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mercredi 14 mai 2014

les correspondances invisibles

Puisque j'ai avoué dans le billet précédent les rapports secrets qui lient parfois tels ou tels textes publiés ici (Victor et Isabelle autour d'un poulpe...), j'en révèle cette fois un autre : devant le cinéma, le soir où je suis allé voir Noor, j'ai photographié la façade avec les affiches de films diffusés. Le cadrage absurde, au mépris du sujet censé m'intéresser ce soir-là (Noor et la co-réalisatrice présente sur place), était conditionné par le désir d'englober l'affiche du film La Ligne de partage des eaux, uniquement parce que c'est le titre qu'avait imaginé Lou Goaco, il y a fort longtemps, pour un spectacle qu'il souhaitait créer : une sorte de Bal des actrices en version théâtre.

The Dream of Flowers,
par Duane Michals, 1990.
Philippe Mezescaze dans son livre De l'eau glacée contre les miroirs, que j'ai cité à plusieurs reprises sur ce blog, mentionne un de ses amis mort du sida dans les années 80 : Georges qui, avec son amie Geneviève, quitta Nice, le rejoint à Paris, puis fut engagé chez Ecart International, la boîte d'Andrée Putman. "Dominique Issermann avait réalisé, à la demande de Georges, une série de portraits sur son lit d'agonie [...] qu'il souhaitait qu'on fasse figurer, après sa mort, dans un livre, ou qu'on les utilise pour une campagne d'information," écrit-il. Lisant cela j'avais cherché si ces photos étaient quelque part en ligne : rien trouvé. Et je m'étais félicité, à cette occasion, d'avoir laissé traces de Lou Goaco par le truchement de ce blog.

Plusieurs fois le billet Visages, daté du 2 janvier 2011, où Frédéric Goacolou apparaît, a été l'objet de commentaires émus. Pour ma part, n'ayant ni le désir ni la légitimité d'être le garant d'une quelconque mémoire (ayant par ailleurs trop souffert de la violence de ceux ou celles qui momentanément s'en voulaient les veuves officielles), je me suis abstenu de répondre à ces messages, sauf à l'un d'eux, car il m'était parvenu amputé de ses premiers mots. J'y citais, dans ces quelques lignes, une photo de Fréd où il me faisait penser à Hervé Guibert jeune.

Et voilà ma machine à associations repartie de plus belle : dans le livre de Mezescaze, illustré des images de Denis Dailleux, il y a un cliché à part, en noir et blanc, qui représente justement Hervé Guibert jeune. À la fin des années 80, un ami de l'époque (nous nous sommes éloignés depuis), le farfelu Yves-Noël Genot (acteur, metteur en scène et blogueur über nombriliste !!..) m'avait offert une photo de Guibert, de même style, noir et blanc. Sur un fond sombre, le jeune homme couronné de cheveux raphaéliens affectait un air angélique et juvénile.
Yves-No me l'avait donnée comme on confie une relique. Je l'avais plus tard cédée à un ami, Pierre Kneip, qui avait eu l'occasion d'être impressionné, de très près, par le charisme du jeune auteur.

mercredi 26 mars 2014

le regard de l'autre

Il ne m'a pas trop plu le livre de Mezescaze que je citais ici. Les passages qui m'ont le plus touché sont ceux qui relatent les moments passés avec Denis Dailleux au Caire, vignettes cependant anecdotiques dans le texte centré autour des morts qui ont marqués la vie de l'auteur.


Parmi les modèles de Dailleux il y a ce jeune photographié sur la tombe de son grand-père, des glaïeuls à la main et qui "propose que nous revenions le photographier demain encore : il s'habillera mieux". Tellement égyptien !
Ou cet autre, qui fait la couverture du livre, saisi au sortir du Nil, un endroit où les enfants plongent à loisir : un visage ingrat, entre poisson et tortue, mais qui est préféré par Dailleux aux autres garçons.
"Il sait qu'il n'est pas beau, qu'il est différent des autres. D'ailleurs, ses copains accourent et font valoir leurs muscles et leurs minois avenants pour capter l'objectif. Mais Denis persiste, il tourne autour du garçon et lui parle pendant qu'il le mitraille. Après quelques instants d'inquiétude et de réserve, le visage du gamin s'épanouit, il esquisse un sourire, son regard s'agrandit et s'éloigne de l'appareil pour englober tout le panorama des berges. (...) A la fin de la pose il s'est échappé sans vouloir répondre aux questions de Denis, il a seulement baisé la paume de sa main et jeté le bras dans notre direction en guise de salut."

