jeudi 31 mars 2011

boboland

Mardi j'ai enfin eu le temps d'aller m'inscrire dans une salle de gym à côté de la maison. Et celui de retourner au resto Nanashi. J'y suis allé assez tôt, vers 12h15 peut-être, et je soupçonne le lieu de devenir très bruyant  une heure plus tard quand il se remplit pour le déjeuner.
Cette fois, j'ai opté pour un bento à la poitrine roulée, moins goûteux que celui à la sardine testé l'autre soir, avec un verre de vin bio. 

Il y a grand monde à la cuisine (ouverte sur la salle) et les serveurs et serveuses sont très sympas, discrètement lookés. J'observe une jeune femme asiatique derrière le comptoir qui travaille en téléphonant souvent. Je me demande si elle est japonaise, si elle a de la famille là-bas... La déco, elle, est clairement japonisante, contemporaine, et ce minimalisme bon enfant et coloré construit une atmosphère cosmopolite très agréable. Aux deux extrémités de la salle, un petit espace épicerie bio façon supérette, et un comptoir où l'on peut acheter des plats en "take away". C'est bobo ? À fond mais réussi dans le genre.
D'après le garçon qui me sert (docksides tricolores, pantalon roulé au-dessus des chevilles, nombreux tatouages atypiques et pectoraux à la Ken), à qui je pose la question, Nanashi signifie "pas de nom". "Anonyme ?" suggérais-je, "Pas de nom" insiste-t-il. Soit. 
Le resto est ouvert depuis novembre je crois, et le seul risque est qu'un trop plein de succès lui fasse perdre son charme ou son âme. À suivre. 



Nanashi : 31 rue de Paradis, 75010 Paris. www.nanashi.fr

mardi 29 mars 2011

signifiants

J'affiche le blog et lis avec incrédulité la date du dernier billet posté : dimanche 20 mars. Il est vrai qu'au cours de la semaine passée, je me suis collé plusieurs fois devant l'ordi, affichant la fenêtre "nouveau message" sans parvenir à trousser quelque chose de satisfaisant pour moi.
Trop de choses, des grosses, et trop de choses, des petites. Donc trop de fond et trop de motifs, une vraie tapisserie de l'apocalypse là où je ne souhaitais que quelques points jetés sur la toile.

Il y avait cet accident qui devenait une catastrophe nucléaire, cette révolte qui devenait une croisade puis une guerre, les élections cantonales qui révélaient la nullité du débat politique... 

Pendant ce temps j'écoutais Michel Butel sur France Culture (émission Hors-Champs, Avec le temps... François Mitterand : des portraits, le 25/02) : "On n'a plus le droit de prétendre être président de la République si on n'est pas, entre tous, un Français ou une Française, c'est-à-dire si non seulement on ne comprend pas tout ce qu'est la France —son passé son présent son avenir– , les vieux comme les jeunes, les français récents comme les plus anciens, mais surtout la France dans l'exercice de sa pensée et de sa langue. C'est-à-dire, pour traduire, on n'a plus le droit d'aspirer à devenir président ou présidente de la République si on ne parle pas une langue française extraordinaire..."




C'est cette même semaine que je suis allé passer un test d'anglais, accueilli par une femme à l'accent hispano. J'ai repensé à ma rencontre avec Maria Lucia lorsque j'avais pris des cours d'espagnol (heureusement pour elle, elle a cessé, depuis, cette tâche ingrate). Je m'amuse du matériel qui semble sorti du film "la Vie des autres" ou d'un vieux stock de la Stasi. C'est surtout l'occasion de retomber face à mes difficultés – déjà repérées – à l'apprentissage : parfois je me transforme en âne.



Vendredi j'ai laissé ce monde-là pour une parenthèse de quatre jours de formation, hors de Paris. Thèmes annoncés : la valeur et le rêve. 
On bosse, ça décolle. Mes princes charmants m'accompagnent.

dimanche 20 mars 2011

mes princes charmants

Vendredi matin je me suis réveillé avec Fréd. J'étais dans un rêve, assez long, un de ces rêves qui ont des séquences ou des détails tellement réalistes qu'on se demande comment le cerveau peut mettre en scène et en images tout cela.


