dimanche 30 juin 2013

onanisme

-"La mienne est blanche, un peu courbée sur la gauche."
Il me faut un temps pour comprendre que ce spectateur, dans l'escalier qui mène à la sortie du cinéma, décrit sa bite à l'amie qui l'accompagne mais qui, vraisemblablement, ne partage pas son intimité. Il faut dire que des sexes d'hommes, il y en a beaucoup à l'écran de l'Inconnu du Lac. Ça peut donner des idées de conversations.
La queue d'ailleurs, est plus imposante pour la séance de 22 heures que pour celle de 20h00. C'est que selon les horaires le film n'est pas projeté dans la même salle. A 22h00, c'est dans la salle 1, la grande, et la taille a, malgré ce qu'on dit, son importance, surtout dans ce tout nouveau cinéma Louxor.

On n'est pas obligé de voir ce film. 
Il est conseillé d'éviter le dernier spectacle de James Thiérrée, Tabac Rouge (eh oui, tant pis pour les fans). Ainsi que la très sotte exposition Ron Mueck à la Fondation Cartier (pièces mal choisies et mal présentées).



pleats please


A gauche, détail d'une toile de Simon Hantaï, de la célèbre série des Tabulas. A droite, détail du défilé Issey Miyake printemps été 2014. Les deux à Paris (Beaubourg/Place des Vosges), mais l'expo Hantaï dure jusqu'au 2 septembre. Une vie de peinture en quelques salles.


mercredi 19 juin 2013

le magic carpet de Cherkaoui

Il est des spectacles où au final on a tout simplement envie de dire merci plutôt que d'applaudir.
Crée par Sidi Larbi Cherkaoui avec la danseuse indienne Shantala Shivalingappa, Play est l'un de ceux-là. Entre pièce chorégraphique, récital, théâtre dansé, Play est un travail sur le motif du jeu, mais pas seulement du "game" : incitation à sortir des règles, des cases, pour inventer son rôle d'homme ou de femme. Travail ludique qui oblige chacun à rencontrer l'autre, à se dévoiler, à donner de lui-même. À aller au devant de la scène. 
Jusque dans la salle,  le temps d'un audacieux A Whole New World (la love song du Aladdin de Walt Disney) chanté par Sidi Larbi Cherkaoui aveuglé d'un bandeau (I can show you the world... I can open your eyes etc).
Bouleverser l'échiquier de son destin, assembler des lointains, le chorégraphe l'a réalisé dans sa propre vie et il nous l'offre sur un plateau. C'est sacrément généreux.

Les visuels sont tirées d'une vidéo disponible sur Internet (Eastman)
et de Aladdin, dessin animé de Walt Disney.

lundi 3 juin 2013

palette

Au commencement de ce billet je me questionne : les ongles de ma mère, est-ce l'ombre de ma mère ? Pourquoi cette association me vient-elle à l'esprit ? Tout cela déclenche une kyrielle d'images d'enfance dont je ne sais que faire et que je ne souhaite pas détailler ici.


Je lui ai rapporté de vacances un échantillon de vernis orange. Elle est contente, regrette d'avoir mis du rouge justement ce matin, si elle avait su, elle aurait attendu et serait passée directement du vert au orange. Elle regarde ses mains, se plaint de la grosseur des veines qui les ont déformées.
- C'est affreux. Et ça monte jusque là (elle montre les bras). Je suis obligée de garder des manches (elle pince la manche de son petit pull noir). On sait bien qu'on va vieillir, mais on pense toujours que ce sera différent. C'est affreux. Jamais je n'aurais imaginé cela.

Je ne lui pose pas d'autres questions. Je n'ai pas envie de savoir de quelle vieillesse elle avait rêvée, et dont ces deux bras, jumeaux maintenant défigurés, semblent ce soir les fossoyeurs. Je lui parle d'aujourd'hui, des gens du présent. Elle s'anime en me racontant que G., un de ses petits-enfants qui vit à Barcelone, aurait pris de ses nouvelles : ça la met en joie, tout simplement. J'ai l'impression qu'il lui a fallu la vieillesse pour accéder à la gaieté aussi promptement.
C'est parfois difficile de suivre ses propos. Elle s'inquiète d'une voiture à elle qui a été vendue. Mais laquelle ? Elle raconte qu'elle en a trois, puis la phrase d'après qu'elle en a deux, toutes choses qui sont inexactes.

- Je pense tout le temps à ta photo. (Je la regarde d'un air interrogatif.) Oui, c'est comme ça, j'y pense tout le temps, je ne sais pas si c'est parce que tu l'a accrochée au mur mais j'y pense tout le temps.
(Je comprends qu'il s'agit d'une de mes anciennes peintures que je lui ai offert pour Noel, et dont elle me parle souvent quand nous dînons ensemble chez elle car elle l'a fait accrocher sur le mur proche de la table de sa salle à manger.)

- Tu veux dire le tableau ?
- Oui.
- Mais c'est normal que tu y penses tout le temps, tu l'as presque toute la journée sous les yeux.
- Non mais je veux dire, j'y pense. Avant de me coucher, je vais le regarder, comme ça j'y pense. Enfin j'imagine que ça doit être pareil pour toutes les personnes qui vivent seules.

Moi ce que j'imagine c'est que la vie de maman devient comme un tableau vaguement cubiste.