mardi 28 mai 2013

replay

"- À part ça, tu es calé ?
- J'ai eu le prix d'excellence.
- Ben moi tu sais, pas précisément. Les maths..., c'est tout.
- Oh moi je suis nul.
- Je te vois venir. Tu voudrais que je te refile les problèmes !
- On peut ?
- Si on veut !
- Je ne demande pas mieux !
-.... Et toi tu me refiles tout le reste, on se complète quoi, un cheval, une alouette."

On trouve, dans cet extrait de dialogue, l'expression un cheval une alouette, à laquelle je faisais allusion dans un ancien billet (mathématique, 15 février 2013). Mais moi j'y mettais des grives, c'est une erreur, je n'ai appris que par la suite que cette blague des sixties était passé dans le langage courant tel quel.

Cette conversation entre deux étudiants qui font connaissance est tirée du long-métrage Les amitiés particulières, 1964, réalisé par Jean Delannoy d'après le livre de Roger Peyrefitte. Grâce à une amie qui m'avait prêté tout un lot de DVDs éclectique, revoir ce film fut ma façon de fêter ce dimanche particulier où, chacun l'aura noté,  la Palme d'or cannoise et les manifestations homophobes à Paris semblaient dans un espace temps différent.

Dernières lignes de l'avertissement qui débute le film.

Le film est désuet, mais d'une certaine façon cela lui donne une modernité étrange. Comme si les décors, le parlé, les dialogues, produisaient un effet de distance encore plus grand entre le propos, intemporel, et la narration, marquée de son temps. Désuet et assez gonflé en même temps : les choses sont dites, parfois avec ellipse, mais bien là.
Sans doute dans cinquante ans "La vie d'Adèle" paraîtra un peu vieillie elle aussi. 

C'est sur le tournage du film que Roger Peyrefitte tombera amoureux de Alain-Philippe Malagnac, très très jeune figurant, qui des années plus tard épousera Amanda Lear. 
Poussièreuses ou non, on peut vraiment dire que ces années soixante et soixante dix n'étaient pas banales... Et les manifs un peu plus Peace and Love...



lundi 20 mai 2013

mektoub

En parcourant le livre de Garouste cité précédemment, je tombe sur cette phrase : "En la rejoignant, j'ai traversé un quartier qui m'évoquait mes parents, la rue Raffaelli où nous avions habité jusqu'à mes cinq ans, je dormais dans le couloir, faute de place." Surprise de trouver ici, nommé et imprimé, le nom de la rue, minuscule, où moi-même j'ai passé mon enfance...

Plus loin encore, un hasard d'un autre ordre : " Moi qui en Bourgogne était un fils de riche comparé aux autres, je ne l'étais subitement plus. Ils étaient habillés à la mode, ils portaient des blue-jeans dont je ne connaissais pas le nom, Levi's. Ils venaient de partout y compris de l'étranger, ils étaient fils de Chagall ou d'industriel, des gosses encombrants pour leur familles aisées.
Mais je les regardais comme des gagnants, je ne devinais rien de leurs airs émouvants et largués. Je ne voyais pas ce que mon ami Patrick Modiano, deux classes au-dessus de moi, décrit dans ses livres : "Des enfants mal-aimés, des bâtards, des enfants perdus. Je me souviens, raconte-t-il, d'un Brésilien qui fut longtemps mon voisin de dortoir, sans nouvelles de ses parents depuis deux ans, comme s'ils l'avaient mis à la consigne d'une gare oubliée...""
Cette citation de Modiano, concernant les élèves de l'école du Montcel, est tirée de Un pédigrée, que j'ai justement acheté il y a quelques jours. Modiano ajoute : "D'autres faisaient des trafics de blue-jeans et forçaient déjà des barrages de police. Deux frères, parmi les élèves, ont même comparu, une vingtaine d'années plus tard, en cour d'assise. Jeunesse souvent dorée, mais d'un or suspect, de mauvais alliage. La plupart de ces braves garçons n'auraient pas d'avenir."
Quand Garouste, se souvient que ses " amis d'alors sont toujours là. Après le Montcel, ils ont tous réussi leurs études. Ils sont devenus Jean-Michel Ribes, dramaturge et metteur en scène, Patrick Modiano, écrivain, Olivier Coutard, avocat, Francis Charhon, fondateur avec d'autres de Médecins sans frontières, François Rachline, économiste et écrivain."