Nous étions à l'hôpital : il y avait Frédéric, qui était nu sur un lit, en grande forme, moi, sa copine médecin Y. et une quatrième personne non identifiable, réduite à une sorte de brume, parfois absente complètement, peut-être une allusion à son ami Nicolas. 
C'était un moment agréable. Fréd. était très joyeux, riant volontiers, content de me voir tout en contenant un peu cette joie comme il savait le faire. Nous avions des échanges en apartés qui laissaient Y. assez pantoise. Elle était, elle, assez bizarrement attifée, avec une masse de cheveux gris séparée par une raie sur le somment du crâne et retombant en deux volumes qui se recourbaient exagérément au-dessus des épaules.
Le plus troublant pour moi était le corps de Fréd, tant il ressemblait à son corps réel, simplement un peu plus musculeux. Je lui disais
- Je suis content de te voir. Tu es magnifique, en plus tu n'as même pas maigri...
Et lui, se regardant le ventre et tapant dessus
- Oui, je suis resté un moment chez ma mère alors je n'ai pas arrêté de manger. Je me suis gavé. Il y a même un moment où j'avais vraiment du ventre...
Nous étions émus de nous revoir et nous arrivions à nous le dire plus facilement que dans la vie réelle. Le seul détail étrange sur Fréd dans ce rêve était une série de bagues argentées passées autour de son sexe, coquetterie qu'avec moi en tout cas il n'a jamais eue.
Puis il se passait quelque chose avec une vieille dame qui râlait dans un lit voisin et Fréd se mettait en tête de la consoler et allait l'entourer de ses bras, ce qui marquait la fin de la visite pour tout le monde.

Je n'ai pas su de toute la matinée démêler la joie de la tristesse, j'ai tout fait avec : la kiné, les courses le ménage... (car je rangeais et préparais la maison pour l'arrivée d'Alain, le soir même). 
Mis à part le sens, la signification que l'on pourrait prêter au rêve (une dernière entrevue qui nous aurait manqué à tous les deux?), ce qui m'a scotché c'est cette capacité, dans mon corps, à reconstruire l'image de Frédéric d'une façon si fidèle, si fine, si cohérente qu'en la recréant parfaitement je pouvais extrapoler avec la même exactitude l'effet produit par un peu plus de poids, un peu plus de muscle. Comme si mon cerveau contenait, par l'expérience du corps de Fréd, les données susceptibles de le reproduire en volume, telle la matrice de "Matrix" par exemple.

Évidemment une après-midi de labeur par-dessus a ensuite laminé ces fragiles sensations.

Le week-end s'est déroulé "à la perruche", se terminant là où cette expression ornitho à vue le jour. 
C'est en effet une autre fois avec Alain, sur les quais de la Mégisserie, dans l'unes des animaleries qui alternent avec les vendeurs de plantes, que je suis tombé net devant une cage de perruches à observer ces oiseaux dormir les uns contre les autres. Ils le font avec un tel naturel que c'est difficile d'imaginer qu'ils puissent dormir seul sans risquer de choir lamentablement dans leur crotte au sol. C'est devenu notre expression fétiche, lorsque nous savons que nous allons faire peu et dormir beaucoup : faire les perruches.
Mais qu'allions-nous chercher là-bas ce dimanche ? J'avais en tête d'acheter un cadeau d'adieu au poisson pas-rouge de Muzo. Pour qu'il ait de la compagnie. On a choisi une jolie grenouille. J'espère qu'elle lui plaira.

vendredi 18 mars 2011

à poil, à plumes ?

Je suis parti très vite du bureau ce soir, retardé par des pages complexes et ingrates.
Je passe une demi seconde (pour m'excuser) au pot d'une collègue sympathique qui fête son embauche définitive chez nous et je file attraper un bus pour rejoindre Mcb qui m'attend en face du Châtelet, où elle va écouter "Le Messie".
Mcb fait partie des amis qui m'ont fait signe récemment sur le mode "affectueusement blog-réticents".

