mardi 22 septembre 2015

Maud Molyneux le multiple

J'ignorais, quand j'ai revu Jeux d'artifices, de Virginie Thévenet, au début de l'été, que Maud Molyneux était mort(e). C'est en cherchant des infos sur lui/elle à cette occasion que j'ai appris la nouvelle (pas très nouvelle, décès en septembre 2008 d'après sa fiche Wiki).

J'avais acheté aux puces, il y a bien longtemps, en pensant à lui, un ensemble de porte-couteaux désuets dont je ne me suis jamais séparé malgré son inutilité et plusieurs déménagements. Clin d'oeil à une collection de vaisselle et d'objets du même vert qui trônait dans une vitrine au coin de la pièce où nous avions dîné ensemble pour la première fois ce soir de l'année... 84, je pense. A cette date, Maud avait quitté le journal Libération et travaillait pour le magazine Joyce. Nous nous sommes revus quelquefois ensuite, toujours dans cet appartement du mythique immeuble de la rue Vavin signé Henri Sauvage.

On trouve sur le Net quelques articles publiés au moment de sa mort et des témoignages sur le site de la cinémathèque, ici. 

Il existe aussi un livre, paru en 2011, qui compile des écrits de Maud sur le cinéma (signé Louella Interim), sur la mode et sur la littérature (signés Dora Forbes), ainsi que des propos recueillis auprès de quelques uns de ses proches : une cousine, Gérard Lefort, Farid Chenoune, Hélène Hazéra, Adeline André, Serge Toubiana etc. (Monsieur Maud, parcours d'un journaliste esthète, éditions Rue Fromentin.)

L'immeuble iconique de Henri Sauvage, rue Vavin, où furent tournées les scènes
de salle de bains et d'ascenseur du Dernier Tango à Paris. La cousine de Maud explique :
" Nos arrière-grands-parents étaient de grands bourgeois, des mécènes importants
à la fin du XIXe siècle. Ils ont, par exemple, financé la construction par Henri Sauvage,
l'architecte de la Samaritaine, de l'immeuble de la rue Vavin
où Marc a longtemps vécu avec sa mère. Un lieu capital dans son existence."
Nulle part pourtant je ne trouve l'anecdote amusante que Maud m'avait confiée sur son prénom (il s'appelait en réalité Marc). Hélène Hazéra indique : "Une serveuse d'un restaurant de Saint-Germain l'a baptisé ainsi, et c'est resté." Lui m'avait glissé malicieusement (mais les deux versions de l'histoire ne s'excluent pas, au contraire) : "C'est tout de même le prénom de la femme de mon psychanalyste..."

Je me souviens chez lui d'un mélange très singulier de rigueur (qui pouvait frôler la rigidité, des choses qui se font et d'autres qui ne se font pas) et d'ouverture d'esprit la plus large, la plus loufoque. Je l'avais rencontré pour ma part par l'intermédiaire d'un photographe très très fantasque qui officiait sous le pseudonyme de Roméo (et que je devais revoir une ultime fois dans la nuit parisienne : il me racontait s'être tout juste échappé d'un hôpital psychiatrique où on l'aurait placé de force).


(Pour ceux qui ne pourrait visionner la vidéo ci-dessus, il s'agit d'un extrait du film Tam tam, de Adolfo Arrieta. Maud apparaît à 1:44. Ceux qui l'ont connu goûteront à nouveau sa diction particulière, un peu sifflante par moment.)
Photo du tournage de Tam tam, par Catherine Faux :
Hélène Hazéra et Maud Molyneux.

Maud avait l'élégance d'accueillir les gens et les choses alors même que ses jugements pouvaient être des plus tranchants. Son acuité sur la création était celle de son regard : déjà il annonçait la pérennité de Jean Paul Gaultier quand d'autres s'interrogeaient encore sur le succès du jeune couturier, et il déplorait que l'apparition du magnétoscope n'ait pas incité chacun (et les critiques de cinéma en premier) à regarder mieux les films, usant de la possibilité de revenir sur une scène, de s'arrêter sur un plan...
Tous n'avaient évidemment pas sa capacité à, au cours d'un article, restituer dialogues ou mouvements de caméra, comme son aptitude d'esthète à voir dieu ou diable dans un détail. Les costumes étaient pour lui, à ce titre, cette partie de l'ensemble qui peut être parfois le tout.

Maud Molyneux est aussi, à sa manière, une partie de l'histoire de notre cinéma.

1 commentaire:

  1. Problème de lentilles (je ne les ai pas encore mises), je crois cliquer sur le blog de Diane en ouvrant ce billet. Au fur et à mesure que j'avance dans la lecture, je me dis "Mais c'est pour KTK ça ! Je dois absolument lui envoyer le lien." L'histoire du prénom de la femme du psy me fait marrer. J'interromps presque la lecture pour t'écrire.
    Du coup, c'est peut-être à Diane que je vais le faire.
    N.

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