A la faveur d'un article publié sur Facebook, je revois pour la énième fois la bande annonce du documentaire de Depardon, 12 jours. Chaque fois le plan de l'homme qui profère "Je suis fou, j'ai la folie de l'être humain" m'émeut aux larmes.
Je ne peux évidemment m'empêcher de penser à ma mère, internée sans son consentement, bien que son emprisonnement offre la douceur apparente d'un séjour en résidence hôtelière, et que sa folie, pour l'instant, conserve de même quelque chose d'apparemment socialement acceptable.
L'autre jour la ramenant dans sa chambre après l'expédition de l'IRM, je lui demande si elle souhaite rester là ou bien redescendre au rez-de-chaussée où se tenaient, à cette heure, nombre de pensionnaires. Elle bafouille un peu, me fait comprendre qu'elle va demeurer où elle est et ajoute : "Tu sais, ce n'est pas drôle, mais moi je suis obligée de rester là, c'est comme ça."
L'autre jour la ramenant dans sa chambre après l'expédition de l'IRM, je lui demande si elle souhaite rester là ou bien redescendre au rez-de-chaussée où se tenaient, à cette heure, nombre de pensionnaires. Elle bafouille un peu, me fait comprendre qu'elle va demeurer où elle est et ajoute : "Tu sais, ce n'est pas drôle, mais moi je suis obligée de rester là, c'est comme ça."
C'est la première fois qu'elle formulait quelque chose de cet ordre, d'autant plus étonnamment que maintenant, elle ne dit plus rien de sensé. Ses soudaines expressions logiques sont très rares, et il est très difficile d'évaluer si elles procèdent du hasard ou résultent d'une conscience réellement en éveil. Mais dans le mistral des absurdités que ma mère raconte, ces sentences claquent toujours comme des étendards de lucidité.
Quelques jours plus tard, à la faveur d'une de ses remarques portant sur le temps, je lui demande :
"Dis-moi maman, qu'est-ce que tu penses du temps qui passe ?"
"C'est long, dit-elle en balançant la tête pour appuyer son propos, c'est très long."
Là encore j'étais surpris de la cohérence de ses mots. Intrigué, des jours plus tard, je la requestionne sur ce même sujet :
"La dernière fois quand je t'ai demandé qu'est-ce que tu penses du temps qui passe, tu m'a répondu, c'est long."
"Moi ?!"
"Oui, toi, tu m'as dit, c'est long."
"Pas du tout !"
"Ah bon... Alors qu'est-ce que tu penses du temps qui passe finalement ?"
Elle hésite quelques secondes puis assène :
"C'est triste."
J'irais bien voir le docu avec toi; ça te dis?
RépondreSupprimerJe suis revenue lire ce texte plus d'une fois. Il me ravit à chaque fois. Me serre un peu le coeur aussi.Frot.
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