Vraiment je ne sais pas dans quel monde elle vit, et j'ignore tout de celui dans lequel elle m'entraîne.
Parfois j'ai l'impression d'être dans un film fantastique, et que ma mère est devenue capable de voir des revenants, invisibles pour moi, qui évoluent autour de nous.
Elle pointe du doigt un endroit où il n'y a personne, et décrit quelqu'un : une femme sur le lit, un homme là-bas dans la partie sombre du couloir, et aussi des gamines - ce sont ses mots - juste derrière moi.
Elle pointe du doigt un endroit où il n'y a personne, et décrit quelqu'un : une femme sur le lit, un homme là-bas dans la partie sombre du couloir, et aussi des gamines - ce sont ses mots - juste derrière moi.
Ce qui est flippant, c'est que je n'exclue rien : elle aurait des hallucinations visuelles, ou elle interpréterait mal une forme que sa vision déficiente déformerait, ou elle dirait tout simplement ce qui lui passe par la tête, ou bien des fantômes nous entoureraient effectivement.
Dans cet environnement où les êtres semblent pour beaucoup des morts-vivants, ou plus exactement des vivants-morts, des vivants-avec-une-grosse-partie-d'eux-morte, cette dernière hypothèse n'a rien de choquante. J'écris film "fantastique" pour éviter le mot "horreur", et parce que cela n'a rien de "fantastique".
Dans cet environnement où les êtres semblent pour beaucoup des morts-vivants, ou plus exactement des vivants-morts, des vivants-avec-une-grosse-partie-d'eux-morte, cette dernière hypothèse n'a rien de choquante. J'écris film "fantastique" pour éviter le mot "horreur", et parce que cela n'a rien de "fantastique".
J'essaye de ne froisser personne, ni elle, ni surtout les revenants, que je crédite d'un pouvoir - surnaturel - beaucoup plus puissant que le mien.
-"Là-bas ? Ecoute, non, moi je ne vois personne."
Dans certains cas, il m'arrive de la rudoyer volontairement, comme pour jouer à "comme si elle n'était pas folle" (et qu'on pouvait donc tout se permettre). Par exemple quand elle me demande la même chose pour la dixième fois de suite, il peut m'arriver de lui dire : "Ah non maman, tu ne vas pas barjoter là-dessus toute la soirée, on vient déjà d'en parler dix fois."
En revanche quand elle me désigne un de ces revenants, c'est impossible d'affirmer : "Tu barjotes, il n'y a personne", car je n'en sais rien. La vérité est bien que je ne vois rien, et que cela n'est une preuve de rien. Pire, si je conteste l'existence de ces gamines courant et se poursuivant autour de moi, je m'expose peut-être à des représailles de leur part : pincements aux fesses, morsures aux mollets ou chute d'objets inexpliquée dans la pièce.
Pour l'instant, aucun fantôme n'a été traité de "salope".
Dans certains cas, il m'arrive de la rudoyer volontairement, comme pour jouer à "comme si elle n'était pas folle" (et qu'on pouvait donc tout se permettre). Par exemple quand elle me demande la même chose pour la dixième fois de suite, il peut m'arriver de lui dire : "Ah non maman, tu ne vas pas barjoter là-dessus toute la soirée, on vient déjà d'en parler dix fois."
En revanche quand elle me désigne un de ces revenants, c'est impossible d'affirmer : "Tu barjotes, il n'y a personne", car je n'en sais rien. La vérité est bien que je ne vois rien, et que cela n'est une preuve de rien. Pire, si je conteste l'existence de ces gamines courant et se poursuivant autour de moi, je m'expose peut-être à des représailles de leur part : pincements aux fesses, morsures aux mollets ou chute d'objets inexpliquée dans la pièce.
Pour l'instant, aucun fantôme n'a été traité de "salope".