J’ai donc jeté et donné quantité de choses, mais surtout retrouvé d’anciennes archives ou d’anciens documents dont j’ignorais même l’existence. Alors qu’hier j’ai rempli un demi sac poubelle de vieilles pellicules noir et blanc (et leurs planches contact), aujourd’hui je retrouve dans une boîte de vieux agendas. Sur une page de l’un d’eux, année 1999, une coupure de presse est collée, rubrique nécrologique : c’est l’annonce de la mort et de la crémation de Daniel Charles, rencontré et côtoyé à l’association Aides (il fut secrétaire général du comité Île-de-France). Je me souviens de la cérémonie mais je n’en connaissais plus la date, en plein été, le 10 août, et je redécouvre avec stupeur l’âge du défunt, 38 ans. Je n’aurais pas dit qu’il était si jeune.
Dans ce même agenda, c’est un morceau de photocopie découpé en forme de patate qui est scotché, avec ce texte : « Le grand amour qui l’avait ébloui deux ans plus tôt lui fit oublier la peinture. Mais quand il referma la parenthèse du mariage et constata avec un mélancolique dépit qu’il se trouvait au-delà de l’amour, son renoncement à l’art lui apparut soudain comme une capitulation injustifiable. » J’imagine qu’à l’époque la première phrase me sembla clairement s’adresser à moi. Bien qu’aujourd’hui je serai bien en peine de définir ce que c’est que se trouver « au-delà de l’amour »…
Pliées également entre ces pages, trois autres photocopies identiques qui sont des reproductions de l’acte de décès de mon père, le 6 octobre 2000. Je ne sais pourquoi j’ai mémorisé cette date alors que je suis chaque fois obligé de recalculer l’âge qu’il avait alors : 72 ans. Peut-être que de l’inscrire ici me le fera souvenir.
Il y a, dans cette activité de tri et d’allégement, quelque chose de libérateur et aussi quelque chose de funèbre, comme lorsque l’on doit se débarrasser des affaires d’un mort, dimension soulignée par les traces de ces deux défunts.
Les thèmes du souvenir, du renoncement et du regret, entre autres, s’entremêlent dans mon esprit comme dans le beau film Drive My Car, que je suis allé voir samedi soir sur les conseils d’une amie cinéaste. J’essaye souvent de dissimuler mon caractère nostalgique, comme une défense à une puissance mortifère qu’il pourrait contenir. Aussi je m’amuse quand, cherchant sur Internet de quel texte est issu l’extrait retrouvé scotché en 1999, Google m’indique…: L’Immortalité, de Milan Kundera.
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