mercredi 24 février 2016

signez!

Alors que les GIF envahissent les réseaux numériques (on prononce jif, pour ceux qui auraient un doute), et que Giphy, l'une des sociétés pourvoyeuses de ces images animées, a fait l'actualité dernièrement après avoir été valorisée à hauteur de 300 millions de dollars, je trouve dans ma boîte aux lettres ce sympathique regroupement simien.



En réalité cette épaisse carte postale plastifiée n'est pas, elle, animée, comme celles, ancêtres des GIF, auxquelles un léger basculement donne une illusion de mouvement, mais elle n'en est pas moins en trois D. Et elle me souhaite une bonne année du Singe. Avec cette interrogation pertinente : quelles singeries va-t-on encore rencontrer dans les mois qui viennent?
C'est à Lopburi, Thailande, qu'ont été immortalisés ces macaques, et l'image me rappelle des souvenirs amusés de moments moins amusants justement, vécus là-bas il y a quelques années : comment demander poliment à trois singes en bas âge de bien vouloir descendre de la tête et du sac à dos de A.?

Contrairement aux petits singes traditionnels, ceux de la carte postale de C. ne se taisent ni ne se bouchent oreilles et champ de vision. Ils sont bien là à scruter ce qui se passe. Vigilants.
Libre association avec ce thème de la vigilance, on peut vite signer la pétition contre le projet de loi dit El Khomri, sur change.org.
Des fois qu'on voudrait nous faire prendre de la flexi-sécurité (ah ah ah !) pour des bananes.

lundi 8 février 2016

la représentation

Ma mère aurait besoin d'une réforme de l'orthographe beaucoup moins timide que celle qu'on nous propose.
Il y a les mots anglais, comme je l'ai déjà expliqué (Filtre d'amour), qui devraient subir un réel lifting pour être intelligibles : fleurte, smaillelai etc.
Grace à elle je découvre d'autres difficultés dont l'Académie devrait s'emparer de suite. 
Son cerveau malade ayant mémorisé les airs de "La montagne" et "Que serais-je sans toi", interprétés par Jean Ferrat, j'ai imprimé les paroles pour que ma mère puisse les fredonner avec le texte. Dans le poème d'Aragon, elle bute ce soir sur un obstacle qu'elle sautait d'habitude sans problème. Dans "Que serais-je sans toi que ce balbutiement", elle prononce balbu-ti-ment au lieu de balbu-scie-ment. Alors, vite, une réforme!!

Mais je plaisante bien sûr car ma mère a rejoint maintenant les poètes et ceux qui s'affranchissent de l'étroitesse du signifiant.
Hier soir, assis à ses côtés, je me frotte les paupières.
- Tu as mal aux genoux?
- Non, aux yeux.
- Odieux, aux dieux?
- Non, aux z'yeux!
- Ah... Aux yeux. J'ai dit odieux.
- Oui. C'était une blague, tu as voulu faire un jeu de mot?
- Je l'ai fait exprès, affirme t-elle avec un sourire malicieux.
En réalité elle restitue l'association vécue dans son corps entre "mal" et "genou", due à l'arthrose.

Parfois sa poésie involontaire guidée par la phonétique, rend hommage à Un mot pour un autre, de Jean Tardieu, .
Quand je suis penché à m'occuper de ses pieds :
- Tu dois être familier, à rester comme ça.
(C'est fatigué qu'elle veut dire)

Ou encore, un jour où, en riant, je lui dis :
- Tu es tout de même spéciale !
Elle reprend, ravie :
- Tu me trouves spectacle ?

jeudi 4 février 2016

Zouc actu

Quelles nouvelles de Zouc demandait en substance le très cher SdA dans son commentaire du 23 janvier (billet oh, débit) ? 



L'année dernière, une publication sur Facebook m'informait de l'actualité de l'actrice humoriste retirée de la scène depuis des lustres : elle fit une brève apparition publique pour recevoir un prix, à Noirmont. 

Plus de détails ici, dans cet article du Temps, illustré d'une amusante vidéo de Zouc tournée en 1973 dans le village de son enfance.


On trouve d'autres documents filmés sur le Net bien sûr (La fourmi, Le téléphone, La famille...), et notamment celui-ci (www.youtube.com/watch?v=Z9r7yCeKehE), très long, qui donne toute la mesure de son "inquiétante" expressivité.

lundi 1 février 2016

l'agneau résilient

Aujourd'hui je sors de chez moi pour aller rendre visite à ma mère, il fait déjà nuit et quelqu'un dans la rue juste devant le porche m'apostrophe et m'appelant par mon prénom. Je mets quelques instants à prendre conscience que oui, on m'appelle bien :
- Je t'ai reconnu tout de suite, ajoute-t-il.
Une fois la surprise passée, moi aussi je reconnais ce jeune homme, sans toutefois retrouver son prénom, ce que j'avoue sans peine :
- Farid, répond-il à ma demande.

C'est le jeune homme qui vivait dans la rue et dont j'ai déjà parlé dans quelques billets (17/10/2011, 22/10/2010, etc). Je l'avais recroisé une fois beaucoup plus tard, du côté de Pigalle, il m'avait annoncé qu'il avait eu un enfant avec son amie, c'était encore la galère avec les lieux d'hébergement, il m'avait à nouveau sollicité mais je n'avais pu l'aider, sorti juste pour aller boire un verre et n'ayant quasiment rien en poche.

Ce soir je retrouve sur son visage cet air d'extrême gentillesse, remarquable, qui le caractérise. Une allure de prophète. Que devient-il ?
-Je suis toujours avec mon fils, dit-il, il a cinq ans. J'ai un petit boulot, un foyer. C'est difficile mais ça va.
Il travaille dans le service courrier d'une entreprise, a repris contact avec son oncle, qui peut l'aider pour le petit :
- Par exemple ce week-end le petit est avec lui.
- Mais tu n'es plus avec la mère de l'enfant ?
- Tu n'as pas su ? La mère est décédée d'une embolie pulmonaire, je me suis retrouvé seul avec lui, il n'avait pas fêté son premier anniversaire.

Non, je n'avais pas su. Tout ce par quoi Farid est passé, et il est toujours là, avec son regard d'agneau, là où d'autres seraient devenus loups...
Je remarque que physiquement il va mieux, pendant une période des problèmes de genou l'avaient handicapé par-dessus tout le reste. On dit quelques mots sur le mieux auquel il est parvenu. Je l'encourage à m'appeler.
- Non, toi donne moi ton numéro, je n'ai pas de téléphone, je me le suis fait voler.
Je l'ai toujours entendu dire cela, je n'ai jamais su si ces histoires d'appareils volés étaient vraies ou bien si Farid avait une forme de phobie téléphonique.
Je lui tends une carte, qu'il lit :
- Psychothérapie, j'en aurais bien besoin, plaisante-t-il

Plus tard dans la soirée je repense à lui. Sa fierté quand il a dit : "Je suis toujours avec mon fils". En terme de résilience, c'est lui qui pourrait en apprendre à beaucoup.