mercredi 26 mars 2014

le regard de l'autre

Il ne m'a pas trop plu le livre de Mezescaze que je citais ici. Les passages qui m'ont le plus touché sont ceux qui relatent les moments passés avec Denis Dailleux au Caire, vignettes cependant anecdotiques dans le texte centré autour des morts qui ont marqués la vie de l'auteur.


Parmi les modèles de Dailleux il y a ce jeune photographié sur la tombe de son grand-père, des glaïeuls à la main et qui "propose que nous revenions le photographier demain encore : il s'habillera mieux". Tellement égyptien !
Ou cet autre, qui fait la couverture du livre, saisi au sortir du Nil, un endroit où les enfants plongent à loisir : un visage ingrat, entre poisson et tortue, mais qui est préféré par Dailleux aux autres garçons.
"Il sait qu'il n'est pas beau, qu'il est différent des autres. D'ailleurs, ses copains accourent et font valoir leurs muscles et leurs minois avenants pour capter l'objectif. Mais Denis persiste, il tourne autour du garçon et lui parle pendant qu'il le mitraille. Après quelques instants d'inquiétude et de réserve, le visage du gamin s'épanouit, il esquisse un sourire, son regard s'agrandit et s'éloigne de l'appareil pour englober tout le panorama des berges. (...) A la fin de la pose il s'est échappé sans vouloir répondre aux questions de Denis, il a seulement baisé la paume de sa main et jeté le bras dans notre direction en guise de salut."

Il y a une vingtaine d'années, je faisais régulièrement des croquis lors de mes voyages, et j'avais noté le plaisir des égyptiens à être regardés, pris en photos, dessinés. 
Dans les cafés où, après des heures de marche dans la poussière de la ville, je m'installais et croquais quelques consommateurs, il n'était pas rare que certains d'entre eux, notant mon regard,  prennent la pose, rechignant ensuite à changer de position quitte à s'extraire de l'animation de la table qu'ils partageaient. Ce furent des moments de rencontre et de complicité muettes très intenses.






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