vraiment barjots, ça se confirme. Des semaines qu'ils manifestent sans réussir à rendre leurs arguments intelligibles, puis voilà le plus agrippé au non qui finit par voter oui par inadvertance. Souplesse de l'esprit et vivacité motrice.


Il y a deux jours, lassé d'entendre parler de Frigide Barjot sans en savoir plus que ça, j'ai regardé sa fiche Wikipedia. J'ai appris peu de choses sauf l'allusion au père proche de Le Pen et le sillage de Pasqua. Puis cette expression incroyable : elle se veut l'"attachée de presse de Jésus".

Photo AFP
Que la profession m'excuse, mais en cela Frigide a raison : elle ressemble à beaucoup d'attachées de presse que l'on rencontre ça et là. Souriantes, comptant depuis l'enfance sur leurs relations familiales, s'exprimant dans un français approximatif, d'une assurance que seule la grande bêtise produit, définitivement à côté de la plaque comme si leurs vies en dépendaient, et toujours persuadées que le monde ressemble à leurs petits réseaux, sans cesse activés.

(Les frères Tsarnaiev sans doute, eux aussi, se pensaient en mission pour leur dieu.)

Je me demande aussi pourquoi Frigide Barjot, si mobilisée pour le droit des enfants, n'organise pas des manifs pour que, par exemple, la loi de février 2005 soit appliquée en France. Vous savez, cette loi qui affirme le droit des enfants handicapés à être scolarisés et qui n'est jamais respectée.
Pas assez médiatique ? Pas assez rose et bleu ? Pas assez vendeur pour les prochaines élections ?

vendredi 19 avril 2013

lecture



Dans une rame de métro, ce soir. 

lundi 15 avril 2013

enfin !


Le soleil tant attendu. Le printemps serait-il vraiment là comme l'annonce un lecteur assidu de ce blog ? C'était dimanche et je suis allé deux fois dans un square près de chez moi profiter de la chaleur. 
En début d'après-midi, des pique-niqueurs s'installaient ça et là sur les pelouses. Vers dix-huit heures l'espace réservé aux agrès et aux constructions pour enfants était tellement bondé, envahis de petits garçons et de petites filles, on aura dit que s'y tenait une manifestation anti-mariage pour tous :-)

vendredi 12 avril 2013

zemm pas

Une perle, que je voulais vous confier depuis quelques jours.

Extrait d'un article d'Éric Zemmour dans Le Figaro du 4 avril, titré Le mariage, pour le meilleur et pour le pire.


"(...) Avec le mariage traditionnel – et ses avantages juridiques et fiscaux – l'État remerciait les couples pour ce qu'ils apportaient à la société : les enfants. Avec le mariage homosexuel, ce sont des individus qui exigent – et obtiennent – des avantages de l'État alors qu'ils n'apportent rien à la société. (...)"

Quelle belle âme. Quelle puissance intellectuelle dotée d'une magistrale prestance physique. On voit l'urgence qu'il y a eu à ce qu'un Zemmour se reproduise et repeuple le pays (reconnaissant), sponsorisé par les deniers des contribuables, hétéros et homos confondus...

jeudi 11 avril 2013

couleurs

Ça semble très loin quand on regarde le carton d'invitation puis, à détailler les itinéraires proposés, on négocie : c'est à deux stations de RER seulement de la Gare du Nord. Acceptable donc. Après il faut marcher un peu (deux ponts, une île) puis on arrive devant une drôle de petite maison blanche d'allure meringue bourgeoise, qui détonne dans cet environnement d'immeubles cubiques.


L'exposition s'appelle Idioties de surface, j'en parle car l'artiste est une amie, c'est du copinage donc.
Pourtant je ne m'empêche pas d'une certaine objectivité. Ainsi je trouve l'exposition inégale, mais le mieux l'emporte largement sur le moins bien. Les sculptures de bois naturel sont parfaites, elles voisinent de jolis exercices concentriques dont j'ai une photo trop moche pour la publier ici alors que l'ensemble est d'une force indéniable.


Réussie aussi, la série de peintures sur papier qui jouent de gris colorés et de couleurs intenses et dont les cheminements se répondent d'une feuille à l'autre. C'est signé Fabienne Gaston-Dreyfus, c'est à Villeneuve-la-Garenne (le lien, pas très sexy, est ici).

dimanche 7 avril 2013

du maternel

- Quelle est la période que tu préférais avec les enfants : quand ils étaient bébés ? quand ils allaient à l'école ?...
Moue hésitante.
- Les enfants ?..., reprend-elle. 
Je regarde ma mère chercher dans la forêt de ses souvenirs, j'imagine la jungle de ses neurones crépiter sous l'effet de la surchauffe.
Moi j'ai perdu aussi momentanément la mémoire, ne me souvenant pas de ses paroles exactes, impressionné par cet instant où elle dit quelque chose comme : 
"Il y a des moments heureux mais je n'arrive pas... 
Mais, pourquoi c'est comme ça, pourquoi je n'y arrive pas ?... 
Je ne veux pas m'en souvenir parce qu'après je vais avoir le cafard." Ce qui pourrait être un raccourci de sa perte de mémoire prématurée. 

