Bien que levé tôt pour assister à la fin du monde vendredi, je n'ai rien vu. Ni pluie d'oiseaux calcinés, ni nuées de sauterelles, ni serpent à sept têtes, ni ange détruisant les récoltes à grands coups de serpe... Rien d'autre que la perspective d'une nouvelle journée de travail. L'événement le plus important depuis la création du monde n'a pas eu lieu. Et le pire reste à venir : Noël. C'est le temps des réunions familiales.
Dans le métro, elle, à lui qui reste silencieux :
- Ton père il aime personne. Il n'a besoin de personne. C'est pas normal, ça, de n'avoir besoin de personne.
Mon père c'est l'inverse. Il peut pas rester seul. Il a toujours besoin de quelqu'un. C'est pas normal, ça, d'avoir toujours besoin de quelqu'un.
La bonne mesure ? La famille est le lieu de l'interprétation. Du trop dit, du pas assez. Des tensions, de l'abattement. Des gestes à peine perceptibles qui racontent l'amour si maladroit à se dire. Des mutismes qui paraîtront tendres ou hostiles.
Quand le cochon arrive sur la table, je ne peux m'empêcher de le photographier. Après coup je me dis que je dois m'identifier à lui, reconnaître quelque chose de moi dans son sourire crispé. Il n'a pas beaucoup de succès en plus le pauvre, avoir donné sa vie pour si peu de reconnaissance, c'est triste.
Je me souviens d'un séminaire à la campagne où l'on était nourris de cochonnailles et où l'on pouvait aller jouer avec la truie bruyante qui, l'an prochain, nourrirait les stagiaires suivants. D'année en année les cochonnes portaient des prénoms en a, comme sur les premières publicités de Minitel rose.
"C'est maintenant une Bête qui monte de la terre, elle a deux cornes comme un agneau, mais parle comme un dragon. Et elle plie tous les hommes au service de la première Bête". (Beatus de Liébana, texte de Umberto Eco, édition Franco Maria Ricci).
J'ai l'impression qu'à l'intérieur de ma mère, une Bête dévore tout. Lendemain de fête douloureux.
Ce post me laisse perplexe à plusieurs égards. Passons les histoires de famille et la fin de vie des parents... Mais l'image du cochon est incroyable ! Non seulement, c'est, pour moi, martien de manger du cochon à Noël (à chacun ses traditions !) mais le présenter tête tranchée et gueule ouverte, c'est particulier. La couleur de la chair du cochon a contaminé tout son alentour, la nappe est rosée et les bras nus en arrière-plan sont de la même chair. L'image pourrait être datée début 60 : vaisselle intemporelle, verres ciselés, la robe rouge sans manche, comme l'ambiance colorée des polaroïds qui viraient parfois au magenta.
RépondreSupprimerPlus bas, on apprend que c'est Umberto Eco qui a écrit l'Apocalypse de saint Jean. Ceux qui cherchent à identifier l'auteur depuis longtemps seront comblés. C'est pas tous les jours Noël.
Oui, c'est assez bien vu cette référence aux couleurs des Polaroid d'antan, l'image m'a fait penser effectivement à des Noëls et des repas de famille plus anciens, bien que la présence d'un cochon au cœur de cette nuit de la Nativité soit une nouveauté datée 2012...
SupprimerEn revanche, je proteste, nulle part n'est indiqué que l'Apocalypse de Saint Jean serait écrite par Umberto Eco, évidemment.
Béatus de Liébana, personnage historique dont on sait peu de choses, prêtre et probablement moine dans un monastère, a écrit dans le dernier quart du VIIIe siècle des commentaires au livre de l'Apocalypse, agrémentés d'autres textes comme le Commentaire de Daniel.
Cet ensemble de textes, la plupart illustrés, a connu un immense retentissement et il en a été réalisé des copies jusqu'au XIIIe siècle, qui tous portent le nom générique de Béatus. (Je crois qu'on dénombre 34 copies dont 27 illustrées). Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur l'intérêt que trouvent les chercheurs concernés à l'étude de ces écrits, de ces miniatures, et des raisons de leur succès au travers les âges.
Le livre que je possède est titré sobrement "Béatus de Liébana", il comporte une introduction et des notes biblio d'un certain Luis Vasquez de Parga Iglésia, mais le texte et les commentaires sont de Umberto Eco.
Extrait :
".... un livre quand il écrit, n'a plus personne derrière lui : il a, au contraire, quand il survit, et pendant tout le temps qu'il survit, des milliers d'interprètes devant lui. La lecture qu'ils en donnent engendre d'autres textes, qui en sont le paraphrase, le commentaire, l'utilisation sans scrupules, la traduction en d'autrse signes et en mots, en images, voir même en musique.
Un texte est un défilé de formes signifiantes qui attendent d'être remplies (que l'histoire, dit Barthes, passe son temps à remplir) ; les résultats de ces "remplissages" sont presque toujours d'autres textes. Peirce aurait dit : les intreprétants du premier texte. Ce n'est pas un hasard si dans ces pages, et dans celles qui suivent dans le corps de ce volume, le premier texte n'est pas transcrit, et pas seulement parce qu'il est très connu. Le fait est que ce volume porte sur certain interprétants du texte dit Apocalypse."
La phrase de l'Apocalypse (13-11) citée in extenso, "utilisée sans scrupule", précédant les références d'un livre d'Umberto Eco méritait bien ces quelques précisions. Cet éclairage savant n'était pas superflu !
RépondreSupprimerC'est faux. Une fois on a eu du poulet.
RépondreSupprimerQuelle maîtrise de l'humour ! Merci fig !
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SupprimerJe relis ce message à la lumière de l'actualité et ça me serre le cœur.
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