jeudi 29 novembre 2018

morceaux choisis

Elle s'appelle donc Constance Quéniaux, celle dont le sexe est aussi connu que le sourire de la Joconde (je vous épargne les analogies anatomiques).

Le petit livre de Claude Schopp qui lui est consacré est honnêtement sous-titré Vie du modèle. C'est qu'il ne s'agit pas de l'histoire du tableau : on ne saura rien de sa genèse, de sa commande, des heures de pose qu'il a nécessité etc. C'est la tentative d'un portrait de femme, la restitution à tâtons d'une vie d'après de maigres indices : contrats de travail, entrefilets dans la presse où le nom de la jeune femme se trouve cité...
Peu de matériel donc, mais le goût du détail que l'auteur confesse en introduction nourrit une âme de traqueur d'informations hors pair. On apprend même le nom de la sage femme qui a donné naissance à Constance (l'origine de L'Origine...), accouchant le 9 juillet 1832, à Saint-Quentin, une jeune femme de 23 ans. Père inconnu.
La petite deviendra danseuse. Son premier contrat à l'Opéra est signé lorsqu'elle a 14 ans. La voici donc dans l'univers des demoiselles du demi-monde, entretenues. "La pente est glissante qui mène de la danse à la galanterie, d'autant que le discrédit touchant cette dernière s'est amoindri depuis La Dame aux camélias." C'est toute une partie passionnante du livre qui restitue le monde des biches, à côté duquel l'affaire Weinstein a l'air d'une galéjade, et dans lequel Constance Quéniaux est une figure assez singulière (lire le bouquin pour savoir de quelle façon...).

Aujoud'hui, au Louvre, les touristes se photographient plus souvent
devant La Joconde qu'ils ne la photographient elle-même...




Finalement le mystère du modèle dissipé, reste que le tableau de Courbet n'est pas un portrait de femme, mais bien le portrait d'un corps féminin, volontairement anonyme, que l'on ne saurait réduire à un sexe, puisque sein, ventre, cuisses et amorce du fessier sont clairement présents. C'est ce parti pris qui en fait la modernité, et l'on s'étonne que certains aient pu imaginer, en 2013, cette toile comme étant le fragment d'un tableau plus important (proposant par ailleurs une tête dont la position est anatomiquement incompatible avec celle du buste de L'Origine du monde, mais passons...).

Reste qu'entre la première ligne de ce billet où je citais la Joconde, et ce soir où je l'achève, je suis allé (hasard) au Louvre avec un ami. Par amusement nous sommes passés admirer Mona Lisa, et j'ai pu constater, moi qui déteste voir les toiles de maître fragmentées pour devenir des magnets ou des mugs dans les boutiques des musées, que cette pauvre Mona, elle, est débitée en tous petits morceaux.

Modernité du regard d'un côté, démembrement de l'image de l'autre.

lundi 19 novembre 2018

sexe en public

Je voulais raconter ici plusieurs anecdotes autour de ce thème, mais je crois que je vais devoir me résoudre à ne conter que celles qui concernent le livre L'Origine du monde, vie du modèle, de Claude Schopp. Ou plutôt ma lecture de l'ouvrage, lequel débute (exquisément) ainsi : 
"Je suis atteint de ce que l'on pourrait nommer le délicieux vertige de la note - on s'en apercevra bien par ce qui suit : tenter de traquer les moindres allusions que contient un texte afin de l'éclaircir me passionne jusqu'au ridicule."
C'est cette tâche, appliquée à la correspondance de George Sand et d'Alexandre Dumas fils, qui a permis l'identification de la femme représentée sur la toile de Courbet, L'Origine du monde, découverte qui a fait l'actualité il y a deux ou trois mois.

Je me promène donc dans le métro avec ce petit livre (150 pages), tout à fait passionnant, qui cherche à retracer le portrait et la vie de Constance Quéniaux, danseuse et amante quelque temps de Khalil-Bey, commanditaire du tableau, toile qui est reproduite à l'intérieur avec d'autres documents.

