Je voulais raconter ici plusieurs anecdotes autour de ce thème, mais je crois que je vais devoir me résoudre à ne conter que celles qui concernent le livre L'Origine du monde, vie du modèle, de Claude Schopp. Ou plutôt ma lecture de l'ouvrage, lequel débute (exquisément) ainsi :
"Je suis atteint de ce que l'on pourrait nommer le délicieux vertige de la note - on s'en apercevra bien par ce qui suit : tenter de traquer les moindres allusions que contient un texte afin de l'éclaircir me passionne jusqu'au ridicule."
C'est cette tâche, appliquée à la correspondance de George Sand et d'Alexandre Dumas fils, qui a permis l'identification de la femme représentée sur la toile de Courbet, L'Origine du monde, découverte qui a fait l'actualité il y a deux ou trois mois.
Je me promène donc dans le métro avec ce petit livre (150 pages), tout à fait passionnant, qui cherche à retracer le portrait et la vie de Constance Quéniaux, danseuse et amante quelque temps de Khalil-Bey, commanditaire du tableau, toile qui est reproduite à l'intérieur avec d'autres documents.
Dans la rame où je suis - bien qu'à cet instant je sois plus dans mon bouquin -, une jeune femme interprète une chanson réaliste en roulant exagérément les r. Puis elle enchaîne avec Les gens qui doutent, d'Anne Sylvestre, qui me ramène un peu vers elle. Rangeant son matériel elle m'apostrophe :
-" C'est bien, L'Origine du monde ? C'est Darwin et tout ça..."
-"Ah non, ce n'est pas Darwin, c'est l'histoire d'un tableau qui porte ce nom.
J'hésite une seconde à le lui montrer.
-"Ah, vous aimez l'histoire artistique ! De toute façon l'histoire, c'est un truc de mecs..." affirme-t-elle en quittant la rame.
Dommage pour la chanson : pas la peine de clamer qu'on aime les gens qui doutent pour asséner des certitudes aussi bêtes.
Dommage pour la chanson : pas la peine de clamer qu'on aime les gens qui doutent pour asséner des certitudes aussi bêtes.
Moins d'une demi-heure plus tard, une scène similaire se produit. Je suis cette fois dans un hôpital (on a les distractions qu'on peut), assis sur un vilain fauteuil de skai bleu ciel attendant que le tensiomètre à mon bras fasse son oeuvre, et je n'ai pas lâché le bouquin de Schopp. Pas non plus quand il faut attendre debout pour le même objectif.
-"Ah, l'origine du monde, dit une infirmière sur le ton de l'intérêt.
Comme le livre porte sur la couverture une illustration assez explicite (le tableau regardé par une femme dont la silhouette cache ce sexe que je ne saurais voir...), je ne sais si elle en a compris le thème.
-"C'est sur le tableau," dis-je.
Cette fois je lis clairement l'incompréhension dans ses yeux.
-"L'Origine du monde, le tableau.... Vous êtes prête à le voir ?
Et sans attendre sa réponse, tel un exhibitionniste ouvrant son imperméable, je tends l'ouvrage devant moi, le fendant en deux pour que le cahier central, en papier glacé, affiche la reproduction de la toile de Courbet.
Elle lâche une interjection entre le oh! et le ah!, soufflée, la tête et le haut du buste se rejetant en arrière. Sa collègue, derrière, s'immobilise.
-"On vient d'identifier le modèle tout récemment", j'ajoute, pour dissiper leur trouble et espérer être identifié plutôt du côté de l'historien que de celui de l'obsédé sexuel.
-"Ah oui, me répond la première, on a a parlé aux informations il n'y a pas longtemps."
Ouf, tout s'apaise, ce sexe de femme est estampillé historique...
Le livre de Claude Schopp est édité chez Phébus.
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