"Tiguemounine, le 18 mars.
Cette série "immensité" présente, de façon tout à fait arbitraire, des extraits de livres lus récemment dans lesquels le mot immensité apparaît.
Bonsoir Danielle, ma Minouche!
Quitte vite ce regard sévère et dépouille-toi de ta carcasse, je suis près de toi et je te veux dans mes bras. Qu'il est doux de pouvoir te dire ces choses au creux de l'oreille, même par une lettre. Qu'il est chaud, ton corps à serrer. Ah! je suis fou et j'arrête, me retiens, tu sais seulement que je garde ta main dans la mienne pour te parler.
Dans ce poste, étroit et vieux, on vit de guerre, encore, entassés entre les armes, les livres de détente (Socrate !) et les popotes, la radio militaire. Le temps fuit. Tu es immense et j'ai le bonheur de te connaître. Et ton immensité chaque jour se révèle. J'ouvre tout grand mes yeux, j'ai un peu honte d'être garçon. Et puis tu continues à parler et je sais que je fais partie de toi, et tu sais aussi... Oui, j'ai souri un peu, lorsque tu me parles de toi, et plus particulièrement de tes gênes. Mais surtout j'ai fermé les yeux et ensuite il me faut serrer les dents pour ne pas me laisser aller. Car tu me manques, toute entière, tu le sais. C'est simple aussi, ça.
Les cerisiers, les amandiers et les buissons d'épines sont en fleurs, jolies fleurs blanches toutes simples, j'ai pensé à toi; Bon ! Je voulais te raconter un tas de choses et voilà le convoi qui monte, la piste qui fume sous les roues des camions. Il me faut vite finir, sans quoi.... quatre jours d'attente encore. "
Extrait de La Blessure, de Jean-Baptiste Naudet, éditions l'Iconoclaste.
Le roman est ponctué des lettres, authentiques, de Danielle et de Robert, elle en France, lui jeune appelé en Algérie en 1960. On y parle, entre autres choses, de guerre, d'absurde, d'amour et de transmission transgénérationnelle...
Cette série "immensité" présente, de façon tout à fait arbitraire, des extraits de livres lus récemment dans lesquels le mot immensité apparaît.