mardi 18 avril 2017

le vote Alzheimer

Peu après le débat télévisé qui réunissait les big five (buffle, éléphant, léopard, lion et rhinocéros, que chacun détermine les analogies pertinentes), je montre à ma mère la page d'un programme de télévision qui traînait dans sa chambre : y figurait la photo d'annonce de l'émission où les cinq candidats étaient réunis.

Je lui explique qu'une élection approche et qu'on doit élire un nouveau président. Elle prend l'air tout à fait intéressé, mais je pense qu'elle ne comprend pas un traître mot de ce que je lui dis. Qu'importe, qu'elle fasse comme la plupart, qu'elle choisisse son candidat à la tête du client.

- Tiens maman, regarde les photos, lequel tu choisirais comme président de la République.


D'emblée elle ignore François Fillon et Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon bénéficie d'un statut à part : une fois elle dit qu'elle le connaît depuis toujours, pour affirmer ensuite qu'elle ne l'a jamais vu (une allusion aux prestations "hologrammiques" du député ?).

Elle s'arrête enfin sur Benoît Hamon et sur Emmanuel Macron. Je constate que sur le document de la chaîne télévisée, ce dernier est rose comme un porcelet alors que les quatre autres sont gris comme des rôtis de porc sans nitrite. 
Elle hésite. Elle affiche un demi sourire, penche la tête sur le côté, comme si elle prenait le temps de se laisser séduire par les deux images.

Finalement elle pointe Macron le rose (n'y voyez aucune correspondance avec la tradition chromatique d'un parti de gauche).

- Lui, dit-elle avec douceur mais fermeté. Il a l'air gentil.

Dans son amnésie, elle ressemble soudain à des millions de personnes. 

lundi 10 avril 2017

tentations

Le titre tentant, en ce lendemain d'attentat, c'est évidemment : à Tanta.

Mais le texte qui suit décrit ce qui se déroulait à Alexandrie dans les années 50. C'est le psychanalyste Jacques Hassoun qui parle.
Cet extrait est tiré d'un livre "chaleureux", un de ces bouquins qui n'intéressera qu'un nombre limités de lecteurs mais qui a le charme des retrouvailles, des balades dans un lieu que l'on aime. C'est clairement un livre pour les amoureux de l'Egypte. Il s'intitule La Sortie au cinéma, palaces et ciné-jardins d'Egypte, 1930-1980 (éditions parenthèses, collection parcours méditerranéens, par Marie-Claude Bénard). C'est une suite d'interviews de professionnels du cinéma ou non, qui racontent leurs souvenir de cinéma en Egypte. Ca fait un petit moment que je voulais en laisser trace ici, les attentats terroristes perpétrés hier à Tanta et à Alexandrie en sont le triste prétexte. On y lira l'ancienne cohésion entre les "communautés", ainsi que des interprétations du voile bien loin de celles d'aujourd'hui. Les notes à la suite du texte sont les notes de l'auteur.


"Les gens se déplaçaient, ils venaient du fin fond de la ville pour aller au Métro, au Strand, au Royal, au Rio, au Férial. Dans les quartiers, on trouvait des cinémas que je dirais presque ethniques, comme le cinéma Gaité qui était en plein quartier grec. J'allais très rarement voir les films grecs. J'avoue que je n'ai vu que des films américains et européens pendant tout le temps où j'étais à Alexandrie, des films français, anglais, et aussi italiens : Le Voleur de bicyclette, Dimanche d'août, Rome ville ouverte. C'est en Egypte que j'ai découvert le néoréalisme italien On recevait les journaux, L'Ecran français publié par le Parti communiste français, Les Lettres françaises, etc. Georges Sadoul était notre bible.Localement on lisait Al-Musawwar et dans tous les journaux, comme Le Progrès égyptien, le Journal d'Egypte, il y avait une page cinéma. Je voyais très peu de films arabes : quelquefois  au Sporting, avec Naguib el Rihani, ou bien des bêtises du genre Choukoukou* et l'ensemble des films égyptiens à téléphone blanc, avec l'infâme suborneur, la belle petite vierge, le paysan, ces films infra-sociaux qu'on trouvait très ridicules même chez nous qui étions arabophones. Un seul avait fait exception : Hassan, Morcos et Cohen, parce qu'on y mettait en scène un arabe, un copte et un juif. Tous les trois étaient filous, dans une histoire genre Les Vitelloni, avant ou tout de suite après le renversement du roi. C'était l'époque des discours de Naguib** sur le véritable ennemi de l'Egypte qui n'étaient pas Israël mais les Britanniques. C'étaient dans cette mouvance qu'on montrait le peuple égyptien dans ses composantes arabes, juives et coptes. J'ai dû voir ce film au Sporting. Les films avec Leila Mourad et autres m'ennuyaient atrocement. Je détestais les chansons qui n'en finissaient pas "ya habibi, ya habibi". Au bout d'une demi heure de cet amour sirupeux, on avait envie de les tuer. [...]
Les affiches étaient très présentes dans la ville, le ridicule, ou l'émouvant était qu'Esther Williams ou Marilyn Monroe, toutes ces grandes stars, avaient sur les affiches des têtes d'Egyptiennes et de même pour les acteurs. Mais les femmes avaient des décolletés incroyables, surtout pour les films américains. Pour les films égyptiens, On représentait toujours une femme voilée avec le bor'o. Tout le monde savait qu'il n'y avait que les prostituées et les femmes de ménage pour porter ce voile. A cette époque de la fin de la royauté, plus aucune femme ne se voilait en Egypte. Toutes ces affiches étaient massivement érotisées."

* Mahmoud Choukoukou (1912-1985) a été marionnettiste avant de commencer une carrière au cinéma dans les années quarante dans de petits rôles où il illustre le citoyen pauvre mais honnête, serviable et généreux. ** Mohammed Naguib, général, commandant de la place du Caire au moment de la révolution de 1952. Premier président de la République, il sera écarté par Nasser en février 1954.

dimanche 2 avril 2017

carnet lyonnais

La pluie est au rendez-vous à Lyon, mais je suis occupé par un stage (à Croix-Paquet, quartier dont les dénivelés valent ceux de Naples!)) qui ne me laisse de toute façon pas loisir de profiter de la ville. J'ai habité à quelques rues d'ici il y a une trentaine d'années, et n'y suis retourné que deux ou trois fois, à chaque fois en coup de vent, deux fois notamment pour des enterrements. Je redécouvre au détour des ruelles des noms connus : place Tolozan, rue Terraille, sainte Polycarpe... Avec surprise je découvre que la boulangerie, où j'avais l'habitude de passer chaque matin, existe encore et propose les mêmes petits pains sportifs. Pour le reste, le quartier à évidemment un tout autre visage. 
J'avais imaginé publier des photos de la fontaine de Bartholdi qui trône sur la place des Terreaux. Raté! elle est en réfection. La place est d'ailleurs encombrée par une installation dont je ne comprends rien le jour même. C'est le dimanche matin que je réalise qu'elle est le lieu d'arrivée d'un marathon, le Lyon urban trial : les premiers coureurs du grand parcours (35kms) sont partis à 7h30 du matin et ont déjà franchi la ligne victorieuse alors que je commande juste un double au café du coin.