dimanche 17 novembre 2019

le monsieur des fleurs

En face de mon balcon, de l'autre côté de la rue, dans l'immeuble qui fait face au mien (mais assez proche puisque la rue est petite), il y a un appartement qui possède lui aussi un balcon.
Récemment les locataires ont changé. J'ai constaté, sans les observer vraiment, les allées-et-venues des déménageurs, puis celles des nouveaux habitants, un couple (hétérosexuel) de quadragénaires, pour autant que je puisse en juger.

Un jour, cet été, l'homme du couple est sur son balcon en même temps que je suis sur le mien, et il me lance : "Il est joli votre jardin." Je ne sais pas trop quoi répondre, sinon un "Merci " sonore, car l'organisation de mes plantes me paraît plutôt anarchique, et mon côté de la rue étant plongé dans l'ombre (alors que ce voisin bénéficie d'un plein sud ensoleillé que je jalouse) j'ai plutôt l'impression que la végétation languie chez moi alors qu'elle sera bientôt luxuriante chez lui.
Il est, au moment où il me parle, en train de manipuler quelques maigres tiges censées bientôt grimper sur un fil de fer tiré devant ses fenêtres. "Je commence juste", commente-t-il.

Les semaines passent. Il y a quinze jours je prends conscience que jamais mon balcon n'a été aussi fleuri. L'althéa a déjà perdu fleurs et feuilles, mais le jasmin est encore en forme, ainsi que le sont les géraniums. Poussent ça et là quelques cosmos, des marguerites de toutes sortes, un fuchsia, deux anisodontéas (plante que j'avais découverte grâce à d'autres voisins, dans un autre immeuble)... Les roses des neiges ont déjà éclos et nombre de chrysanthèmes, laissés à l'état sauvage et jamais taillés, ont lancé de longues tiges ployantes à peine capables de supporter le poids de leurs fleurs. Si la liste peut faire impression, l'allure générale est plutôt désolante, à mon sens.

Dans la rue, une fin d'après midi alors que je gare mon vélo, j'entends un petit garçon qui annonce d'un ton sérieux à un adulte à ses côtés : "Je me demande quel cadeau je vais ouvrir en premier..." Amusé, je me tourne vers lui, quand l'homme passant devant moi dit au gamin : "Dis bonjour, c'est le monsieur des fleurs." Je me fige bouche bée.
"Vous avez un joli balcon", ajoute-t-il. Un court instant je l'associe au voisin d'en face, avant de me rendre compte que ce n'est pas lui, mais un locataire d'un étage inférieur. "Il est très beau parce qu'il n'est pas frimeur, il est naturel, explique-t-il encore. Il y en a d'autres qui sont jolis, mais (et il les pointe du doigt et fait une mine de désapprobation en secouant la tête), ils sont frimeurs. Vous comprenez ?" Je rigole et je confirme : "Oui oui, je comprends. Le mien, pour être naturel, il est vraiment naturel !"
Quel plaisir d'être ainsi associé à des fleurs !

jeudi 7 novembre 2019

une page de pub pour Bagarre

J'ai découvert Bagarre il y a peu, je ne sais plus comment. Un vrai coup de coeur.

Depuis, j'ai envie d'aller piétiner, chanter crier et gesticuler avec eux à l'Olympia le 29, mais je me dis que ce n'est pas de mon âge. La preuve, de mon grand âge, j'ai même acheté leurs CDs. Vous imaginez, des cédéroms !


Et si je ne porte pas de tee-shirt noir à leur effigie, c'est uniquement parce que l'article est en rupture de stock sur le site marchand qui le commercialise. Voilà, vous savez tout, ou presque. Pour ceux qui ne connaissent pas Bagarre, quelques vidéos ci-dessous.





Mais, pour l'Olympia le 29, acheter une place de vieux (assise numérotée) ou une place de jeune (debout dans la fosse)... ?


mercredi 6 novembre 2019

dernière journée avec V.

Quand mon cousin vient me chercher en voiture à La Souterraine, je partage avec lui ma découverte de la Lanterne des morts. Lui non plus n'en a jamais entendu parler, bien que cette tradition semble plutôt de la région, comme je l'apprendrai plus tard.

Je passe sous silence l'art topiaire remarqué dans le cimetière, mais lui livre cette autre observation : la présence, sur les tombes, pour indiquer les informations relatives au défunt, de disques de céramique blanche, qui produisent un effet graphique singulier. Il a déjà noté la même particularité dans sa ville, à quelques dizaines de kilomètres, et il l'associe, avec justesse je pense, à la production locale de porcelaine (Limoges n'est pas loin, on renoue avec Ceux qui m'aiment prendront le train...)



Et il me révèle une autre coutume d'ici : déposer sur la tombe le bol de petit-déjeuner du mort. Je n'ai jamais vu cela non plus, et en rentrant je chercherai également des infos à ce sujet. On trouve en effet des bols ou des coupelles, notamment dans le Nord de la Creuse.

