dimanche 18 juin 2017

Singapour, fin

Nous devions fuir la ville pour une journée dans les îles... et pour différentes raisons nous avons renoncé mais pris du temps à regarder les bateaux et le large.

Dans la journée, on rejoint le grand building Pinnacle, que nous avions aperçu lors de notre première balade dans Chinatown, car nous avons appris que l'on peut se rendre sur le toit.
Les différents bâtiments de cet ensemble sont en effet réunis par un jardin passerelle au 26e étage, réservé aux locataires, et par un roof garden, au 50e, qui est accessible au public pour quelques dollars. Il faut cependant possséder aussi une Ez link card, carte de métro que nous n'avions pas acquise au vu des distances facilement avalées par nos bottes de sept lieues (et parce que les tickets de métro achetés dans les distributeurs se rechargent plusieurs fois, faisant ainsi office de carte).
On achète donc ce pass juste pour le plaisir de monter là-haut, et de bénéficier du panorama vraiment appréciable : le port qui décline toutes les couleurs des conteneurs métalliques, les buildings (dont la tour écologique rouge Oasia), Chinatown avec ses petites maisons coincées entre les gratte-ciel etc.
Le Pinnacle est par ailleurs l'occasion de dire trois mots d'une spécificité de Singapour : le HDB (Housing and Development Board). C'est la politique de construction de logements bon marché, imaginée au début des années 60 pour lutter contre les bidonvilles. Elle se double d'une politique d'intégration : des quotas ethniques sont observés de façon à contrer à la fois le risque d'exclusion de certains comme le risque de ghettoïsation. A la fin des années 70, déjà un tiers de la population vivait dans ces immeubles publics, Aujourd'hui 80% de la population habite dans un HDB !  Je ne sais pas exactement de quelle façon mais on peut aussi acquérir son logement, et j'ai lu que maintenant 90 % des occupants sont propriétaires.
Comme quoi la question du logement, c'est vraiment une question de décision politique.

Plus tard c'est à People's Park que nous déjeunons. C'est le nom du grand bâtiment vert et jaune que l'on aperçoit à gauche sur la photo de Chinatown (il porte aussi une immense inscription en idéogrammes rouges invisible d'ici), mais c'est aussi le nom d'un food court couvert gigantesque qui s'étend à ses pieds.

Le lendemain, c'était notre dernière demi journée sur place, nous nous sommes rendu dans un autre foodcourt célèbre de la ville, le Lau Pa Sat. Il se tapit en plein milieu des gratte-ciel du centre d'affaire, sous la structure restaurée d'un ancien marché. Le dimanche, c'est tout calme puisque les milliers de salariés entreprises situées dans les tours avoisinantes sont en repos.
C'est non loin d'un petit quartier bobo en diable qui tient dans un mouchoir de poche autour de la Telok Ayer Street. Temple taoïste, petit immeubles ripolinés et mosquée alternent avec tout un tas de restos cosy trendy.













samedi 17 juin 2017

carnet singapourien 3

Devant le grand terrain de football-cricket (visible sur le carnet 1), se tient la National Gallery de Singapour qui accueille actuellement une exposition de Yayoi Kusama : un choix d'oeuvres, diversement convainquantes, présentées de façon retrospective, depuis les années 50, qui met en évidence son obsession pour les pois dès l'origine de son travail artistique, et montre des propositions différentes sur le mode de la performance.

Ce midi-là, à cause du temps incertain, on déjeune exceptionnellement dans un "vrai" resto, plutôt que dans un bouiboui en extérieur ou un "foodcourt", ces lieux qui réunissent de nombreux stands culinaires (que ce soit dans la rue ou au sein des centres commerciaux). C'est au Betterfield, que je commande ce burger de canard effiloché et ses frites surgelées.

 Encore plus tard je vais au Musée national, une ancienne bâtisse coloniale toute blanche agrémentée à l'arrière d'un prolongement contemporain d'acier et de verre. L'histoire de Singapour y est présentée de façon hyper interactive, faisant passer le visiteur d'une atmosphère à une autre, au gré de décors et de documents visuels ou auditifs à foison. C'est vraiment réussi, et passionnant.