La semaine dernière elle m'écrit Mon Fredo,
Je déteste les blogs et compagnie, tandis que Stéphane, qui a lu attentivement le blog en "voyeur consciencieux" selon son expression, introduit ses propos par : Les blogs me faisant sans doute un peu peur, j’ai beaucoup tardé à aller visiter le tien, mon cher Fred

C'est touchant parce qu'effectivement, je les comprends. Et c'est d'ailleurs pour cela que, de mon côté, j'ai tardé à leur révéler l'existence de ce blog. Nous voilà bien (mais au fait, serais-je donc un exhibitionniste consciencieux, Stéphane?). 
Avec Mcb on parle poumons bien sûr... mais aussi travail, amour, vacances...  Elle me redonne envie d'aller à Fez. J'apprends qu'un film tiré du premier livre de Boris (le fils de Mcb) est sur le point d'être tourné. Encore une belle aventure pour lui. On se quitte assez vite après avoir pris un nouveau rendez-vous pour plus de nouvelles et plus de partage.
Yolande Moreau sur scène.
Je pensais peut-être voir ce soir un de mes cousins de passage à Paris mais n'ayant pas de message de lui je réponds par l'affirmative à une invitation à dîner de M. 
Nous nous retrouvons dans le quartier, c'est-à-dire le sien et le mien, nous sommes voisins. M. me fait découvrir un resto pour lequel j'ai un petit coup de cœur mais, flûte, je n'ai ni téléphone mobile ni appareil photo sur moi pour immortaliser les abats-jour en laine de couleurs, le bento de sardine ou le cake matcha-framboise qui a vraiment une tête plutôt marrante. Pas grave, je reviendrai. 
(C'est à deux pas. Ça s'appelle le Nanashi, j'en reparlerai.)
J'ai spontanément emporté avec moi le bouquin de Matthieu Lindon pour lui prêter, M. me raconte à nouveau quelques anecdotes de famille. De bouquin en bouquin et de film en film, je ne sais plus pourquoi, on en arrive à Yolande Moreau dans "Quand la mer monte", où se trouvent des extraits de son spectacle "Sale affaire..." Et notamment celui où elle choisit son amoureux, son poussin, dans la salle.
J'avoue à M. que c'est la seule raison qui m'a empêché d'aller voir ce spectacle, la terreur d'être attrapé, mené et exhibé sur la scène, et que c'est devenu une sorte de blague avec une de mes collègues journalistes qui a deviné ma peur avant même que je ne la lui confesse : depuis, elle m'offre régulièrement des poussins, de toutes sortes!


jeudi 17 mars 2011

petite planète



J'en étais à mon cinquième kilomètre immobile sur mon vélo paralysé, lorsque Muzo, le kiné, fait une allusion à la catastrophe nucléaire japonaise. Il affirme avoir entendu ce matin à la radio, au sujet d'une éventuelle évacuation de Tokyo, que la ville recèlerait 30 millions d'habitants. Je n'ai pas les idées très claires mais je pense, sans le dire, qu'il se trompe. Il ajoute, "presque la moitié de la population française" ce qui est l'évidente aberration qui signale l'erreur.


Quand je passe devant Lariboisière, je repense souvent
à l'intervention de l'artiste Felice Varini, en 2006.
En sortant il fait beaucoup trop beau pour s'enfermer dans le métro. Je redescends donc le boulevard Magenta, fief, à ce niveau, juste sous Barbès, des revendeurs de robes de mariées et de chaussures made in China. 
De loin, j'aperçois à l'entrée d'une boutique de sportswear un homme en habit juif traditionnel, chapeau, talit katane dont les franges dépassent sous la veste noire etc. Je m'amuse du contraste entre sa tenue et le genre du magasin, et m'étonne de le voir dans ce quartier que je qualifierais assez bêtement de quartier arabe. Je suis encore à quelques pas de lui quand je constate qu'il est en grande conversation avec l'un des vendeurs à l'entrée et tout près quand je le vois, avant de franchir le seuil, toucher une mezouzah discrètement installée de biais sous une étagère qui soutient une paire de Nike. 
Voilà, je ricane de mes raccourcis imbéciles : oui il y a des juifs arabes, des arabes juifs, des juifs pas arabes qui vivent dans des quartiers présumés arabes, et plein d'autres choses encore.


À midi je vais déjeuner dans un mini "thaï corner" proche de chez moi où je n'ai pas mis les pieds depuis des mois. J'ai une légère complicité avec le tenancier, petit homme au corps soigné avec force gymnastique j'imagine, qui m'a déjà montré les photos de son "mari" et raconté quelques anecdotes de sa vie. Au lieu de m'installer dans la salle, je me pose toujours à côté du comptoir où il sert avec une aide, face à un miroir qui me permet de les observer tous deux du coin de l'œil. Depuis le temps, ils savent que je les reluque par ce biais, s'en accommodent ou en jouent, selon l'humeur. Bien sûr ils discutent entre eux en thaï. À un moment, lui s'arrête considérant mon regard sur eux et il me précise : "elle parle du Japon". Il maîtrise assez mal le français, disons plus mal que sa fausse aisance et son perpétuel sourire pourraient le laisser penser et il faut souvent vérifications et périphrases pour s'assurer d'être compris ou de bien comprendre.
- Évidemment c'est plus près du nuage radioactif que nous, dis-je comme une plaisanterie macabre.
- Seulement quatre heures, dit-il avec la main décollant pour mimer un avion.
Plus tard il explique qu'en Thaïlande, ils ont peu de centrale nucléaire (ou pas ? il ne sait pas exactement), mais beaucoup d'énergie venant de — nouveaux mimes — des barrages.
Il conclut
- Nucléaire, pas bien.


