“[...] En 1532, le Parlement de Paris avait décidé de faire arrêter les mendiants et de les contraindre à travailler dans les égouts de la ville, attachés, deux à deux, par des chaînes. La crise s'accentue vite puisque, le 23 mars 1534, ordre est donné "aux pauvres écoliers et indigents" de sortir de la ville, cependant que défense est faite "de non plus chanter dorénavant devant les images des rues aucuns saluts". Les guerres de religion multiplient cette foule douteuse, où se mêlent des paysans chassés de leur terre, des soldats licenciés ou déserteurs, des ouvriers sans travail, des étudiants pauvres, des malades. Au moment au Henri IV entreprend le siège de Paris, la ville, qui a moins de 100 000 habitants, compte plus de 30 000 mendiants. Une reprise économique s'amorce au début du XVIIe siècle ; on décide de résorber par la force les chômeurs qui n'ont pas repris place dans la société : un arrêt du Parlement daté de 1606 décide que les mendiants de Paris seront fouettés en place publique, marqués à l'épaule, la tête rasée, puis chassés de la ville ; pour les empêcher de revenir une ordonnance de 1607 établit aux portes de l'enceinte des compagnies d'archers qui doivent interdire l'entrée à tous les indigents. Dès que disparaissent, avec la guerre de Trente ans, les effets de la renaissance économique, les problèmes de la mendicité et de l'oisiveté se posent à nouveau ; jusqu'au milieu du siècle, l'augmentation régulière des taxe gêne les manufactures et augmente le chômage. Ce sont les émeutes de Paris (1621), de Lyon (1652), de Rouen (1639). En même temps le monde ouvrier est désorganisé par l'apparition de nouvelles structures économiques ; à mesure que se développent les grandes manufactures, les compagnonnages perdent leurs pouvoirs et leurs droits, les "Règlements généraux" interdisant toute assemblée d'ouvriers, toutes ligues, tout "associage". Dans beaucoup de professions pourtant, les compagnonnages se reconstituent. On les poursuit ; mais il semble que les Parlements montrent une certaine tiédeur [...]”
Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard, 1972 (p.75-76)
Clin d’œil: invitée par l'actualité à me replonger dans surveiller et punir, je me disais que ce n'était pas franchement gai ce mois de décembre 2015. Je vois qu'il y a de la "gaieté " dans l'air chez toi aussi.
RépondreSupprimerJ'ai du mal à définir vraiment mes états d'âme du moment prise entre une forme de tristesse/colère, l'absurdité, la bêtise des politiques et des instances sociales. Pourtant je fais partie de "ces gens là" aussi, je vote avec difficulté, j'aimerais des jours qui chantent et je me sens impuissante avec le sentiment que l'histoire inlassablement se répète....
Saisissant et comme leçon d’histoire et comme reflet de notre actu.
RépondreSupprimer