Extraits de L'Intranquille, de Gérard Garouste, éd. le livre de poche, et Un pedigree, de Patrick Modiano, éd. Gallimard.

vendredi 17 mai 2013

Ninja

C'est ma superstition. Chaque fois que je trouve un petit personnage abandonné - en général il est cabossé ou handicapé -, je pense que quelqu'un m'aime quelque part.
Et je rajoute le bonhomme à ma collection.

Cette tortue Ninja a perdu ses armes apparemment. N'empêche, elle continue le combat. Suis juste inquiet de son teint rosé : une protection solaire insuffisante ?

lundi 13 mai 2013

en enfer

"À l'intérieur de l'hôpital, on fait avec la folie. On s'organise. C'est un monde sans politesse ni pudeur. Un étrange ballet dans une grande salle de réfectoire. Il y avait le type qui regardait la balle de ping-pong pendant des heures et qu'un jour un autre a rejoint  pour la regarder avec lui ; et aussi le chef des fous  - il y en a toujours un, comme il existe le chef des prisonniers ou qu'il existait le roi des argotiers à la cour des miracles (...). (...) j'avais encore fait appel à lui lorsque l'homme à la tête de gargouille, un visage effroyable sans front, m'avait volé ma règle. J'y tenais à cette règle, je l'avais réclamée à Elisabeth, et je me promenais fièrement avec. Je ne supportais pas de voir le voleur difforme, accroupi au pied des tables, me regarder tout en la mordillant.
Je me rappelle aussi d'une infirmière, elle pensait que j'avais des dons divinatoires, elle s'approchait de moi, me posait des questions sur sa famille et j'y répondais."
L'intranquille, autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou, de Gérard Garouste (avec Judith Perrignon), éd. Le livre de poche.

au soleil, bis



dimanche 12 mai 2013

au paradis

"Puis il s'endormit et fit des rêves qui par leur folie et leur audace rivalisaient avec ceux des mangeurs de haschich. "
Martin Eden, Jack London, éditions Hachette.

au soleil



mercredi 8 mai 2013

le signifié

"C'est trop cher!"
La voix est grasseyante, posée, un peu trop forte, connue. C'est son physique qui m'étonne : j'avais toujours imaginé Bernard Tapie plus grand que cela. Quelques bons centimètres de plus que moi, ça reste assez petit.
"Nan nan, c'est trop cher, ça va pas le faire," continue-t-il, le coude haut dressé, à hauteur de son téléphone mobile, les pieds bien campés dans le sol, en plein milieu du couloir. Je me demande, en poursuivant vers ce restaurant d'entreprise où les aléas du métier me conduisent, ce qu'il est en train d'acheter, ou plutôt de non acheter. Un yacht ? Un groupe de presse ? Une mairie ?

"Ben c'est pas votre heure !" 
Je vais souvent dans la même boulangerie où l'une des vendeuses m'a "à la bonne". Pour dire qu'elle a ses têtes, celles qui lui reviennent, elle dit : "Ah, moi, j'ai mes gens..." Cette fois mon horaire inhabituel la perturbe :"si c'est pas votre heure je sais plus où j'en suis. Moi mes clients, c'est mes horloges." C'est l'image d'une montre molle que cela fait naître en moi. Pas très croustillant.


"Les parents de son copain sont..."
Je dîne avec ma mère et si je vous épargne une nouvelle photo de ses ongles, c'est que la couleur était la même que la dernière fois. J'attends la prochaine teinte. 
Les mots lui manquent, mais lui reviennent parfois plus tard. On regarde le jardin de l'immeuble par ses fenêtres. Elle se félicite que rien ne bouge, que chaque arbre soit immobile car elle y voit un signe de beau temps à venir. "Parce qu'il n'y a pas de..." et le mot vent lui échappe. Avec ses mains, elle mime une rafale, un coup de balai. 
Je lui demande des nouvelles de mes neveux et nièces, des enfants adorables qui viennent la voir régulièrement. Elle raconte que l'un d'eux est chez un ami. "Les parents de son copain sont..." et le mot lui échappe. Avec ses mains elle fait de drôle de gestes dans l'espace, comme pour placer des choses à différentes hauteurs, si bien que le mot qui me vient à l'esprit est "acrobates". "Sont juifs", termine-t-elle. Je rigole de bon cœur. Tout cela pour expliquer que l'enfant se rend à une cérémonie religieuse, dont la nature exacte est perdue dans l'oubli.
Elle questionne beaucoup les objets et les meubles qui l'entourent, qui lui paraissent familiers mais incongrus. Avant de partir, je remarque des objets rangés en groupe (lunettes et capuchons de stylos Bic) et je me demande si c'est un hasard.

mardi 7 mai 2013

l'occasion

Ce n'est pas ma tasse de thé, mais j'ai acheté un Modiano. Un pédigrée. Il me semble qu'une amie m'en avait parlé il y a quelques mois, parmi ses relectures de vacances. À voir. De toutes façons il n'y avait pas tant de choses qui m'attiraient, malheureusement, dans cette librairie de rue où j'avais décidé par avance de faire des achats, et le volume Nrf est minuscule. 121 pages, ça engage à peu.