Ensuite elle enchaîne, parlant toujours des "enfants" comme si c'étaient des personnes distinctes de ses enfants devenus adultes :  
- Ils étaient très gais.
- Ah bon ? Très gais ? Mais à quelle occasion, à quelle époque ?
- Eh bien à la maternelle, quand ils faisaient des rondes, des choses comme ça, dit-elle en levant les bras à ses épaules, comme pour mimer une danse.

Elle évoque la maison où, jeune mariée, elle a vécu avec mon père, et qu'ils ont quittés quelques jours après ma naissance.
- Les enfants sont tous nés à Nemours, je crois. P., V. et F.
Mais elle hésite. Je l'entends dire mon prénom comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre. Puis subitement, se tournant vers moi : 
-Toi aussi F., tu es né à Nemours ?
- Oui moi aussi maman. Mais je n'ai pas connu la maison, vous avez déménagé tout de suite après.

Rephotographiée sur un album, une image de ma mère
et ma sœur aînée sur la plage.


Ses mains, environ cinquante-cinq ans
après la photo ci-dessus, trahissent sa passion récente
pour les vernis colorés.
Maman tente de me faire une description de la maison mais, là encore, la mémoire lui fait défaut. Elle est persuadé de pouvoir trouver dans les albums photos des images de l'intérieur de cette bâtisse qu'ils partageaient avec une autre famille. On sort quelques albums photos – ils sont légion –, de la grosse armoire. Elle est bien sûr incapable de se repérer dans les dates, il y a pas mal de personnes qu'elle ne reconnaît plus sur les clichés mais on feuillette ensemble quelques pages. J'essaye de photographier ses mains vieillies quand elle tourne les pages mais sans succès.
Après je lui demande de les poser sur la table. Elle s'exécute sans rechigner, me demandant depuis quand je fais des photos. Avant le dîner, elle m'avait avoué qu'elle ne savait pas ce que je faisais comme métier. Quand je le lui dis, cela ne lui paraît pas clair.
- Mais qu'est-ce que tu vends ?, demande-t-elle.
Ma réponse l'étonne. Elle a l'air un peu perplexe que l'on puisse faire un métier sans rien vendre. Pour revenir alors à l'un de ses modes maternels préférés, l'inquiétude : 
- Mais tu dois être fatigué alors ?

mardi 2 avril 2013

conte suisse

Il pleut sur Lausanne où je me suis rendu pour visiter la fameuse collection d'Art brut (le site est là). 

Bel ensemble d'exposition permanente ; pas sûr que le show de Daniel Johnston corresponde exactement à la définition de cet art décrit par Dubuffet de telle "sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écritures, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode." dixit le sus-cité site (cette dernière expression étant, bien sûr, un exercice de diction à répéter 20 vingt rapidement pour parfaire sa prononciation). C'est aujourd'hui la journée de l'autisme : il y a là-bas quelques exemples de travaux d'artistes autistes, joliment précis, divinement obsessionnels.



Le lac, au loin, ne se montre a aucun moment de la journée, masqué d'un brouillard persistant. La nuit, près du casino, les fleurs printanières ont l'air de figurantes dans un film d'épouvante.

Le lendemain je fais quelques pas à Genève. Cahuzac n'a pas encore annoncé qu'il était "dévasté par le remords" à hauteur de 600.000 euros. C'est surtout la connerie qui fait des ravages dans la classe politique française.


Je profite du temps d'hiver aux bains des Pâquis, haut lieu de bronzette de la ville de Genève, encore en période glaciaire à cette date (le site est là). 
Hautement chaleureuse : la buvette du lieu et son plat du jour exquis et bon marché. Le célèbre jet d'eau du lac (hauteur jusqu'à 140 mètres tout de même) se perd avec merveille dans le ciel, nuage bandé fort sur cumulus pâmés, éjaculation sans fin sur mousseline chantilly, jaillissement laiteux qui Turner-ise le paysage en rejoignant la surface verdâtre. Parfait.

Encore un jour plus tard, après une escapade en bateau jusqu'à Evian, c'est une autre nuit et je découvre le nouveau quartier autour du Mad, à Lausanne. Mais impossible de faire des images, je suis sorti sans téléphone ni appareil photo. Sans téléphone ? Allô, quoi, vous me recevez ? 
C'est donc la soirée Jungle dans cette boîte, rien de tropical ici, le médecin des Koh lantistes ne s'est pas encore suicidé – en tout cas on ne le sait pas encore –, ce drôle d'écosystème est peuplé de lapins de Pâques en tutu, de tatoués encuirés, de sportifs en micro shorts et maxi socks et de Bambi aux longs cils. Le DJ, lui, sauve des vies.