vendredi 12 septembre 2014

piqué, piquée

Parfois je la regarde et elle me semble loin, comme si derrière son visage d'immenses paysages à la Chirico défilaient, immensités où elle s'enfuirait, revenant parfois près de sa face, près de sa peau, près de ses yeux, pour nous rejoindre quelques instants, glisser deux trois mots avant de repartir vers ce chez-elle infini, où bientôt on ne l'apercevra que de loin, rendue toute petite par la distance.

D'autres fois elle est tout à fait là, à sa manière. 
Ce soir je lui raconte pour la distraire ma mésaventure du matin. Vers dix heures, vêtu d'un tee-shirt recouvert d'un sweat à capuche je suis sur un escalator au centre de la Gare de l'Est me dirigeant vers le métro quand je ressens une cuisante piqûre sur l'omoplate droite. Je pense immédiatement à une guêpe (mais comment une guêpe aurait-elle pu pénétrer sous mes habits), je gesticule, me frappe le dos, secoue mon tee-shirt : avec une stature plus longiligne, ça aurait fait une très belle scène à la Tati.  En bas de l'escalator j'ôte mon sweat, re-secoue mes habits et m'engouffre dans le métro. Dans la rame, un peu plus tard, je sens une deuxième piqûre ; je me demande si je rêve (comme lorsqu'on se gratte la tête une fois que quelqu'un a prononcé le mot "poux"), je me fais peur en imaginant une cohorte d'araignées venimeuses sous mon tee-shirt mais je ne sens aucun insecte me grimper sur le dos. Arrivé à destination quelques stations plus tard, je m'engouffre dans des toilettes, enlève mes vêtements et une guêpe effectivement tombe au sol et reste sur le flanc, gigotant à peine. Sur mon dos, vues dans le miroir, pas moins de quatre piqûres.

Ma mère écoute l'histoire avec intérêt, et son attention est portée sur l'insecte :
-"Vous avez fait quoi, vous l'avez mise dehors ?"
-"Non, je l'ai laissée là. Mais tu sais, elle ne bougeait qu'à peine, elle semblait toute flapie."
Elle réfléchit. Puis mimant un air un peu "stone" :
-"Mais tu crois qu'elle avait avalé des médicaments, ou quelque chose, pour être comme ça ?"

Bientôt, il faudra qu'elle écrive des poèmes, ou des romans à la Roald Dahl.

4 commentaires:

  1. J'apprends justement aujourd'hui que le 13 septembre c'est le Roald Dahl Day!!...
    http://www.roalddahl.com/create-and-learn/join-in/roald-dahl-day

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  2. Puis-je ajouter une anecdote perso sur ces insectes qui nous collent à la peau ?
    Sur la plage de Sidi Ifni, il y a à peine 3 semaines, j'étais allongée sur le ventre, l'agraphe du haut du maillot (une pièce) défaite afin de bronzer sans trop de marques. Je sens une piqûre sur l'abdomen, pense à un objet pointu qui se serait frayé son chemin à travers le sable et ma mince serviette, me soulève un peu et, le temps de sentir une deuxième piqûre, vois une énorme fourmi prisonnière de mon maillot. Ailleurs, no problem : je me lançais volontiers dans un topless, le temps de chasser l'intruse mais...au Maroc ?!!
    Paniquée par mes mouvements maladroits, La bête y va d'une troisième attaque. J'ai foncé dans l'eau où j'ai tombé le haut et largué la bestiole.

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  3. En lisant ces lignes souvent illustrées d'images (mentales et réelles) et de couleurs (grâce aux ongles peints), pour ce qui me concerne, cette mum's saga a des accents musicaux et souvent me vient la musique de Satie ou de Duthilleux (les planètes). Les gymnopédies, éthymologiquement parlant voulant dire "sans habits et sans armes" donc nu, cela me semble illustrer assez bien l'état dans lequel ( j'imagine) l'auteur pourrait se trouver face à cette "folie" tout comme l'état de "nudité" et de dénuement de cette femme face à ce que la vie demande chaque jour. Et pour le post du jour, j'entendais intérieurement la 3° gymnopédie: c'est triste avec cette légère distance qui fait que ce n'est pas grave, quelque chose d'un peu éthéré (et là clin d'oeil à Nelly qui comprendra :)

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    1. Clin d'oeil reçu, Yolande. Et vos associations musicales me parlent!

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