Après un déjeuner qui réunit encore d'autres cousins et cousines, on rejoint le village de Vallières. J'imaginais que nous arriverions trop tard pour la fermeture du cercueil, mais il est encore temps de jeter un dernier regard sur V.

Elle est vêtue de bleu vert, les mains jointes, la peau jaunie, la tête un peu rentrée dans le cou et son nez paraît plus pointu que d'habitude. Malgré son volume important, elle me fait penser à une souris de Beatrix Potter, Madame Trotte-menu. Je pense que l'image l'amuserait. J'hésite à l'embrasser, mais finalement je ne le fais pas, la présence de l'employé des pompes funèbres me dérange.

Il y a ensuite une cérémonie dans la petite église du village, qui peine à contenir famille et amis de longue date. Le fils de V. a composé pour l'occasion une chanson, qu'il interprète en s'accompagnant à la guitare, ce qui anime joyeusement les fades bondieuseries de rigueur.

C'est quand nous sortons de cette messe que la pluie s'abat. Elle ne va plus cesser, jusqu'à transformer le trajet au cimetière et la descente du cercueil dans la tombe en scènes de cinéma. Car le vent s'y met, retournant les parapluies, jetant la pluie de biais sous ceux qui restaient dépliés. Tout le monde n'est pas équipé, on se regroupe, pressés en grappe sous un même pébroc, même les plus abrités sont trempés. On ne s'entend plus. C'est amusant car chacun y voit comme un ultime pied de nez, un clin d'oeil à V. qui aimait tellement les averses et aimait tant marcher sous la pluie.

lundi 4 novembre 2019

au royaume d'Hadès...

Vendredi soir, je me suis retrouvé dans une improbable chambre d'hôtel louée à la va-vite près de la gare de La Souterraine, nom adéquat au week-end à venir. J'avais en effet besoin de me rapprocher de Vallières, en Creuse (décidément !), où se déroulait le samedi l'enterrement de ma cousine V., dont j'ai déjà parlé ici.
Malheureusement aucun train n'existait le jour même pour y aller, ni même pour en revenir (j'avais cherché pendant des heures sur Internet toutes les combinaisons de trajets possibles, imaginant relier n'importe quelle ville depuis laquelle quelqu'un de ma famille aurait pu m'emmener en voiture, mais rien n'y faisait, aucune solution possible. Immanquablement, j'ai pensé au film Ceux qui m'aiment prendront le train...)




Le vendredi soir, je ne vois rien de La Souterraine, arrivant fort tard et me dépêchant de rejoindre, dans le noir et sous la pluie, cet hôtel dont j'avais peur de trouver la réception close. Je devais repartir le samedi matin avec un bus, qui m'aurait amené à 15 kilomètres seulement du but recherché. Mais finalement après avoir acheté par sécurité tous ces billets de bus et de train, j'ai contacté un cousin qui m'a proposé de venir me chercher en voiture le lendemain.

Dans cette minichambre au charme désuet, il y a un écran accroché au mur, presque au plafond. Comme je n'ai pas la télévision chez moi, j'ai toujours la curiosité de zapper d'une chaîne à l'autre, pour voir à quoi ça ressemble la programmation télévisuelle. Je reste un moment devant une émission consacrée à Barbara, qui suscite beaucoup d'émotions chez moi, car c'est avec cette même cousine maintenant morte que j'avais, enfant, découvert la chanteuse.



Le samedi matin la météo semblait clémente. J'ai même pensé : on évitera peut-être la pluie pour l'enterrement. La suite devait me contredire comiquement. J'avais prévu de prendre le petit déjeuner à l'hôtel, craignant de trouver la ville sinistrée comme j'avais retrouvé Vallières cet été. Réveillé de bonne heure, j'ai jeté un coup d'oeil sur Internet (mots clés "la Souterraine" "Tourisme") et je suis tombé sur cette indication dans la rubrique lieux et monuments remarquables : la "lanterne des morts". Je n'avais jamais entendu parler de l'existence de tels monuments. Pour un samedi mortuaire, cela me paraît la visite idéale.


En sortant de l'établissement hôtelier, je découvre, contre mes attentes, une ville très peuplée et très animée. Je jette un coup d'oeil sur la place, autour de l'église imposante dont le clocher est en réfection, et sur la Porte Saint-Jean. Suivant les indications données par une appli, la Lanterne des morts se trouverait tout bêtement au cimetière. J'y suis en quelques minutes. Je ne suis pas déçu de la visite. L'allée principale du cimetière est bordée d'arbres massifs taillés d'une façon qui rappelle le brutalisme. Les volumes sont comme tranchés de façon aléatoire et produisent des silhouettes monumentales, archaïques. C'est curieusement beau, impressionnant. Au milieu se dresse effectivement cette tourelle, la fameuse Lanterne des morts.
J'ai triché la couleur des photos ci-dessous, car le temps rendait les images tristes... à mourir.