« Françoise n’aimait pas son prénom, trop daté, choisi de surcroît par une mère inconnue et qui l’avait abandonnée, même si celle-ci avait des raisons qu’elle découvrit plus tard. Lorsqu’elle commença la photographie, elle décida de signer son travail sous une nouvelle identité : Anne Franski. Un mixte, évidemment, de Boltanski et d’Anne Franck. […] Anne saisit des corps souffrants recouverts de linceuls et reliés, comme elle, à des machines. Des êtres hybrides, mi-humains, mi-robots. Elle ne prend pas les visages et ne dévoile que des détails. Une chevelure qui dépasse d’un drap, des poignets gonflés pendus dans le vide, des membres tuyautés de toute part à de gros appareils blancs d’un autre âge, sortis d’un roman futuriste à la Jules Verne. Elle filme aussi des êtres perdus face à l’immensité de la nature ou de la ville, aux contours toujours flous, des ombres noires que personne ne remarque, appuyés contre des colonnes de pierre et dont on n’aperçoit encore une fois que des mains tendues ou offertes. Ses images montrent toutes l’intimité et la fragilité de la personne humaine. »
Extrait de La Cache, Christophe Boltanski, éditions Stock.
Cette série « immensité » présente des extraits de livres lus récemment dans lesquels le mot immensité apparaît.