lundi 11 juin 2012

atout cœur


Un roi de coeur vu sur le macadam en me rendant à la gare vendredi soir. Il n'y a pas que dans les films d'Éric Rohmer que l'on trouve des cartes à jouer sur son chemin.

Dimanche matin je suis allé voter. Quelques semaines plus tôt, j'attendais avec joie dans la file qui s'allongeait le long de la cour de l'école, devant une frise peinte qui décore tout le mur et que j'aime chaque fois détailler. Une demie heure a papoter devant cette peinture sympathique. C'était alors pour le deuxième tour de la présidentielle, je pensais à la fois à l'Égypte et surtout à la Syrie, Damas ayant été pour moi pendant des années synonyme de raffinement et de douceur de vivre, tout cela nourri par des récits enchanteurs d'amis lointains. Et tout cela passé à la moulinette de l'actualité. Alors l'abstention qui me donnait l'aisance de voter ce week end sans faire la queue me parut assez amère. Jusque 43 % lit-on ça et là.

Je viens de terminer, avec peine, la lecture d'un mauvais livre dont je n'ai pas envie de dire du mal, pour ne pas froisser son auteur. Je n'ai pas envie d'en dire du mal, car sa maladresse énervante me touche, car l'auteur est typiquement le type de la mauvaise cliente pour la psychanalyse. Ou plus exactement, il faut retourner la situation : l'auteur est typiquement le genre de cliente pour qui la psychanalyse n'est pas adaptée, et qui a produit chez elle plus de mal que de bien.
J'aimerais lui dire, "Viens, Michela, tu t'es trompée, ce n'est pas en jacassant pendant des heures pour trouver le pourquoi tu as été anorexique que cela va changer ta vie". "Viens, Michela, arrête de me parler de ton vilain père qui serait la cause de tout (et de toi), arrête de l'utiliser comme colonne vertébrale de ta vie et de ta non vie, parlons d'autre chose, c'est quand tu parleras d'autre chose que la lumière se fera." 
J'aimerais lui dire, "Viens Michela, offres-toi un Joker..."

Un mauvais usage de l'analyse, avec des psys poussiéreux qui assènent "vous êtes ceci ou cela", ne fait qu'enkyster des représentations hasardeuses. Posées comme des vérités gagnées de haute lutte, elles deviennent indéboulonnables. On a même droit dans ce cas précis au faux vrai souvenir d'abus sexuel apparu en pleine séance de fumette (p. 148). C'est triste. Et vraiment pesant.

- "Mais pourquoi tu le lis si c'est à ce point pénible", me demande A. qui me voit soupirer plus d'une fois au cours de ma lecture.
- "Parce que ce pourquoi ce n'est pas bien est justement ce qui est intéressant." Et accessoirement car il est question, au détour de ces impossibilités à être, des impossibilités à aimer.

2 commentaires:

  1. Moi, je crois que Michela est une pipeauteuse. Elle ferait mieux de s'appliquer dans sa lecture d'Hannah Arendt. Encore des raisons de se pincer !

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  2. J'avoue de mon côté que je n'avais jamais lu Michela. Sur le thème de l'anorexie, j'attendais son regard de philosophe, et son cv m'apparut comme un gage de confiance : elle avait travaillé sur le corps, la prostitution, la violence...
    Ce pourquoi je ne peux pas donner un avis sur son ouvrage, c'est que c'est un livre-symptôme. Ce n'est pas un livre de philosophe, à peine un livre tout court. C'est une sorte de longue séance à la parole fragmentée, trouée (parfois neuf points de suspension en dix lignes, p.190), qui expose un mal-être dont on n'avait pas demandé à être le témoin. L'impression, donc, d'être avec une patiente plutôt qu'avec un auteur, et dans ce cas, il est malaisé de commenter, tout juste peut-on accueillir, si on en a le goût, bien sûr !

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