lundi 30 juin 2014

hommes à la casserole




 

Pour ceux qui sont d'humeur coquillages et crustacés en été, Etro a mitonné une collection aux saveurs italiennes. Présentée à Milan, millesime printemps-été 2015 : il faudra patienter donc pour ces menus plaisirs.
 

 

lundi 23 juin 2014

femmes arbitres

Vendredi midi : il est monté sur une des tables pour échanger l'écran de télévision en place contre un modèle plus grand encore.

Quelques instants auparavant, il s'était entretenu foot avec un client, au bar, qui s'était présenté commme égyptien. Il était question de l'équipe d'Algérie, sans doute du match avec la Belgique, mais je prête peu d'attention à leurs propos qui se déroulent sur un mode blagueur, je l'entends pourtant préciser :
- Mais moi je ne suis pas musulman, je mange du sanglier et du cochon. Je suis Berbère. Nos femmes elles fument et elles boivent.

Il va se poster à l'entrée du café pour juger de l'effet du nouvel écran :
- Oui, c'est mieux.
Et grimpe à nouveau sur la table pour ajuster l'inclinaison de la télévision.
Un autre client qui vient d'entrer lui lance :
- Il y a quelque chose de spécial ce soir ?
C'est une boutade. Tout le monde même les sourds et les aveugles savent que ce soir l'équipe de France affronte celle de la Suisse.
Le patron, toujours perché :
-Vous êtes plutôt rugby ?
Mime couci-couça du client.
Le patron, incrédule :
-Mais vous aimez les femmes ?

jeudi 19 juin 2014

Foucault, Defert et les autres

Avec Arte replay, on peut regarder la télévision sans avoir la télévision : grand bonheur.
Il faut aussi avoir de bons amis qui vous informent, "Tiens, il y a ça qui est rediffusé sur Arte plus 7."

Ainsi, grâce à M., j'ai pu revoir l'impressionnant "Qu'un seul tienne et les autres suivront", premier film de Lea Fehner, tressage de trois histoires tenues par des acteurs parfaits et brûlants qu'il faudrait tous citer pour leur rendre justice (pour ma part c'est dans ce film-là que j'ai découvert Reda Kateb).


A mon tour de jouer les bons amis en vous signalant que l'on peut passer 52 minutes en agréable compagnie avec Michel Foucault. "Foucault contre lui-même", ou un voyage express avec le philosophe pour qui penser sa vie est un souci de soi quotidien. Le joyeux mariage de l'intelligence et du refus de la domestication.
On peut poursuivre un sillage foucaldien avec le bouquin de son ami Daniel Defert, Une vie politique, chez Seuil. C'est un livre d'entretien qui n'est pas centré sur sa relation avec Foucault mais sur son engagement d'intellectuel et la création de l'association Aides, voir ici l'article de Libé.


 

mardi 17 juin 2014

quartier d'été



C'est l'illustrateur graphiste espagnol Pablo Amargo qui signe l'affiche de l'édition 2014 de Quartier d'été.
Pour en savoir plus sur lui, c'est là.
Et pour le programme des festivités, c'est là...

vendredi 13 juin 2014

l'abus d'alcool

Salade de fraises et menthe fraîche, associée à Dieu Jr,
de Dennis Cooper, éditions P.O.L.
C'était dimanche je crois. Je m'offrais une pause lecture au soleil, sur une pelouse très fréquentée lorsqu'il fait chaud. (J'ai déjà publié des billets rédigés depuis cette herbe-là, ou restituant des anecdotes de ce square-là.)

Devant moi il y a trois jeunes filles en pleine discussion qui pourraient être une image facile de la France black blanc beur. Celle que j'entends le plus est celle dont la peau est la plus laiteuse. Elle me rappelle une amie actrice, le même menton pointu et surtout une façon de parler rapidement, comme dans l'urgence, de ponctuer ou de finir ses phrases d'un rire chuintant, la bouche s'ouvrant peu mais s'étirant largement sur les côtés, les yeux plissés à en paraître fermés.
Elles font partie elles-aussi des habitués de cet espace vert. Celle dont la voix me parvient (bien que pariellement seulement) évoque une rencontre précédente, avec "des turcs" sympas qui avaient des bières :
- Ils étaient sexy, celui qui te draguait... Moi celui qui me draguait, avec les cheveux longs, il  me faisait peur.