Plus tard au journal j'ai le temps de vérifier. C'est treize millions le nombre de Tokyoïtes. Quand à la Thaïlande, non, il n'y a pas de centrale, des projets sont en cours selon les sources pour 2014 ou 2020 ou 2025... Des chiffres, des dates et finalement, une toute petite planète.


Question de point de vue, de perspective, de relations. Cela me fait penser à l'intervention de l'artiste suisse Felice Varini sur l'hôpital Lariboisière, en 2006. Je n'ai pas retrouvé les photos que j'en avais fait, j'ai piquée celle-ci, ci-dessus, sur le Net.

mercredi 16 mars 2011

tu n'as rien vu à Fukushima

Le "Godzilla" de Ishirô Honda, 1954.
La fin de la semaine dernière a donc été marquée par l'impressionnant tsunami au Japon dont j'ai vu peu d'images avant ce lundi, occupé la moitié du week end par de la formation.
Dimanche soir cependant, en surfant sur le Net pour connaître l'étendue des dégâts, voici que je tombe sur un extrait d'une conférence de presse où s'exprimait le ministre français de l'industrie et de l'énergie. 
Mince, on dirait un test de connaissance gouvernementale : qui est donc ministre de l'industrie et de l'énergie actuellement ? Réponse : Éric Besson ! 
La surprise m'étrangle. J'ignorais que le bonhomme fut célèbre pour ses connaissances en matière d'industrie nucléaire ! Nous voilà sauvés, nous, les Français, les Japonais et l'espèce humaine humaine en entier, le ministre déclare (ce devait être le samedi que des journalistes avait été rassemblés pour profiter de cette information précieuse) : c'est "un accident grave, pas une catastrophe nucléaire".
Je repense bien sûr au Godzilla de 1954 : pour qui n'a pas vu ce film extrêmement poétique, il faut savoir que le lézard géant n'est pas une créature sauvage à la King Kong mais au contraire un enfant monstrueux des essais atomiques ; il ne crache pas du feu, son souffle est bel et bien un souffle nucléaire.

Plus tard, les yeux toujours rivés sur des sites d'actualité, je vois passer en banderole cette déclaration régulièrement. "Éric Besson : un accident grave, pas une catastrophe nucléaire", "Éric Besson : un accident grave, pas une catastrophe nucléaire", "Éric Besson : un accident grave, pas une catastrophe nucléaire"...
Au bout d'une demi heure je suis donc certain que la situation va empirer et devenir effectivement catastrophique. C'est chose faite.

Pour mémoire le salaire mensuel d'un ministre est d'environ 14 000 euros.

lundi 14 mars 2011

exercices de style 2

À deux pas de la gare du Nord, qui n'était pourtant pas ce jour-là orangée, un homme bleu et arc-en-ciel sur une plate-forme violette.

"Un jour, je me trouvais sur la plate-forme d'un autobus violet. Il y a avait là un jeune homme assez ridicule : cou indigo, cordelière au chapeau. Tout d'un coup, il proteste contre un monsieur bleu. Il lui reproche notamment, d'une voix verte, de le bousculer chaque fois qu'il descend des gens. Cela dit, il se précipite, vers une place jaune, pour s'y asseoir.
Deux heures plus tard, je le rencontre devant une gare orangée. Il est avec un ami qui lui conseille de faire ajouter un bouton à son pardessus rouge."

Chapitre L'arc-en-ciel, Exercices de style, Raymond Queneau, éd. Gallimard.

dimanche 13 mars 2011

misericorde

J'ai vraiment très peu écrit ces derniers jours : je me sentais mieux, j'en ai profité pour faire plus de choses et finalement je l'ai un peu payé, notamment samedi j'ai dormi des heures et des heures.

