samedi 2 juin 2012

les pas

Il y a un temps où l'on a commencé à dire que la société était bombardée d'images : naissance de la télévision, affichage publicitaire dans les rues (la réclame, puis la pub), multiplication des écrans et des magazines...
Moi je suis sensible aujourd'hui aux fragments de vie qui nous parviennent des conversations téléphoniques tenues en mode mains libres dans les endroits publiques. Parfois énervants, parfois cocasses, quelquefois troublants etc.


Avant-hier je croise dans la rue un jeune homme radieux sur un passage piéton qui révèle d'une voix enjouée :" j'ai fait une tellement belle rencontre aujourd'hui..." Pendant quelques secondes j'hésite à le suivre pour en connaître la substance, le détail. Je continue mon chemin avec ces mots-là en tête, une tellement belle rencontre, qui me donne du soleil et de la légèreté. De mon côté j'ai au fond de mon être un soupçon d'inquiétude lié à des résultats d'analyses sanguines réalisées avant de partir en vacances et reçues ces jours-ci, et où j'ai le sentiment, sans trop rien y comprendre, que certains marqueurs sont de sombre pronostic. Sans être le moins du monde hypocondriaque ou pessimiste, je suis toujours dans la perspective d'organiser au mieux mon départ de ce monde, et mon activité de déstockage pré et post déménagement, qui se poursuit via les sites de vente sur Internet, n'est pas sans rapport avec ce souci. (J'aurai sans doute plein de choses à restituer sur mes expériences de vente sur le Net, c'est assez instructif).
Hier matin je prends le métro, direction le Doc qui va m'interprêter vraiment ces analyses. J'ai en tête que je devrais peut-être me séparer d'une paire de chaussures que je garde religieusement dans une boîte depuis les années 80, qui sont tout à fait importables, adjectif impossible à concilier avec ces sus-dites années 80 où j'ai évidemment arboré ces chaussures avec fierté et d'autres choses "pires". Il faut dire que je les considère comme de véritables sculptures, ce sont de petits bijoux signés Tokio Kumagaï.
Mes chaussures Tokio Kumagaï.

J'avais donc cette image en tête quand je croise un couple de jeunes hommes, dont l'un portait une paires de chaussures Wings (Jeremy Scott pour Adidas, modèle american flag), et l'autre une paires de chaussures imprimées léopard que je n'ai pas identifiées (des Louboutin, ou encore des Adidas d'Obyo Kazuki ou encore un modèle femme de Scott ?). 
Chaussures Jeremy Scott pour Adidas.

Pas l'opportunité de les photographier, mais la superposition d'images (mon image mentale et celle produite par la réalité sur mes rétines) m'a intrigué. Comment, donc, ne pas constater que l'extérieur construit notre intérieur, les deux mondes n'étant pas clos mais constamment reliés de sens (5 sens et signification, je surligne), et que le passé et le présent sont sans cesse contemporains ?
Quelques instants plus tard je comprenais grâce au Doc ad hoc que les analyses n'avaient rien d'inquiétant.
Le soir je croise dans un pot une journaliste spécialisée beauté que j'aime beaucoup et avec qui s'engage une conversation tout à fait hors du propos qui nous réunissait. De l'impossibilité du bonheur. Fichtre. La pâle M. se décrit habitée par une noire M. qui lui refuse toute félicité. "Mais le soir elle réapparaît dans les miroirs de l'ascenseur" plaisante la charmante M. quand je lui demande quelles stratégies elle applique pour chasser l'obscure M. L'image du miroir m'évoque le dernier bouquin de Pennac, qu'elle a lu aussi. Verdict : "Hummm... Je trouve qu'il ne joue pas le jeu. Il y a trop de coquetterie. A soixante ans il se tape une jeunette, ça m'énerve tout ça." Je trouve que c'est bien résumé.
Le soir encore plus tard je me replonge dans Pilar, d'Isabelle Jan, un livre maigrichon que l'on m'a offert il y a peu. Je regrette que cette auteur vienne de disparaître, et de l'avoir croisée dans le passé sans connaître ses écrits, car j'ai le sentiment, à la lire, de faire une belle rencontre.

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