Plus tard elles se penchent sur une cicatrice que celle-ci, toujours la même, porte au coup de pied. Elle explique :
- Les mecs étaient bourrés. Ils m'ont mise dans un caddie et m'ont lancée sur la pente, je suis partie comme ça (rires) mais en bas y'a une voiture qu'est arrivée d'un coup, on s'est frôlé à ça (elle montre, en riant beaucoup, une distance de trois centimètres avec le pouce et l'index), on a eu de la chance, après je suis tombée plus loin, je me suis ouvert là (elle pointe le bombé du pied).
Les deux copines la regarde avec un air discrètement consterné, lui parlant bas comme si un niveau trop sonore risquait de créer chez leur amie une prise de conscience trop aigue. L'une d'elles questionne si elle a eu mal.
-J'étais bourrée, répond-elle.
 
Son téléphone sonne. Elle regarde l'écran sans décrocher et commente à l'attention des deux autres, c'est un mec trop relou qui insiste, bla bla bla. Je n'entends pas tout mais j'ai l'impression qu'une de ses amies lui demande si elle n'aurait pas rencontré ce mec lors d'une soirée où..., bla bla bla, il est question d'un groupe de potes "arabes", non, ce n'est pas à cette occasion mais cela amène la jeune fille à se souvenir de ce soir-là :
-ah c'était horrible il m'a giclé dans la bouche sans prévenir, j'ai cru que j'allais vomir (elle rit, agite ses doigts devant la bouche, exécute des mimiques de dégoût).
Une question inaudible.
-J'avais mes règles...
-Mais pourquoi tu as fait ça?
-J'étais bourrée. 

jeudi 12 juin 2014

brazil, brasil


Certains auront comme chaque fois du mal à lire la vidéo selon l'écran depuis lequel ils consultent ce blog. Voici l'adresse de la vidéo postée (mais l'image est fixe) :
https://www.youtube.com/watch?v=9HtHEgINHO0

Une façon d'être dans l'actualité tout en restant un pied dans les années quatre-vingt.
Et pour les amateurs de karaoké, cette autre : travelling touristique et "letras"...
(https://www.youtube.com/watch?v=CA7N-CsY1os)


Autre voyage dans le temps et au Brésil, la version de Aquarela do Brasil par Caetano Veloso, en 1970 à la télévision (ici : https://www.youtube.com/watch?v=ppdpae0EWDU). Presque 7 minutes de musique immobile, un phrasé parfait et somnambulique qui hypnotise ou donne envie de secouer son ordi, c'est selon.

mercredi 11 juin 2014

en finir (vraiment) avec Eddy Bellegueule

Je n'avais pas envie de lire le livre d'Édouard Louis (En finir avec Eddy Bellegueule, éditions du Seuil).

Les polémiques autour de sa publication (la famille blessée, l'auteur surpris se justifiant au nom de la Littérature, la prise de bec avec un journaliste du Nouvel Obs accusé de procéder au fact checking, l'ambiguïté roman/récit...) m'avaient parues rances d'avance. Pas très éloignées de celles qui fleurirent autour du Pays perdu, de Pierre Jourde.

Mais surtout j'avais eu accès aux premiers paragraphes sur le Net (ici) et la complaisance inutile avec laquelle est décrit un crachat glissant sur le visage du narrateur (écriture poussive par ailleurs) m'avait vaguement dégoûté, comme une masturbation masochiste (pour autant, chacun ses plaisirs, je ne condamne rien).

Un ami me l'ayant prêté à la fin d'un dîner ("tu me diras ce que tu en penses"), je m'y suis collé.

J'aime beaucoup Jamaica Kincaid, dont j'ai publié un extrait il y a quelques jours. (On comprendra plus loin l'objet de ce coq à l'âne.)
Ou en tout cas, j'ai vraiment beaucoup aimé son récit, Mon frère, qui raconte les retrouvailles avec son frère, jeune homme qu'elle n'a que peu connu et qu'elle rejoint alors qu'il agonise du sida, à Antigua, son île natale. Si ce bouquin-là est son seul livre proprement autobiographique, il m'a donné envie de lire ses autres ouvrages qui, eux, puisent directement à la source de son expérience de vie : son enfance (Annie John), son arrivée aux États-Unis (Lucy), ses rapports avec sa mère (Autobiographie de ma mère) etc.

Comme Eddy Bellegueule devint Édouard Louis, Elaine Potter Richardson est devenue Jamaica Kincaid en 1973 : "A way for me to do things without being the same person who couldn't do them - the same person who had all these weights."

Cruellement, on pourrait dire qu'ici s'arrêtent les similitudes.