Mardi je déjeune avec Danièle dans un restaurant japonais de la rue Biot, dans le XVIIe. Elle évoque la grève des journalistes de Prisma. Moi-même j'en avais entendu parler, mais fort peu, et j'étais surpris que l'information soit relayée dans la presse de façon aussi évasive, la plupart des confrères évoquant une grève pour des "questions salariales" avec des formulations marquant la distance — du genre "a-t-on appris de source syndicale" ou "selon les syndicats" — comme si tout cela se passait au bout du monde et au fin fond d'une tribu inaccessible.
Rares sont les articles qui citaient le récent déménagement du groupe à Gennevilliers, pourtant à l'origine de tout cela. Cela m'a donné l'impression d'une autocensure couarde, comme si les journalistes avaient peur d'apparaître au sein de leur propre rédaction comme dangereux agitateurs s'ils rendaient compte convenablement de mouvements sociaux chez un titre confrère. Finalement, les journalistes de Prisma auront gagné une petite augmentation.

Avant le concert, un diaporama
de photos de Dahmane et Harrachi.
Mercredi Kamel el Harrachi se produisait au Théâtre de la ville pour une soirée en hommage à son père, le grand Dahmane el Harrachi, que les céfrans dans mon genre (dont le père ne fredonnait donc pas ces chansons) ont pu découvrir dans le passé grâce à "Ya Rayah", triste chanson rendue joyeusement célèbre par Rachid Taha.
La production est un peu théâtredelavillesque : beaucoup de musiciens (quatorze), un son trop gros et des jeux de lumières qui font croire parfois (le rouge et le vert) qu'il faut chausser des lunettes spécial 3D.
N'empêche l'émotion est vraiment vraiment là, la salle interpelle sans cesse le chanteur, l'air vibre, il y a de la tendresse et de la joie qui s'expriment sur les visages, les solos de ney (flûte) sont magnifiques...
Kamel a composé une chanson pour son père qui se termine par ces paroles : que Dieu accorde sa miséricorde à El-Harrachi.
J'aime bien ce mot-là, miséricorde. Ça donnerait presque envie de croire en dieu. La soirée est aussi l'occasion de découvrir les dernières tornades sentimentales de quelques amis... À se demander s'ils ne sont pas responsables du tsunami que la planète a depuis vécu.

Jeudi je termine ma journée avec H. R., à qui je fais découvrir ma cantine turque, le Derya. C'est toujours un plaisir de la voir et de profiter de son regard aigu sur le monde du travail, si on peut appeler ça un monde. Elle fait partie de ce qu'elle appelle le prolétariat du net, dans une société payée au ppc, le paiement par clic (!) : chaque clic de souris sur leur site rapporte. Évidemment je suis peiné que son autodépreciation perpétuelle l'empêche d'avancer sereinement. Au dessert la voici qui part dans un délire scatologique, heureusement j'ai terminé de justesse ma glace au chocolat, avant qu'elle expose son concept de l'étron parfait. Vraiment cette fille est trop drôle. Ou bien une drôle de fille ?

Vendredi en fin de matinée j'ai rendez-vous avec EMA. C'est un rendez-vous dont je me souviendrai. C'est joyeux, je vais beaucoup mieux même si au premier coup d'œil EMA note que je n'ai pas repris tous mes kilos. On discute de mon sentiment sur l'intervention et le flou des informations qui l'ont entourée et ma conviction, dans l'après-coup, qu'on aurait dû attendre les beaux jours pour cette opération. Je comprends qu'elle m'a envoyé un mail sur une boîte que je consulte très peu. En voici un extrait.
 frederic , arretez de faire votre ronchon, m^me si c'est tjrs difficile d'avoir des avis contradictoires,

  l'important, c'est que l'epanchement a a disparu (...)  et que vous etes en train de recuperer  (...) ;
par ailleurs merci pour la superbe chanson de la place tahrir , c'est tres joyeux
 bien cordialement

Moi j'ai compris son "forcing" pour l'opération à la lumière de son histoire (le décès de sa sœur, voir notamment les billets du 2 et 3 septembre 2010), voilà pourquoi cela ne m'a pas choqué. EMA ajoute : "on est toujours sur nos deux jambes, d'un côté la réalité médicale, de l'autre le vécu des patients; ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même jambe mais c'est avec les deux qu'il faut marcher." On ne peut pas mieux dire.
S'ensuit un moment où elle me confie, au sujet de l'urgence (et des dégâts que l'attentisme peut produire), des faits qui relèvent aussi de sa vie privée, tout en émotion, et c'est important que nous puissions partager cela. EMA est vraiment un médecin précieux. Avant de partir je lui lance :
- Mais c'est vrai, vous me trouvez à ce point ronchon ?
- (après un temps de réflexion) Vous êtes en danger de ronchonnerie.