Le soir, on jette par curiosité un oeil sur le spectacle (kitsch) laser-jets d'eau qui se tient face au Marina Sand Bay, avant de dîner au foodcourt Glittons Bay, non loin de là, où je goûte enfin le fameux hainanese chicken (de l'île de Hainan), délicieusement moelleux.













carnet singapourien 2

Le petit déjeuner typique à Singapour consiste en une boisson chaude accompagnée de "kaya toasts", c'est-à-dire de toasts de pain de mie à la confiture de noix de coco et de deux oeufs cuits comme à la coque (mollets), mais à déguster sans coquetier.
La vie est plus chère qu'en Europe, mais ce n'est pas très sensible au quotidien pour un voyageur lambda. Sur les billets, le visage est celui de Yusof Ishak, premier président de la république, prétexte à rappeler que celle-ci ne date que de 1965.

Dans la ville il y a un système de Vélib très différent du notre : les vélos n'ont pas de station d'attache. L'utilisateur le laisse où il veut, en principe tout de même dans un endroit abrité. C'est sur une application que l'on repère où est le vélo le plus proche de soi et, une fois arrivé à sa bécane, on scanne un code barre fixé sur le cadre et cela déclenche l'ouverture de l'antivol. Pratique. Mais cela implique évidemment que personne n'emmène la bicyclette dans sa cave ou sur son balcon...

Avec le climat chaud et humide, la végétation est évidemment luxuriante, et valorisée comme une richesse locale. Des arbres gigantesques sont bichonnés dans la ville, les buildings se parent de verdure, de terrasses plantées et le jardin botanique est l'une des attractions touristiques prisées, avec son immense jardin d'orchidées. Pour autant, il est un peu décevant tant il est sage et normal.

Toujours spectaculaires en photo, les faux arbres de Gardens by the bay sont en réalité beaucoup moins impressionnants.












vendredi 16 juin 2017

carnet singapourien

Singapour.
La pluie est à l'arrivée. On rejoint facilement notre hôtel depuis l'aéroport, en métro. Depuis la station City Hall, il est tout proche alors que regardant le plan de la ville on pensait avoir à marcher un peu. Comprendre : les distances sont plus courtes que prévu.
De la fenêtre de la chambre, on aperçoit le Marina Sand Bay, drôle de trio d'hôtels surmonté d'une terrasse en forme de bateau, pas très élégant, qui est l'icône architecturale de la ville.

 Le lendemain Il fait chaud, au début lourd, sous un ciel nuageux, puis encore plus chaud quand le soleil se montre. On se promène du coté d'Arab Street et du quartier indien, où l'on déjeune. Ici a été préservé et restauré (ou peut être reconstruit ?) un habitat ancien de petites maisons à deux étages d'esprit plus ou moins colonial, échoppe en bas sous des arcades qui protègent du soleil et de la pluie, espace à vivre au premier.
On retrouve ce même type de construction l'après-midi dans Chinatown, où les petits bâtiments offrent des contrastes saisissants et photogéniques avec les immeubles modernes alentour.













vendredi 9 juin 2017

double war


Elles se font face dans le même couloir de métro ces deux publicités cinématographiques que je photographie à l'arrache avant-hier soir. C'est bien sûr la coïncidence alphabétique qui m'amuse, d'autant que, ignorant tout du film de Barbet Schroeder, je n'avais pas saisi l'ironie du mot vénérable. J'imaginais donc une affiche guerrière, face à une déclaration de paix. 

Ayant depuis visionné la bande annonce des deux longs-métrages, j'ai compris ma méprise. Le vilain wonder bonze n'a rien d'un dieu mais tout d'un salaud, et ses effets dans le réel sont plus inquiétants que les effets spéciaux de la fiction de Patty Jenkins. Moine le maudit, c'est ici.


samedi 3 juin 2017

peñible

Je me laisse aller à un dernier billet, du moins pour cette saison, sur les métamorphoses d'Ibiza, pour faire frémir notre cher Sda, qui y trouvera sans doute de nouvelles idées pour combler les retraites de quelques administrateurs en quête d'action (voir les commentaires des billets précédents).

