Je n'ai plus le temps de vous raconter par vie par le menu... Et cause de froid, le port des gants, peu compatible avec la manipulation du iPhone, m'a empêché d'immortaliser de beaux spécimens vestimentaires pour illustrer la série
Exercices de style, de Queneau. Ai loupé l'autre jour un grand black habillé tout en vert, des pieds à la tête, en passant par les Ray-ban, parfaite macadam grenouille.
Aussi bien ne vous avais-je pas parlé de ce colloque intitulé "Faire des choix ? Les fonctionnaires dans l'Europe des dictatures 1933-1948", organisé par le conseil d'État et l'École des hautes études en sciences sociales, occasion de découvrir la personnalité d'Olivier Beaud, qui concluait les journées. Juriste et universitaire, Beaud préconise notamment la lecture de
L'état blessé, de Jean-Noel Jeanneney (chez Flammarion), sur la dégradation de l'état sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Aussi ne vous ai-je pas parlé du concert de l'immense Agujetas (à la Cité de la musique), 70 ans et des poussières, et un art du chant flamenco qui semble de roc et de fer chauffé à blanc : brut, primitif, archaïque, une transe tenue à distance par la phrase musicale. En passant, petite démonstration de danse de son amie japonaise, "la meilleure danseuse du monde", assure-t-il.
Tout cela est donc passé, mais ce qui est toujours d'actualité, et dont je ne peux pas ne pas parler, c'est le dernier film documentaire de Jean-Xavier de Lestrade, suite de la série Soupçons (The Staircase). Un seul DVD cette fois sur l'affaire Michael Peterson, cet homme soupçonné du meurtre de sa femme et condamné à perpèt' il y a huit ans. Coup de théâtre en 2010 : l'un des experts, décisif lors du procès, s'avère un ignoble afabulateur, jouant à l'apprenti sorcier et truquant les résultats des expertises. Du coup, le verdict serait-il à revoir ?
Alors que la première série (huit DVDs) était un incroyable polar, bien que toujours réel, ce documentaire-là offre une toute autre tonalité. Le spectateur novice sera informé des événements passés par une narration habile, montée avec talent, et le spectateur averti ne se confrontera pas cette fois à l'ambiguïté du héros et au balancement "est-il coupable, est-il innocent" qui faisait le suspense des films précédents.
Car c'est sur un homme brisé que se pose le regard de Jean-Xavier de Lestrade, avec son intelligence habituelle : un corps rompu, un visage mâché et délavé par le temps de la prison, un être craquelé qui paraît risquer de se dissocier à tout moment, devant lequel se déploie la fresque des amours familiaux, maladroits, impuissants. Et le flash back de son procès avec les aberrations de l'accusation : Duane Deaver, l'expert ripou, aura envoyé en prison pour des années et des années bon nombre de prévenus qui auraient dû rester en liberté.
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À gauche, Michael Peterson, après huit ans de détention ; au centre, article de journal qui relate les méfaits de Duane Deaver au sein du State Bureau of Investigation ; à droite, le réalisateur entre dans le cadre pour étreindre Peterson. |
Épuisé, Michael Peterson n'a plus rien de ce héros mi-shakespearien mi JohnIrvingien qui séduisait les hommes et les femmes, et attrapait la vie à grands coups de pattes. Il a la fragilité d'un nourrisson perdu dans un corps de vieillard.
Est-il coupable ? Peut-être. Mais il n'aura pas échappé à l'erreur judiciaire que constitue un manquement de justice.
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Reste une énigme de taille : où Jean-Xavier de Lestrade achète-t-il ses chemises ? |
Soupçons, la dernière chance, éditions Montparnasse.