J'adore.

mercredi 9 mars 2011

inspiration

"(...) The sun was hot. Neddy Merrill sat by the green water, one hand in it, one around a glass of gin. He was a slender man — he seemed to have the especial slenderness of the youth — and while he was far from young he had slid down his banister that morning and given the bronze backside of Aphrodite on the hall table a smack, as he jogged toward the smell of coffee in his dining room. He might have been compared to a summer's day, particularly the last hours of one and while he lacked a tennis racket or a sail bag the impression was definitively one of youth, sport, and clement weather. He had been swimming and now, he was breathing deeply, stertorously as if he could gulp into his lungs the components of that moment, the heat of the sun, the intenseness of his pleasure. It all seemed to flow into his chest. (...)"
John Cheever, The Swimmer.

lundi 7 mars 2011

qui est qui

Je m'en suis voulu, après coup, de m'être laissé aller au fil de ma pensée autour du livre de Mathieu Lindon, Ce qu'aimer veut dire, dans le billet "transmission" du 17/02/11 : cela a pu sembler un drôle de "name dropping" à qui ne connaîtrait pas les rapports entre les différentes personnes citées. Donc je retricote les liens pour clarifier les choses.


Le livre de Lindon s'articule autour de deux relations principales : celle avec son père, l'éditeur Jérôme Lindon (les éditions de Minuit), et celle avec Michel Foucault. S'y trouve en bonne place Hervé Guibert, ami lui aussi de Foucault et de Mathieu Lindon. Ainsi que des allusions à une relation amoureuse avec Rachid O. (dont je proposais un extrait de L'enfant ébloui.)

Daniel Defert, présent dans le livre, était le compagnon de Michel Foucault. Après la mort de celui-ci, il a fondé l'association Aides : c'est là que, avec mon ami Stéphane, j'ai eu le grand plaisir de le côtoyer un peu, et ce pourquoi j'ai mis une fois le pied dans l'appartement qu'occupait de son vivant Michel Foucault rue de Vaugirard (et qui tient une très grande place dans le livre de Lindon).
J'ai cherché rapidement dans ma bibliothèque tout à l'heure le bouquin de Guibert, À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, où Foucault apparaît sous les traits de Musil. Pas retrouvé pour l'instant... J'ai souvenir que dans ce livre que j'ai lu avant de connaître Daniel, Guibert faisait un portrait de celui-ci assez ingrat, enfin qui s'est avéré comme tel quand j'ai rencontré Daniel en chair et en os, tout d'intelligence et de générosité.

Duane Michals, un photographe que j'aime bien et
qui est cité dans le livre de LIndon.


J'avais presque terminé Ce qu'aimer veut dire (trop vite lu, je l'ai dit) quand mon ami M. me fit signe par mail, de retour de vacances. Or pendant cette lecture je pensais sans arrêt à lui tant le père de Mathieu Lindon me paraissait semblable à son propre père. (C'est d'ailleurs le personnage qui est le plus portraituré, Lindon s'attachant plutôt à ce qui lie les personnes et à ce que ces relations produisent, et c'est cela qui est intéressant dans ses pages). 
Je le lui dis, à M., amusé car je le croyais cousin d'un autre éditeur, Paul Otchakovsky-Laurens (POL), ce que je trouvais sur le moment comme une autre coïncidence.
Or, voici ce qu'il me répond par mail encore, faisant coincider la réalité et mon fantasme comme deux pièces de puzzle :
"Oui, mon père ressemblait beaucoup à ses cousins Lindon. Il y en avait même un, l’oncle de Mathieu, qui était presque le sosie de mon père. A une réunion familiale, quand on était petits, l’un de ses fils a pris la main de mon père et dit : « On s’en va, Papa ? »…"

C'est une belle anecdote, je pense que M. ne m'en voudra pas de la rendre pudiquement publique.

dimanche 6 mars 2011

joli kou

Je suis allé trop vite le 06/02/11 (billet "les sauvages") en exposant sur le blog une œuvre éphémère et anonyme découverte rue René-Boulanger, à côté du numéro 42. En effet celle-ci n'était pas achevée, et elle porte maintenant la signature de son auteur  : Kouka.
Les amateurs pourront se rendre sur son site (en cliquant ici) où se trouvent d'autres photos de cette "Prise de la république", ainsi qu'une video sur ce projet autour des guerriers bantus.
On y voit aussi d'autres peintures qui, à mon sens, semblent plus platement dans la lignée du Street art, ce qui n'empêche pas de goûter la force de ces guerriers colonisant Paris.

