J'ai vraiment très peu écrit ces derniers jours : je me sentais mieux, j'en ai profité pour faire plus de choses et finalement je l'ai un peu payé, notamment samedi j'ai dormi des heures et des heures.
Mardi je déjeune avec Danièle dans un restaurant japonais de la rue Biot, dans le XVIIe. Elle évoque la grève des journalistes de Prisma. Moi-même j'en avais entendu parler, mais fort peu, et j'étais surpris que l'information soit relayée dans la presse de façon aussi évasive, la plupart des confrères évoquant une grève pour des "questions salariales" avec des formulations marquant la distance — du genre "a-t-on appris de source syndicale" ou "selon les syndicats" — comme si tout cela se passait au bout du monde et au fin fond d'une tribu inaccessible.
Rares sont les articles qui citaient le récent déménagement du groupe à Gennevilliers, pourtant à l'origine de tout cela. Cela m'a donné l'impression d'une autocensure couarde, comme si les journalistes avaient peur d'apparaître au sein de leur propre rédaction comme dangereux agitateurs s'ils rendaient compte convenablement de mouvements sociaux chez un titre confrère. Finalement, les journalistes de Prisma auront gagné une petite augmentation.
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Avant le concert, un diaporama
de photos de Dahmane et Harrachi. |
Mercredi Kamel el Harrachi se produisait au Théâtre de la ville pour une soirée en hommage à son père, le grand Dahmane el Harrachi, que les céfrans dans mon genre (dont le père ne fredonnait donc pas ces chansons) ont pu découvrir dans le passé grâce à "Ya Rayah", triste chanson rendue joyeusement célèbre par Rachid Taha.
La production est un peu théâtredelavillesque : beaucoup de musiciens (quatorze), un son trop gros et des jeux de lumières qui font croire parfois (le rouge et le vert) qu'il faut chausser des lunettes spécial 3D.
N'empêche l'émotion est vraiment vraiment là, la salle interpelle sans cesse le chanteur, l'air vibre, il y a de la tendresse et de la joie qui s'expriment sur les visages, les solos de ney (flûte) sont magnifiques...
Kamel a composé une chanson pour son père qui se termine par ces paroles : que Dieu accorde sa miséricorde à El-Harrachi.
J'aime bien ce mot-là, miséricorde. Ça donnerait presque envie de croire en dieu. La soirée est aussi l'occasion de découvrir les dernières tornades sentimentales de quelques amis... À se demander s'ils ne sont pas responsables du tsunami que la planète a depuis vécu.
Jeudi je termine ma journée avec H. R., à qui je fais découvrir ma cantine turque, le Derya. C'est toujours un plaisir de la voir et de profiter de son regard aigu sur le monde du travail, si on peut appeler ça un monde. Elle fait partie de ce qu'elle appelle le prolétariat du net, dans une société payée au ppc, le paiement par clic (!) : chaque clic de souris sur leur site rapporte. Évidemment je suis peiné que son autodépreciation perpétuelle l'empêche d'avancer sereinement. Au dessert la voici qui part dans un délire scatologique, heureusement j'ai terminé de justesse ma glace au chocolat, avant qu'elle expose son concept de l'étron parfait. Vraiment cette fille est trop drôle. Ou bien une drôle de fille ?
Vendredi en fin de matinée j'ai rendez-vous avec EMA. C'est un rendez-vous dont je me souviendrai. C'est joyeux, je vais beaucoup mieux même si au premier coup d'œil EMA note que je n'ai pas repris tous mes kilos. On discute de mon sentiment sur l'intervention et le flou des informations qui l'ont entourée et ma conviction, dans l'après-coup, qu'on aurait dû attendre les beaux jours pour cette opération. Je comprends qu'elle m'a envoyé un mail sur une boîte que je consulte très peu. En voici un extrait.
frederic , arretez de faire votre ronchon, m^me si c'est tjrs difficile d'avoir des avis contradictoires,
l'important, c'est que l'epanchement a a disparu (...) et que vous etes en train de recuperer (...) ;
par ailleurs merci pour la superbe chanson de la place tahrir , c'est tres joyeux
bien cordialement
Moi j'ai compris son "forcing" pour l'opération à la lumière de son histoire (le décès de sa sœur, voir notamment les billets du 2 et 3 septembre 2010), voilà pourquoi cela ne m'a pas choqué. EMA ajoute : "on est toujours sur nos deux jambes, d'un côté la réalité médicale, de l'autre le vécu des patients; ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même jambe mais c'est avec les deux qu'il faut marcher." On ne peut pas mieux dire.
S'ensuit un moment où elle me confie, au sujet de l'urgence (et des dégâts que l'attentisme peut produire), des faits qui relèvent aussi de sa vie privée, tout en émotion, et c'est important que nous puissions partager cela. EMA est vraiment un médecin précieux. Avant de partir je lui lance :
- Mais c'est vrai, vous me trouvez à ce point ronchon ?
- (après un temps de réflexion) Vous êtes en danger de ronchonnerie.
J'adore.