« Oui, me disait-on : vous voulez "changer", mais qui veut changer en vous ? Pour changer, il faut qu'il y ait en vous quelque chose de fixe qui désire fixement changer. Où est ce quelque chose ? Je n'étais pas fier. Je n'avais pas en moi ce quelque chose. Je m'apercevais que je n'avais pas même de nom. Parfois, c'était un Pauwels qui voulait changer, et parfois un autre, et je voyais que j'avais mille Pauwels, les uns contents de leur sort, les autres très désireux de faire le voyage, certains enthousiastes et certains récalcitrants, l'un cherchant à en engager dix qui renâclaient et un autre faisant échec à dix acharnés à changer. Je ne pouvais pas dire : Pauwels veut changer. Je ne pouvais pas engager mon nom dans cette affaire, parce que je ne possédais pas véritablement mon nom. Autrement dit j'avais mille je en mouvement, mais pas de Je, J majuscule. Quand on n'a pas de Je majuscule, peut-on avoir un nom ? Quand je voyais mon nom sur un livre, dans une librairie, ou imprimé dans un journal, j'avais toujours le sentiment d'être complice d'une imposture et mon œil ne tombait pas dessus sans que je ressente un malaise. Cela dure encore, d'ailleurs, et je prends dans la plupart des cas pour des hommes très opaques ceux qui se réjouissent de voir leur nom étalé publiquement ou qui le prononcent sans trembler un peu ; ceux qui n'éprouvent pas, en ces occasions, un sentiment d'imposture. »
Monsieur Gurdjieff, de Louis Pauwels, éditions du seuil, 1954.
Ego, Essence une vision du "moi" par le courant transpersonnel qui a le mérite d'être compatible avec une vision flexible de l'identité comme rapport singulier au monde pour ceux qui chérissent, plus qu'un mot, la liberté d'exister.
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