– What a shame…I was longing to go home…
– Don’t think about it, dear… please…
– Oh dear, I’m so tired. Exhausted…. Such a pity… Especially now, just when…
– Yes, yes, my dear. Don’t think about it. There’s nothing to be done.
– No… I’m not… It’s just that…
– No, don’t. Please….
– All right, darling… You’re so sweet… Do forgive me.
Le bateau du voyage, c’était bien de cela qu’ils parlaient. De ce bateau qui devait être à quai dans un petit port de la Seine à les attendre. Et aussi de passavants, de permis de débarquement, de permis de séjour. Ils ne pouvaient sans doute pas repartir tout de suite parce qu’ils n’avaient pas toutes les autorisations qu’il fallait pour quitter la France et rentrer en Angleterre. C’était possible que ce fût cela. Ces autorisations étaient-elles pour eux ou pour le bateau, on ne savait pas. Ça devait être souvent qu’ils oubliaient tout et tout. Et de demander les autorisations nécessaires. Elle, elle voulait passer outre, elle disait que c’était possible de rentrer en Angleterre quand on le voulait, du moment qu’on était Anglais. Et là, c’est lui qui n’était pas d’accord. Chez elle, c’était comme s’il se fût agi d’un dernier désir, très soudain, très brutal. Il paraissait que lui ne devait rien en savoir encore. Elle voulait quitter la France, ce pays-ci, et ce soir même.
L’immensité de l’amour apparaît très fort lorsqu’ils s’abandonnent au silence d’une colère contenue ou à l’hébétude de l’ivresse. Ce soir il y a entre eux une difficulté évidente qu’on ne peut pas connaître, mettre au clair. Ils se regardent, un peu fâchés, pleins de douleur.
Puis ils détournent les yeux vers le sol, vers le néant, le passage des gens sur la place, les arrivées et les départs du bac rouge.
Ils se regardent de nouveau dans un amour naissant. »
Extrait de Emily L., de Marguerite Duras, Les Éditions de Minuit, 1987.
Cette série « immensité » présente des extraits de livres lus récemment dans lesquels le mot immensité apparaît.