Inutile de préciser que, à mon retour à Paris, je n'ai pas prêté beaucoup d'attention aux déclarations fanfaronnantes de Luc Ferry, ayant en tête d'autres ambitions que celle de polluer mon esprit bronzé avec de pâles inepties.
Jeudi 9 juin pourtant, un long article de Luc Ferry attire mon regard dans le Figaro, pages débats/opinions. Il est titré "Quelle vérité ? Entre omerta et diffamation." Comme je m'intéresse aux questions foucaldiennes de la vérité et de l'aveu, je jette un coup d'œil sur ce texte.
Luc Ferry affirme qu'en terme de révélations, il ne faisait que citer une affaire connue de tous, qui s'affichait la veille même de son intervention télévisée "dans le Figaro Magazine : non pas au conditionnel, comme une fiction, mais bel et bien comme un récit véridique" précise-t-il. Fichtre. Un scoop. Mon intense curiosité me pousse à chercher cet article sur le Net.
Le voici :
La loi du silence peut aussi couvrir des crimes à l'étranger. Il y a quelques années, des policiers de Marrakech effectuent une descente nocturne dans une villa de la palmeraie où une fête bien spéciale bat son plein. Les participants, des Français, sont surpris alors qu'ils «s'amusent» avec de jeunes garçons. Comme il se doit, la police embarque les adultes pris en flagrant délit. Parmi eux, un personnage proteste avec véhémence. Au commissariat, son identité est confirmée: il s'agit d'un ancien ministre français.
Le consul de France local est aussitôt avisé, qui informe à son tour l'ambassade à Rabat. L'affaire est rapidement arrangée et «l'excellence», libérée sur-le-champ, peut embarquer dans un avion pour la France. Aucune procédure ne sera engagée contre quiconque au Maroc. Et, bien que le tourisme sexuel soit, en principe, poursuivi par la justice française, cet homme n'aura aucun ennui à son retour.
Notre source marocaine craint pour sa carrière, l'affaire a été étouffée. Faute d'éléments de procédure ou de témoignage, la loi nous interdit légitimement de nommer le personnage.
F. M.
Il s'agit donc, dans un lieu non identifié de la palmeraie de Marrakech, d'une fête dont on ne sait rien. Il y a des participants français, ou bien tous les participants sont français — le texte est ambigu —, qui font on ne sait quoi (le "s'amusent" entre guillemets laisse entendre qu'il s'agit d'une activité plaisante mais on fait rarement une fête pour le contraire) avec de jeunes garçons, dont on ne sait pas s'ils doivent être entendus comme faisant partie des "participants, des Français" ou non. La police embarque les adultes, on ignore pourquoi, mais l'utilisation du mot adulte insinue, par contraste, que les jeunes gens pourraient être des ados ou des enfants mais s'il l'étaient, des enfants, je pense que ce serait précisé dans le texte, je ne vois pas ce qui empêcherait l'auteur de l'article de l'indiquer.
De la même façon, l'expression "flagrant délit" peut être entendue comme signalant un délit, mais lequel : tapage nocturne, usage de drogue, consommation d'alcool ?... Parmi ces personnes embarquées sans motif indiqué, l'une d'elles proteste. Il s'avère qu'il s'agit d'un ministre.
Cet embarquement policier ne débouche sur rien, ni côté marocain, ni côté français. Il semble que le tourisme sexuel ne soit pas la cause de la descente nocturne de la police car ce délit est puni par la justice française et que cet homme n'est pas inquiété à son retour.
Voilà en tout cas ce qu'une personne censée est susceptible de lire dans cet article.
Revenons à celui de Luc Ferry. Il y est question de "coupure entre le peuple et ce que les sociologues appellent 'l'élite'". De "microcosme". De choses qui doivent être portées "à la connaissance des citoyens". De "savoirs réservés au small word, au 'petit monde'". De "myriades d'informations à bien des égards crédibles". Du "discrédit terrifiant qui touche les élites".
On comprend que Luc Ferry se prend pour une élite, qu'il vit dans un tout petit tout petit monde, bombardé de rumeurs qu'il pense être des savoirs, qu'il imagine que crédibilité et vérité sont des concepts identiques et qu'il souffre, d'un façon terrifiante, d'être discrédité.
Les personnes en souffrance ont souvent besoin de se confier, de s'épancher.
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