Dans la rame où je suis - bien qu'à cet instant je sois plus dans mon bouquin -, une jeune femme interprète une chanson réaliste en roulant exagérément les r. Puis elle enchaîne avec Les gens qui doutent, d'Anne Sylvestre, qui me ramène un peu vers elle. Rangeant son matériel elle m'apostrophe :
-" C'est bien, L'Origine du monde ? C'est Darwin et tout ça..."
-"Ah non, ce n'est pas Darwin, c'est l'histoire d'un tableau qui porte ce nom. 
J'hésite une seconde à le lui montrer.
-"Ah, vous aimez l'histoire artistique ! De toute façon l'histoire, c'est un truc de mecs..." affirme-t-elle en quittant la rame.
Dommage pour la chanson : pas la peine de clamer qu'on aime les gens qui doutent pour asséner des certitudes aussi bêtes. 

Moins d'une demi-heure plus tard, une scène similaire se produit. Je suis cette fois dans un hôpital (on a les distractions qu'on peut), assis sur un vilain fauteuil de skai bleu ciel attendant que le tensiomètre à mon bras fasse son oeuvre, et je n'ai pas lâché le bouquin de Schopp. Pas non plus quand il faut attendre debout pour le même objectif.
-"Ah, l'origine du monde, dit une infirmière sur le ton de l'intérêt.
 Comme le livre porte sur la couverture une illustration assez explicite (le tableau regardé par une femme dont la silhouette cache ce sexe que je ne saurais voir...), je ne sais si elle en a compris le thème.
-"C'est sur le tableau," dis-je.
Cette fois je lis clairement l'incompréhension dans ses yeux.
-"L'Origine du monde, le tableau.... Vous êtes prête à le voir ?
Et sans attendre sa réponse, tel un exhibitionniste ouvrant son imperméable, je tends l'ouvrage devant moi, le fendant en deux pour que le cahier central, en papier glacé, affiche la reproduction de la toile de Courbet.
Elle lâche une interjection entre le oh! et le ah!, soufflée, la tête et le haut du buste se rejetant en arrière. Sa collègue, derrière, s'immobilise.
-"On vient d'identifier le modèle tout récemment", j'ajoute, pour dissiper leur trouble et espérer être identifié plutôt du côté de l'historien que de celui de l'obsédé sexuel.
-"Ah oui, me répond la première, on a a parlé aux informations il n'y a pas longtemps."
Ouf, tout s'apaise, ce sexe de femme est estampillé historique...

Le livre de Claude Schopp est édité chez Phébus.

mardi 6 novembre 2018

octobre 2018

Je retourne à Lyon pour un nouveau stage de butoh, cette fois animé par Maki Watanabe (la compagne de Gyohei Zaitsu), et en discutant avec Brigitte C., organisatrice de l'événement, je prends conscience que j'ai du mal à dater ma dernière venue. Etait-ce au dernier stage donné par Gyohei en juillet 2017 ? Non, je me souviens d'un vilain temps incompatible avec ce mois d'été, et les détails que Brigitte me donne concernant le déroulé de ces journées me confirment que ce n'est pas cela.

Après vérification, je vois que c'est en avril 2017 que j'étais venu. Un carnet lyonnais ici en porte la marque. Depuis cette date, information pour les touristes, la fontaine Bartholdi de la place des Terreaux est visible, toute rénovée, et ses chevaux ont retrouvé leurs naseaux fumants. Quand j'habitais dans la ville, il y a trente ans, la fontaine n'occupait pas cet emplacement. Elle était située à l'opposé de l'Hôtel de ville, sur l'un des petits côtés de la place, et non pas comme aujourd'hui, au centre de l'un de ses grands côtés. Il me semble que la place en paraissait plus vaste. Ou alors en va-t-il de mes souvenirs de jeunesse comme de ceux de la petite enfance, où les dimensions qu'a enregistrées la mémoire sont souvent très exagérées par rapport à celles que la réalité nous montre par la suite quand on retourne sur les lieux visités dans le passé.
Maki Watanabe lors d'une performance à la galerie Jean Fournier, à Paris.

Cette fois, je n'ai fait aucune photo, ni de la ville, ni du lieu du stage, ni du charmant studio que j'occupais à deux pas de la salle de danse. Pour les amateurs, quelques images de Maki prises à une toute autre occasion : un happening à la galerie Jean Fournier, à Paris, lors d'une exposition de Fabienne Gaston-Dreyfus.

septembre 2018

Escapade à Mohammedia le temps d'une formation avec James Kepner, et quelques heures tranquilles  (un jour et demi) à Rabat.



août 2018

Escapade à Zurich le temps du Body and Freedom Festival. Histoire, au départ, de voir danser Gyohei Zaitsu, qui, finalement, ne se montrera pas. Qu'importe, la ville recèle de nombreux bonheurs.