Je suis assez sensible, positivement, à la façon dont la politique aujourd'hui peut entrer dans nos vies quotidiennes, dans la réalité de notre quotidien. C'est à dire la façon dont notre environnement et donc notre imaginaire sont vraiment marqués et modifiés par des prises de conscience, des refus, des intentions.
Je dis "aujourd'hui", car j'ai le sentiment qu'à l'époque (lointaine) de mon adolescence (les années 1970), l'émergence du politique était plus limitée et comme codifiée, acceptable seulement au travers des mouvements culturels ou de la mode comme marqueurs de changement.
Il me semble que maintenant, et sans doute grâce aux réseaux sociaux et à leur appropriation horizontale de l'image et de la communication, les exigences sociétales trouvent plus facilement à s'incarner. Je pense à des exemples comme celui du "body positivisme", que je trouve particulièrement réjouissant, ou même à l'existence de l'écriture inclusive, qui, si je ne l'utilise pas (je suis un affreux conservateur), est bien l'expression très concrète d'un désir de métamorphose.
Une autre de ces modifications manifestes qui m'a beaucoup réjoui est l'acceptation du mot "nude". Pendant longtemps, et pour beaucoup, il a signifié un rose beige pâle, couleur de peau... Mais de quelle peau ? C'est ainsi que plusieurs marques, voulant sortir de l'ethnocentrisme blanc, ont crée des "nudes" qui sont en réalité des gammes de couleurs allant du rose le plus pâle au brun le plus foncé en passant par plusieurs teintes ocre, caramel etc.
Evidemment cette prise de conscience a touché en premier lieu l'industrie du make up, mais aussi les créateurs qui oeuvrent au plus près de nos peaux, les fabricants de sous-vêtements.
Capture d'écran du site Nubian Skin. La marque met en scène des modèles aux physiques plus variés que sur cet exemple. |
Je dois avouer que, n’achetant pas du make up tous les jours, les enjeux autour du "nude" m'étaient assez éloignés. C'est lorsque je me suis intéressé à la résurgence du "Buy black" au lendemain de la mort de George Floyd, que je suis tombé, entre autres, sur Carter Wear, une entreprise "black owned" de jeans et de sous-vêtements dont la campagne de communication était sans équivoque. Sous le slogan "Send Me Nudes", affiché sur un camaïeu de couleur, les produits de la marque se déclinaient en black, moka, latte et white.
Ravi de constater que l'affirmation politique pouvait se vivre au grand jour mais également s’introduire dans le domaine de l’intime, j'ai vérifié que nombre d'autres marques proposaient les mêmes éventails de couleurs "nude" (chez Nubian Skin, Nude Barre ou Proclaim, par exemple).
Ravi de constater que l'affirmation politique pouvait se vivre au grand jour mais également s’introduire dans le domaine de l’intime, j'ai vérifié que nombre d'autres marques proposaient les mêmes éventails de couleurs "nude" (chez Nubian Skin, Nude Barre ou Proclaim, par exemple).
J'aurais bien acheté chez Carter Wear un dégradé complet, par solidarité politique, mais la maison était en rupture de stock quand j'ai consulté son site (j’ai opté pour quelques achats latte seulement).
Quelques mois plus tard, je me suis rattrapé en faisant l'acquisition d'un set assez similaire, créé par un duo mixte de jeunes hommes (Jussy et Bronze), quatre jockstraps de couleur moon, sand, sienna et umber, que je ne vais sans doute jamais porter, et vais vraisemblablement laisser dans leur emballage d'origine et peut-être encadrer tel quel, comme une oeuvre d'art témoin de notre temps. La marque nommée Ruxwood invite à « fusing sensuality, structure et fluidity »… Je n’ai pas de telles ambitions et vais continuer à me contenter de marquer mon soutien à distance…
Les quatre nuances de fesses de la marque Ruxwood. |