Le kiosque librairie d'occasion, place Franz Liszt.
Je ne lui ai pas demandé son nom à ce lettré d'occasion. Certains enfants l'apostrophent comme le Père Noël. Il rouspète. Il faut dire qu'il a plutôt la tête à avoir passé sa vie sur un cargo que sur un traîneau. Des yeux bleu des mers du Sud. 
Je ne sais s'il se raconte facilement mais il est très bavard sur sa copine pigeon, "une bagarreuse", qu'il prénomme Coco-bolo ou quelque chose d'approchant. 

"- Ah Modiano c'est bien. Moi je lis plusieurs livres à la fois, un là, un sur Néron, un autre là, j'en lis quelques pages et puis je change, je tourne, c'est une sorte de tournante littéraire quoi."

Le lendemain quand je suis repassé, il a de suite sorti une canette pour boire à ma santé. Il était cette fois dans un ouvrage sur la magie noire. 
C'est là qu'il m'a détaillé les différentes stratégies de séduction de la pigeonne. Quand elle est ici le matin lorsqu'il arrive pour ouvrir, quand il lit et qu'elle arrive en vol plané à la hauteur de ses yeux "comme pour me dire coucou, je suis là", quand elle est sur la grille là-bas à le regarder. "Une bagarreuse" répète-t-il encore, admiratif.





lundi 6 mai 2013

sans sucre

Un petit air de vacances, ce week-end. En commençant par le vendredi soir où, refusant de sombrer à nouveau dans ma studieuse obsession (travailler...), suis allé au cinéma voir Sugar Man. J'en avais envie depuis le jour où j'avais vu la bande annonce, et bien que ne l'ayant pas vécu de près, je savais qu'il était l'objet d'un gros bouche-à-oreille (je ne suis tout de même pas reclus dans un bunker).

Eh bien décidément je dois avoir un fond rebelle car le truc m'a déplut. Pas le personnage, ni la musique, mais vraiment le film lui-même. L'impression de regarder un documentaire M6 qui décide pour toi de ce que tu dois penser. Je ne vois vraiment pas comment on peut avaler que personne n'avait pensé à contacter Mike Theodore, le producteur de Rodriguez (alors que c'est la première chose qui vint à l'esprit) ; et pourquoi il aurait fallu, pour y penser, une parole de chanson qui évoque Detroit.
Donc toute la première partie du film qui étire ce faux suspense autour de "on croyait tous qu'il était mort" m'a paru vraiment pénible, à peu près autant qu'une bande-annonce de téléréalité (Machin va-t-il retrouver Truc alors qu'il croit qu'il est mort ? Mais de son côté Bidule n'en croit pas ses yeux. Coup de théâtre, Machinette tombe par hasard sur l'ordinateur, bla bla bla).



J'ai tout de même appris plein de choses que j'ignorais sur l'Afrique du Sud, et j'aime vraiment bien I Wonder (ce sont les sonorités de mon adolescence...), et les extraits du concert.

Plus tard dans le week-end un autre moment du passé m'est revenu en mémoire. Au Café Beaubourg, à nouveau avec F., où je commandais un café allongé, j'ai repensé à Manuel Otéro, un réalisateur de film d'animation. C'est lui qui, dans les années 80, m'a initié à ce breuvage "servi dans une grande tasse" comme il aimait à le préciser.




I wonder how many times you've been had
And I wonder how many plans have gone bad
I wonder how many times you had sex
I wonder do you know who'll be next
I wonder l wonder wonder I do

I wonder about the love you can't find
And I wonder about the loneliness that's mine
I wonder how much going have you got
And I wonder about your friends that are not
I wonder I wonder I wonder I do

I wonder about the tears in children's eyes
And I wonder about the soldier that dies
I wonder will this hatred ever end
I wonder and worry my friend
I wonder I wonder wonder don't you?

I wonder how many times you been had
And I wonder how many dreams have gone bad
I wonder how many times you've had sex
And I wonder do you care who'll be next
I wonder I wonder wonder I do