samedi 24 octobre 2020

noir, blanc, vert

C’est étrange, c’est la mort de George Floyd qui a entraîné cette longue interruption de mon blog. Il est mort le 25 mai, le dernier post ici date du 23 mai. Dès son meurtre (le mot est sans doute plus juste que décès), sur Facebook circulaient des publications qui expliquaient l’affaire avec des images vidéo de son dernier souffle. Je n’ai pas pu les regarder. Ça m’a étonné car j’avais regardé tellement de vidéos horribles lorsque les djihadistes n’arrêtaient pas de faire de la propagande avec des exécutions en ligne. Mais dans ce cas, c’est le dispositif de la propagande que je regardais, et l’exploitation, en conscience, des images de la mort. Rien à voir avec la fin tragique de George Floyd.

Bol abolitionniste, aux environs de 1810,
photographié au musée d’Histoire de la ville de 
Nantes, un des premiers ports négriers de France

Je crois que ça m’a mis face à la problématique du racisme d’une façon nouvelle : comme si je prenais brusquement conscience de son existence, ce qui n’est évidemment pas le cas, donc plutôt comme si, avec ces images inregardables, quelque chose de la visibilité du racisme était à reconsidérer. Du coup, j’ai pris le temps de m’interroger sur mon propre rapport au racisme, j’ai lu pas mal d’articles, de bouquins, visionné pas mal de trucs variés sur Internet, documentaires ou conférences, écouté des podcasts. Autant de temps passé à cela qui m’a tenu éloigné du blog. Je n’ai d’ailleurs pas tout à fait terminé mon enquête, ou mon auto-enquête, puisque ce sont bien mes propres représentations que je questionnais/questionne. Notamment, je lisais et j’entendais plusieurs personnes qui s’insurgeaient de l’utilisation du mot « Black » à la place du mot « Noir », dénonçant une inconsciente volonté d’invisibiliser la race avec le choix de ce terme (évidemment ces personnes sont des trentenaires...), d’autres qui, avec justesse, utilisaient le concept de blanchité, car il n’est pas toujours nécessaire d'être Blanc pour être Blanc...
Bref, des mois après cette mort violente (et alors que d’autres événements tragiques ont mobilisé l’attention internationale), c’est volontairement avec une allusion futile à la couleur que je reviens ici. Ni Blanc ni Noir, cette fois c’est la couleur verte. 
Mon pull vert... 

J’avais acheté au début de l’été un pull vert en solde, que j’ai porté cette semaine pour mettre crânement en valeur mon bronzage obtenu la semaine encore précédente. Une jeune femme, que je côtoie régulièrement pour des raisons professionnelles, s’approche de moi et me confie cette histoire charmante. 
Quand elle me parle, elle a le visage à demi caché par un masque assez champêtre, joli semis de fleurs sur un fond sombre bleu marine. Elle me raconte l’attirance irrésistible qu’elle éprouve face â ce vert, celui-là, le vert pétant de mon pull. Dans un magasin, sur une brocante, si un objet de cette couleur passe dans son champ de vision, elle ne peut s’empêcher de l’acheter. Sa maison est pleine de touches de vert. Un jour où elle se questionne à propos de cet attrait irrationnel, lui revient en mémoire ce souvenir. 
Elle est toute petite enfant et avance dans la vie en compagnie d’un doudou, un ours blanc qui ne la quitte pas et qui est vêtu d’un petit gilet. Un après-midi, rentrant de promenade avec sa grand-mère, elle s’aperçoit qu’elle a perdu (elle ou son ours) le petit gilet de la peluche. La soirée est pleine de larmes et le lendemain on part à la recherche du gilet dans les prés et les bois, que l’on retrouve, tout trempé mais intègre. Suite à cet événement, la grand-mère décide d’apprendre à sa petite-fille à tricoter afin qu’elle puisse créer elle-même des tenues à son ours. Vous l’aurez compris, ce petit gilet d’origine était vert, un vert qui, ajoute la jeune femme, lui semble étrangement de plus en plus essentiel plus elle vieillit.
Pour finir, Marie, c’est son prénom, me dit joliment : « Donc aujourd’hui, tu es mon ours. »
Ours blanc, évidemment.