J'étais, je le dis avec grande humilité, tout prêt à faire le deuil de mon Île et à considérer que, comme toute chose, l'Ibiza qui m'habite est imaginaire. Et qu'à ce titre, elle ne peut ni véritablement vieillir, ni véritablement s'émouvoir de ce que son avatar bien réel - la vraie Ibiza en terre et en rocs - est devenu ou en train de devenir.
J'allais même jusqu'à me réjouir à haute voix de ce que finalement, malgré les assauts du progrès, du confort, du tourisme et du capitalisme, l'endroit n'avait pas été sauvagement défiguré, avec le bémol de la vilaine digue construite pour accueillir les bateaux de croisière (tout ce positivisme, je l'avoue, s'épanouissait avant la découverte du projet d'hôtel de luxe sur Vara de Rey).
Mais dans cette mare de détachement, un pavé est tombé, lorsque je remarquai qu'un des paysages les plus typiques de l'Ile, sa Penya, était en phase de transformation.

Le paysage de Sa Penya,
défiguré par un chemin de terre l'entourant.

Sa Penya, ou la Peña, est un quartier de la ville basse, entre le port et les murailles de la ville haute, à l'extrémité orientale de la ville : la zone occupe une forme de triangle qui avance dans la mer, juxtaposition de petits habitats blancs qui, du côté des flôts, surplombe une falaise qui va s'amenuisant vert le port et s'élevant vers Dalt Vila, ménageant à un endroit une forme de plage de cailloux inaccessible à pied.
Le lieu possède plusieurs caractéristiques notables : la beauté de ce morceau de ville pointu, comme accroché aux rochers, terminé par une petite tourelle d'observation ; la vétusté des habitats, identique à celle que connaissaient nombre de quartiers autrefois, qui fait de certaines maisons plus des ruines qu'autre chose ; le trafic de drogue, et toute sa kyrielle d'insécurités, réelles ou fantasmées ; la Casa Broner, une petite maison musée (1960) de l'architecte Erwin Broner ; la présence des gitans, longtemps majoritaires.

Je ne vais pas m'étendre sur les multiples politiques de rénovations du quartier qui se sont succédées depuis des lustres, certaines plus sociales, d'autres plus immobilières. Ce que l'on comprend aisément, c'est que cette zone, dans un monde qui se veut propre et rentable, est devenu le point noir pour beaucoup. Et comme on est en Espagne, l'enfer et le diable ne sont pas loin : "El barrio esta dejado de la mano de Dios".
La dernière opération en date, tout de même, a consisté en l'évacuation des familles du quartier pour mettre les habitats aux normes. Je n'ai pas bien compris si ces expulsions étaient uniquement provisoires ou définitives. En tout cas, amusement suprême, la presse annonçait que l'on avait "découvert" presque une vingtaine de familles branchées illégalement sur le réseau électrique. Rigolade, car quand on connaît le lieu, la chose est à peu près aussi surprenante que d'avoir mis à jour des vestiges archéologiques lors des travaux du Parador de Dalt Vila (toujours pas réalisé d'ailleurs...)!

La nuit, la pointe de sa Penya : on voit à droite
 le chemin artificiel qui borde les rochers.
C'est donc cette ville-rocher posée sur l'eau que je voyais soudain les pieds sur terre, comme ourlée par un chemin artificiel qui m'a fait frémir. Effectivement, vu de plus près, les choses constatées de jour comme de nuit, force était de se rendre à l'évidence : une route était créée sur la mer, depuis le port, qui longeait sa Penya jusqu'à la petite plage de cailloux. Sacrilège !
Une fois de plus les articles de presse consultés sur Internet allaient m'apprendre le pourquoi du comment. La falaise s'est effondrée, comme celle surplombant la playa de las damas dont je parlais ici. Et cet effondrement, s'il n'était pas le premier, a été jugé suffisamment préoccupant, notamment pour la sécurité de la Casa Broner qui est tout de même le joyau du quartier. Décision a donc été prise de consolider l'a pic, et pour cela de construire ce vers de terre qui amènera des camions sur place. 
Soulagé ? Pas vraiment. Car une association de "voisins et de commerçants" milite pour que soit conservé, dans l'avenir, un chemin piéton jusqu'à cette playita de caillasses.
Ay! Que Dieu et Diable m'entendent et détruisent le commerce!



Pour le plaisir : vue de la petite plage de las damas, débarrassée des éboulis,
toujours interdite d'accès.