C'est par hasard encore cette fois que je suis tombé dessus, me baladant avec Alain au gré des trottoirs ensoleillés, déambulation qui nous a fait croiser successivement Éric Naulleau, Pierre Palmade et une vraie ou une fausse Amélie Nothomb (disons un sosie qui serait sorti sans mettre de galurin noir, rendant l'identification impossible) : la proximité du théâtre de la porte Saint-Martin sans doute.
Encore avant nous avions rencontré de drôles de vélos gigantesques, équipés d'une sono qui diffusait du Boris Vian, toutes choses que j'aurais aimé filmer avec la caméra que je trimballais à cet effet dans mon sac, si celle-ci n'avait pas sa batterie... à plat. Eh oui, je débute...

vendredi 4 mars 2011

oui et noms

Il est marrant ce Muzo, le kiné. 
Peut-être est-ce le fait de travailler souvent avec deux patients en parallèle qui lui aura donné cette faculté ?... En tout cas il sait d'ajuster, s'adapter avec rapidité, avec souplesse.

Moi j'ai souvent des précisions à demander ou bien des remarques à faire qui peuvent sembler un questionnement un peu déstabilisant pour un praticien. Lui, il a bien compris que c'était ma façon de fonctionner, de faire mienne la thérapie, et il a même appris à jouer avec, à me charrier si besoin est. 

Presque, il ne s'étonnerait de rien : lorsque j'ai pris son poisson rouge en photo, ou le petit bout de papier à mon nom, tout vieilli, dans lequel il conservait un embout dont je me sers pour souffler dans une bouteille... aucun commentaire.
Ce matin je suis arrivé avec une caméra que l'on m'a prêté récemment. Pas plus effarouché que cela, acceptant tout à fait que je filme quelques moments de la séance de kiné sans même s'inquiéter du devenir des images. C'est vraiment sympa. J'ai juste posé la caméra sur une étagère et laisser tourner quelques minutes : ce matin j'inaugurais le vélo, un nouveau programme suite aux bons résultats de la radio de contrôle.

L'autre truc charmant, c'est qu'il a une certaine coquetterie. Il est toujours apprété avec soin, avec des chaussures de prix, mais vraiment "l'air de rien". Je le ressens d'autant plus que j'ai tendance à arriver à ces séances de kiné habillé comme un sdf, ayant empilé plusieurs pulls les uns sur les autres, le tout sur un pantalon de jogging, souvent pas rasé et les cheveux en pétard. Donc le contraste est saisissant. Mais comme dans mon n'importe quoi je porte souvent un tee-shirt un peu singulier, un peu original, c'est toujours quelque chose qu'il note, cherchant à déchiffrer ce qu'il peut y avoir d'inscrit etc. 


Le plus amusant, advenu il y a un moment déjà, c'est à propos de mes sous-vêtements. Je ne porte quasiment que des Aussiebum, une marque australienne comme son nom l'indique, dont le logo, classiquement, marque la taille élastique. À faire des exercices d'étirement du thorax bras au dessus de la tête, forcément, le haut de mes sous-vêtements s'est momentanément exposé.
- Mais qu'est-ce que vous avez là ?, dit Muzo puis, se reprenant de suite, ah, j'ai cru que c'était votre nom qui était inscrit.
Faut le faire, non, pour imaginer que j'aurais pu faire marquer mes slips à mon patronyme !




Ce qui me fait penser à toutes les dindes et tous les dindons qui ont bêtement acheté un vêtement Galliano ces dernières années. 
Maintenant que l'on sait pourquoi John aime tant la typographie gothique, au point d'en avoir fait son logo..., vous feriez bien de mettre tout ça à la poubelle. De toute façon c'est moche.

mercredi 2 mars 2011

cover boys


Voici le retour du joli mois de mars. 
Mars ? Mais n'est-ce pas le dieu de la guerre ? Aussi celui du printemps et de la jeunesse.

mardi 1 mars 2011

de l'air!

