Le Partage de la tunique du Christ, copie par le Greco du grand tableau en petit format. |
Pendant mon enfance, j'associais automatiquement Greco et mon père : c'était l'un de ses peintres favoris, le deuxième étant Georges Rouault, ce qui donne une certaine image du bonhomme...
C'est maintenant en écrivant ces lignes que je comprends mieux ce qui s'est passé.
Enfant, le Greco m'apparaissait sombre et inquiétant. Mes parents, peintres du dimanche, prenaient plaisir à reproduire des oeuvres connues, qui "décoraient" ensuite l'appartement familial : ma mère choisissait un Van Gogh, un Cézanne ou un fauve pleins de couleurs, quand mon père charbonnait un saint martyr ou un christ à la Rouault ; de ses multiples créations était exposé un ersatz du saint Jacques de Greco, une toile très noire d'où surgissait le visage blafard et la main déployée de l'apôtre sur un fond de plis maladroits bruns et jaunâtres. Pour couronner le tout, le tableau était accroché dans l'endroit le moins éclairé du logis, un couloir aux murs tendus, me semble-t-il, de papier peint vert olive.
Je crois que cette représentation du Greco - sombre et inquiétant - ne m'a jamais quitté, même après plusieurs visites au Prado, à Madrid, et malgré aussi les réinterprétations baconniennes.
J'ai eu une toute autre expérience de sa peinture à l'exposition du Grand Palais (en ce moment jusqu'au 10 février 2020). Est-ce la simple luminosité des toiles et des couleurs, ou la franche modernité des visages ? Dans les Christ je ne percevais rien d'inquiétant, mais au contraire l'air de jeunes hommes d'aujourd'hui aux allures messianiques (avec une pensée plus particulière pour un ami d'amie, dénommé Marius), et rien d'austère non plus dans tous ces portraits masculins.
Ou alors est-ce simplement que l'étrangeté a cessé de me paraître inquiétante ?...
Je me suis tout de même interrogé, savoir si, cet homme mort à la fin 2000, je l'oubliais tout à fait. C'est pourtant difficile de vraiment faire l'impasse sur lui car, comme dans le roman de Eric Chevillard, il me colle à la peau à mesure que la vieillesse me rattrape. Dans Sans l'ourang-outan (éditions de Minuit, 2007), il y a ces pages qui m'ont beaucoup marqué, celles où le héros raconte comment, avec le temps qui passe et selon ses mimiques et ses humeurs, il se met à ressembler à son père ou à sa mère. Il a cette jolie phrase : "je vieillis selon leur pente."
Et aussi : "Je m'écartèle. Père et mère se partagent ma chair moins consistance que de la mie. Chacun reprend sa mise et repart de son côté. Pendant quelques années, leurs caractéristiques se sont fondues dans la synthèse : Albert Moindre, c'était moi. Mais la synthèse se défait. Tantôt je suis l'un, Charles Moindre, et tantôt l'autre, Eléonore Moindre, née Caquet."
Mon père, fort jeune. (J'avais dans un premier temps écrit "Mon frère", car la ressemblance est en revanche flagrante, ce que note l'avisé lecteur Sda !) |
Lapsus scriptae sur la photo ! Faut dire qu'il y a de quoi se méprendre ! SdA
RépondreSupprimerJ'avais cru que ma réponse avait été enregistrée, je m'aperçois qu'il n'en est rien, Blogger est par fois capricieux. Je n'ai pas été surpris de ce lapsus, tant je pensais à mon frère en fixant le regard de ce visage photographié. J'y trouvais aussi quelque chose de très féminin que mon père ne montrait plus ensuite, mais qui le fait ici ressembler à sa soeur biologique.
Supprimerj'avais vu! et je m'étais dit "le frère a t il tant pris du père qu'il en devient mé-connaissable et que le frère prendrait à e point toute la place? Bon, ce sont des élucubrations de psy j'en conviens. Relisant à l'instant le post, je visualise les libellés, rien....chut!
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