Il y a une vingtaine d'années, je faisais régulièrement des croquis lors de mes voyages, et j'avais noté le plaisir des égyptiens à être regardés, pris en photos, dessinés. 
Dans les cafés où, après des heures de marche dans la poussière de la ville, je m'installais et croquais quelques consommateurs, il n'était pas rare que certains d'entre eux, notant mon regard,  prennent la pose, rechignant ensuite à changer de position quitte à s'extraire de l'animation de la table qu'ils partageaient. Ce furent des moments de rencontre et de complicité muettes très intenses.






mardi 4 mars 2014

trésor andalou

Après avoir publié le billet d'hier soir, je commence le livre de Philippe Mezescaze et, suite à une anecdote qui ravive mes souvenirs de la cité des morts, au Caire, et d'autres situations égyptiennes, me voici soudain plongé en... Andalousie. Mezescaze évoque en effet des films de son enfance qui mettaient en scène Joselito, "l'enfant à la voix d'or". Que je découvre à l'occasion.
Me voici donc, en pleine nuit, à regarder et écouter des vidéos, et aujourd'hui encore : il y en a tant à découvrir sur le Net (des plus touchantes aux plus kitschs, très largement majoritaires...).


J'aime particulièrement celle-ci, car Joselito y chante en compagnie d'un adulte, Antonio Aguilar (acteur mexicain qui a son étoile sur Hollywood boulevard), alors que, dit-on, peu osaient se confronter à Joselito. On y sent la puissance de la voix de l'enfant, et ce duo à cheval, comme l'allure de son trot contenu (sur le mode piaffer?), donne à la scène un air cocasse vraiment particulier.

Et celle-ci, pour l'austérité de ses premiers instants.


(Ayant noté que la consultation sur certains supports, tablettes ou smartphones, ne permet pas de lire ces vidéos, j'indique ici leurs adresses :
https://www.youtube.com/watch?v=_NFMreAau14
et https://www.youtube.com/watch?v=DPhzXq5-dvI)



lundi 3 mars 2014

mausolées égyptiens

J'ai agrandi ma collection de livres du photographe Denis Dailleux.

Un ouvrage ancien de quelques années (2007), où son nom n'apparaît que sur la quatrième de couverture (le verso du livre), mais qui est illustré d'une dizaine de ses images reproduites en noir et blanc : De l'eau glacée contre les miroirs, méditations/narrations de Philippe Mezescaze, en Égypte, au sujet de ses amours anciennes, ses amis, ses parents. 

L'autre est tout à fait contemporain (2014), avec un titre qui me rebute : Les Martyrs de la révolution. Qu'y puis-je, le simple mot de martyr me hérisse et me fait froid dans le dos...
Mais pas de portraits héroïques ou de discours grandiloquents : de petits textes sobres, qui relatent des vies simples. Et chaque fois, trois photos par jeunes disparus en 2011, et célébrés ici : l'environnement urbain, la famille, les photos souvenirs du défunt (parfois sur un mug comme le montre la couverture du livre). C'est brut, frontal, délicatement intense. 


Les dernières phrases du dernier portrait, titré : "C'est l'histoire de deux frères. "
"(...) L'État lui a donné de l'argent. Il a juré qu'il n'y toucherait pas. Avec, il a construit un sabil, une fontaine d'eau publique. 
Celui qui boira son eau portera dans son cœur un peu de l'âme de son frère. "

Pour le livre de Mezescaze : éditions du Rocher. Pour le livre de Dailleux (textes d'Abdellah Taïa) :  Le Bec en l'air éditions.