À l'occasion d'une longue interview de Jamaica Kincaid parue en octobre 1990 dans le New York Times, le critique Henry Louis Gates la compare à Toni Morrison et insiste sur le travail qui est fait pour restituer un monde dans sa compléxité sans en passer par une obligatoire description sociologique. Il ne s'agit pas de "chart the existence of that world, but to show that human emotions manifest themselves everywhere." Ou encore : "she never feels the necessity of claming the existence of a black world or a female sensibility. She assume them both. I think it's a distinct departure that she's making."
Plus loin, quelqu'un décrypte sa puissance d'évocation : "The simplicity of her sentences is astounding. As she write a sentence, the temperature of it psychologically is that it heads toward its own contradiction. It's as if the sentence is discovering itself, discovering how it feels."

Dans En finir avec Eddy Bellegueule, bien que sa jouissance victimaire s'affiche clairement (p. 193), le narrateur reste de papier. Plat. Par contraste, les personnages émouvants sont le père, la mère, le frère..., que l'on est censé ne pas aimer je crois.

Et la scène qui me semble la plus forte s'affiche pages 219 et 220 (mais le livre en compte 220... Je restitue ici la curieuse présentation de l'épilogue avec ses retours à la ligne et ses capitales initiales, comme un chant.).
"Je porte ma veste achetée spécialement pour mon entrée au lycée
Rouge et jaune criard, de marque Airness. J'étais si fier en l'achetant, ma mère avait dit
fière elle aussi
C'est ton cadeau de lycée, ça coute cher, on fait des sacrifices pour te l'acheter
Mais sitôt arrivé au lycée j'ai vu qu'elle ne correspondait pas aux gens d'ici [...]
Trois jours plus tard je la mets dans une poubelle publique, plein de honte."

Il y aurait tellement à dire de ces quelques lignes qu'on se demande en refermant le livre pourquoi il parle si peu. Sans doute parce qu'il s'appuie sur des certitudes que seule la jeunesse procure, quand la maturité permet, à la manière de Jamaica Kincaid, de s'interroger encore : "It's really a mystery to me how I came to be the person I am."


Pour lire Jamaica Kincaid : aux éditions de l'Olivier sont publiés Mr Potter, Mon frère, Au fond de la rivière et Annie John. Lucy et Autobiographie de ma mère sont chez Albin Michel.

mardi 10 juin 2014

ni dard, ni aiguillon

À quoi voit-on que les beaux jours sont là?
Oui, je sais, c'est de la provoc', si l'on regarde le ciel à cet instant et les trombes d'eau qui tombent sur Paris (sans compter la grèle des nuits précédentes...)

Cependant dans les quelques heures (très) chaudes de ce week-end, une escapade au rayon bricolage du Bhv m'a apporté la preuve indiscutable que la belle saison se déployait bien là, maintenant.

Dans les bacs qui balisent le chemin jusqu'aux caisses et devant lesquels, donc, le client est obligé de passer, se tiennent les indispensables de l'été. Marc Levy et Katherine Pancol y côtoient le tue-frelons.
Tuer le temps et les insectes : attention, littérature et aérosol à usage externe uniquement.


mercredi 4 juin 2014

Jamaica Kincaid

"Le jour de mes premières règles, je me sentis toute drôle. [...]
Pendant la récréation, au milieu des pierres tombales, j'annonçai - avec preuve a l'appui- la grande nouvelle à mes camarades du groupe. Aucune n'était encore formée. Je ne m'étendis pas sur le sujet, le cœur n'y était pas. J'aurais préféré le rôle de spectatrice ébahie devant la démonstration d'une autre fille. Elles se montrèrent pourtant toutes si gentilles ! Elles m'entourèrent, m'offrirent leurs épaules pour me soutenir, leur genoux pour poser ma tête lasse et douloureuse, et leurs baisers qui m'apaisèrent vraiment. Je les regardai, empressées autour de moi. [...]
Le retour en classe se fit lentement. Nous marchions comme à un enterrement. Gwen et moi échangions des promesses d'amour éternel, mais elles sonnaient creux, et nous n'osions pas nous regarder dans les yeux. Mlle Nelson et l'infirmière décidèrent que je ne devais pas revenir à l'école après le déjeuner. L'infirmière suggéra même de conseiller à ma mère de me garder au lit jusqu'au soir.
Quand j'arrivai à la maison, maman vint vers moi, les bras tendus, le visage anxieux. Un goût amer emplit ma bouche, car je ne comprenais pas comment elle pouvait être aussi belle alors que je ne l'aimais plus."

Extrait de Annie John, de Jamaica Kincaid, éditions de l'Olivier, traduit de l'américain par Dominique Peters.