"Le jour de mes premières règles, je me sentis toute drôle. [...]
Pendant la récréation, au milieu des pierres tombales, j'annonçai - avec preuve a l'appui- la grande nouvelle à mes camarades du groupe. Aucune n'était encore formée. Je ne m'étendis pas sur le sujet, le cœur n'y était pas. J'aurais préféré le rôle de spectatrice ébahie devant la démonstration d'une autre fille. Elles se montrèrent pourtant toutes si gentilles ! Elles m'entourèrent, m'offrirent leurs épaules pour me soutenir, leur genoux pour poser ma tête lasse et douloureuse, et leurs baisers qui m'apaisèrent vraiment. Je les regardai, empressées autour de moi. [...]
Le retour en classe se fit lentement. Nous marchions comme à un enterrement. Gwen et moi échangions des promesses d'amour éternel, mais elles sonnaient creux, et nous n'osions pas nous regarder dans les yeux. Mlle Nelson et l'infirmière décidèrent que je ne devais pas revenir à l'école après le déjeuner. L'infirmière suggéra même de conseiller à ma mère de me garder au lit jusqu'au soir.
Quand j'arrivai à la maison, maman vint vers moi, les bras tendus, le visage anxieux. Un goût amer emplit ma bouche, car je ne comprenais pas comment elle pouvait être aussi belle alors que je ne l'aimais plus."
Extrait de Annie John, de Jamaica Kincaid, éditions de l'Olivier, traduit de l'américain par Dominique Peters.
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