lundi 12 mai 2014

amour fou

Quelques jours avant de partir au soleil, j'avais visionné Adèle H, le fameux film de Truffaut de 1975 avec Isabelle Adjani dans le rôle titre. (Voici pourquoi l'évocation de Victor Hugo à propos du rayon frais du supermarché Eroski avait pour moi l'allure d'une secrète private joke ; les missives d'Adèle à son père en exil à Guernesey ponctuent dans le film le délire érotomane de la jeune femme.)

L'incroyable cinégénie d'Adjani me faisait révasser à propos de la beauté. Il est déjà si difficile de céder sa jeunesse en vieillissant, je me demande comment on fait le deuil de sa beauté en plus de tout cela.  
C'est aussi la date de sortie du film, plus ancienne que je ne le pensais, qui m'incitait à me rappeler mon âge de l'époque, les gens que je connaissais qui l'avaient vu alors au cinéma, ce qui s'en disait, etc.
En cherchant des informations supplémentaires sur le film, la première chose qui m'est parvenue est une photo récente de Bruce Robinson. Un petit choc, en écho à mes interrogations sur le temps qui pétrit les êtres.

Bruce Robinson : à droite, en 1975, dans Adèle H.

De retour à Paris, je passe bien sûr voir ma mère. Par une drôle de coïncidence, elle en vient dans la soirée à me montrer des photos de moi qu'elle aime bien, installées, çà et là, avec d'autres images de mon frère, ma sœur, mes neveux et nièce etc. 
Sur les clichés d'enfance elle ne nous reconnaît plus maintenant, même les signes très distinctifs comme les cheveux frisés de mon frère ne l'aident pas à nous distinguer. Ce sont donc plutôt des photos d'adolescence, de jeunesse, et la plus récente datant d'une quinzaine d'années qu'elle me tend, commentant ce qui lui plaît. Je me vois cruellement à mon tour dans un diaporama vieillissant, et je me redécouvre par endroit. Par exemple, j'avais oublié mes lèvres charnues : elles ont fondues. You're so handsome, Albert.
Par-dessus cela, la folie de ma mère relativise tout, comme un pied-de-nez. Sur une image où je me tiens à côté d'elle, la dépassant en taille, elle dit, amusée : 
-"Et là, ouh, c'est dingue!, il est grand : deux ou trois mètres!"

Curieusement il y a très peu de temps que j'ai pris conscience que mes deux parents auront tous deux terminé leur vie fous, livrés à des maladies différentes. La folie de mon père aura été de courte durée, moins d'un an, associée à des dysfonctionnements physiques un peu pénibles. L'image qui me reste de lui n'est pourtant pas celle d'un homme déficient mais celle d'un père soucieux d'amour. Drôles de diaporamas tout de même.

3 commentaires:

  1. Ca faisait longtemps que je n'étais pas venue.
    J'avais grand tord ! Je me ré-abonne !
    Le plaisir, c'est que j'ai des posts en retard !
    Claude

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  2. Hello Claude ! ça me fait plaisir que tu passes et que tu prennes le temps de ce commentaire.
    A plus... :)

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  3. Image quand tu nous tiens... SdA

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