Quelques nouvelles de mes poumons car aujourd'hui était le grand jour de la radio de contrôle et que je reçois d'ici et de là des messages amicaux qui questionnent ou qui s'inquiètent.

Hier soir je suis allé au cours de yoga et j'ai tenté de suivre le rythme normalement. On voit le manque d'entraînement et mon essoufflement est notable mais je pressens que le début de la forme s'annonce.
Évidemment par contre coup j'étais assez fracassé ce matin chez le kiné et j'ai redormi encore un peu après, avant de filer faire cette fameuse radio à deux pas du cabinet du docteur T, le pneumologue. 

Ce labo d'imagerie est vraiment minuscule, aussi petit que chez Muzo* et il y a une scène assez cocasse où deux hommes se partagent
— ou se volent l'un l'autre— le même siège : chaque fois que l'un est appelé au comptoir de la réception, l'autre en profite pour prendre le siège, le premier revient alors que son absence a duré 15 secondes seulement, constate tout dépité que le siège est pris, puis la même scène se répète en inversant les rôles, tout cela entre les battements des portes de l'entrée et des toilettes qui manquent de les assommer à plusieurs reprises. On dirait du Jacques Tati.

La radio est faite rapidement. Avant cela, pendant que je me déshabille,  je m'aperçois que sur l'écran de contrôle est affichée l'image radiographiée précédente, c'est-à-dire la photo de l'organe du client, ou de la cliente précédente. Je ne sais pas très bien ce que c'est, ce n'est pas reconnaissable facilement comme le sont mes jumeaux poumons, mais je trouve cela fascinant de voir là l'intérieur de quelqu'un qui, à cet instant, se promène dans la rue.
- "C'est beaucoup mieux", affirme le doc chargé d'interpréter les clichés, comparant les anciens et ceux du jour. Ouf! Je vais donc échapper au drainage sous scanner préconisé par le docteur Jailibisterne (voir billet du 24/01/11).

Je déjeune dans un café, à côté d'un couple de très jeunes gens, des touristes français avec un guide du routard dans les mains : ils se donnent des mini baisers d'amoureux chastes, lèvres closes, entre les plats, comme des moineaux qui picorent. C'est mignon. Puis vient le rendez-vous avec le docteur T, assez déconcertant.

Comme le radiologue, il confirme que l'image est bonne : plus d'épanchement pleural signifiant. En revanche, il me donne des informations contradictoires avec celles délivrées par la kinésithérapeute de l'hôpital. D'après elle je ne devais perdre que 10% de mes capacités pulmonaires : lui parle de 30 ou 20%. Ce n'est évidemment pas la même chose. D'ailleurs on mesure, j'en suis là, moins 30%. Moi, ça ne me va pas.
Je lui dis que j'ai trouvé la stratégie de l'équipe hospitalière assez confuse : la façon dont le docteur G. m'a prescrit la kiné respiratoire trois semaines après l'intervention, après découverte de l'épanchement pleural, doublé du fait que le docteur Jailibisterne de son côté affirmait qu'à son sens la kiné ne serait d'aucune utilité...
Est-ce la loyauté des blouses blanches ? Le docteur T. justifie les deux de manière absolument pas convaincante : la kiné plus proche de l'intervention aurait pu être douloureuse (défense du docteur Gé), et on ne sait effectivement pas si elle a aidé ou non à résorber l'épanchement (défense du docteur Jailibisterne).

Moi il me semble très clair que je suis la seule personne qui aurait pu se prononcer sur la question de la kiné douloureuse ou non : encore aurait-il fallu qu'elle soit prescrite!!!
Quand à l'efficacité, il y a plus de chance que cela ait fait du bien plutôt que rien du tout (sinon ce ne serait pas remboursé par la sécu...) c'est l'évidence et le bon sens.

Depuis le début de cette histoire de lobectomie, entre le docteur T, l'anesthésiste, le docteur Gé, le docteur Jailibisterne, la kiné de l'hôpital, tout le monde y va de son avis, de ses pronostics, de ses évaluations, de ses certitudes... dans la plus grande pagaille et la plus grande obscurité.
Les affirmations des uns infirment celles des autres. Je ne sais vraiment plus à qui faire confiance et j'en suis à nouveau à regretter d'avoir subi cette opération.

* Rectif : non, il ne faut pas exagérer, c'est tout de même plus grand que chez Muzo...