C'était sans doute pour son anniversaire, qui se tient début septembre, en tout cas en fin d'année dernière, que j'avais acheté à ma mère une bague fantaisie chez Hema. Quelques euros pour une bague dorée décorée de motifs turquoise que l'on peut voir sur certains billets publiés ici.
Impossible de comprendre par quel mécanisme cette bague a pris une telle place dans son esprit. Elle ne la quittait pas. Et, en la touchant, disait, selon les jours :
"Je l'ai depuis mon mariage", ou "Je l'ai depuis le début, la verte", ou encore "C'est fou, je l'ai depuis des centaines d'années".
Au retour de mes vacances, en juin, cette bague chérie avait disparu. Je l'ai cherchée discrètement dans ses affaires, dans sa chambre, pour voir si je la retrouverais. J'ai regardé dans le magasin où je l'avais acquise si ce modèle était toujours en vente. Rien. Perdue. Mais moi seul tentait de sortir de l'oubli cet objet. Pour ma mère, cette perte insensible n'était qu'une absence invisible dans un océan d'années, de choses, d'habitudes, de souvenirs et de savoirs engloutis.
A présent quand je la rejoins, chaque fois, elle continue de m'accabler de ses palabres affectueuses :
-"Je suis tellement heureuse de te voir", "Quand tu n'es pas là je te cherche partout", "Mais tu es de plus en plus beau, comment fais-tu ?", "La seule chose qui m'intéresse, c'est te voir", "Tu as des cheveux magnifiques", etc.
Difficile de ne pas m'identifier à cette bague : objet d'amour, ou support de discours, qui, un jour, sort de l'esprit de cette femme à la dérive sans laisser de trace.
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