Dimanche soir, dans l'appartement qui se situait dans la partie gauche d'une tache de Rorschach (voir le billet d'hier), j'assieds un moment sur mes genoux le petit garçon à la tête ronde. Il n'a toujours pas un an.
Avec application, il passe la paume de sa main ouverte sur ma joue, mon maxillaire et mon menton qui sont rugueux — je ne me suis pas rasé le matin. Sa main reste en l'air, ouverte encore à la suite de son mouvement, le visage est interrogatif, la bouche ouverte. L'expression d'étonnement le gagne sur celle de l'amusement.
Il recommence, à nouveau, plusieurs fois, comme pour mémoriser cette impression cutanée qu'il ne connaît pas. Il le fait sans fixer mon visage, pour garder cette sensation dans sa main. Le dur doux.
Ce lundi, j'ai rendez-vous tard le soir avec une amie qui veut me parler de je ne sais quoi. Je me déplace pour la rencontrer, à sa demande, et comme d'habitude elle est en retard. Elle ne s'excuse pas parce que c'est toujours de la faute de quelqu'un d'autre si elle est en retard, elle le dit avec une douceur qui m'apparaît, à cette occasion, proprement sadique.
Elle reste un long moment silencieuse sans savoir comment amorcer la conversation qu'elle souhaite tenir. Je ne peux guère l'aider car je n'en connais pas la teneur : j'imagine simplement qu'elle veut me faire payer un service qu'elle prétendait me rendre gratuitement, ce que de mon côté j'avais déjà anticipé depuis des mois.
La conversation pourtant s'envenime rapidement. J'en suis le premier surpris car je suis pas familier de ce mode de communication. Je m'aperçois que c'est impossible, pour moi, de discuter réellement avec elle : d'un côté elle distord la réalité, de l'autre elle refuse de regarder ce qui pourrait être de l'ordre de l'imaginaire, des projections. Il ne reste pas grand chose, donc, pour se rencontrer.
Je suis face à un mur de briques qui se décrit comme une douce brume. Le doux dur.
Je vais demain lui envoyer un chèque d'une somme que, malgré mes efforts, elle s'était arrangée pour que je ne lui paye pas, et que maintenant que je le lui fais remarquer, elle revendique d'un air outragé. C'était couru d'avance ; malgré la prévision, cela me semble pesant.
Je repense à la petite main du garçon à la tête ronde, et le o de sa bouche sans un mot, son application à apprendre et sa capacité à l'émerveillement. Cette immense gravité dans tant de légèreté.
Habituée de ce blog, j'ai souvent un bonheur enfantin à ouvrir les tiroirs qui se nichent en deça ou au dessus du texte parfois de côté. Ils m'emènent dans des promenades intérieures qui me nourissent et des échanges qui me surprennent. Au travers de ces "dits" non dits, se tissent pour moi une forme de complicité qui nous dévoile l'un à l'autre, les uns aux autres.Un des libellés de ce billet me mettent devant un mystère: maladie?
RépondreSupprimerJe pensais "névrose", mais comme le libellé "maladie" existait déjà...
SupprimerInconscient névrose répétition est une suite presque atone. L'enchaînement inconscient maladie répétition me semblait plus exclamatif, plus proche de la situation vécue et du spectacle désolant de la névrose destructrice de mon amie.