Hier soir je fais la cuisine en utilisant, consciemment, deux bols made in China que m'avait offerts Catherine D., cette amie que j'évoquais dans mon dernier billet, cette amie qui fut si vivante et qui est si terriblement morte depuis le 4 avril.
Je reste un moment interdit en fixant le fond des céramiques, comme si les motifs, avec leur naïveté, leur simplicité, et la répétition qui évoque l'infini, pouvaient me livrer un message, m'enseigner quelque sagesse, me parler de l'insignifiant et de l'éternité.
Ils racontent aussi quelque chose de nos partages en tête-à-tête, loin des fêtes mémorables que Catherine et R., son ancien ami, donnaient dans leur maison de Montreuil : ces moments de pudeur et de brusqueries où l'on se confiait l'un à l'autre par-dessus la table d'un café.
Ce matin je vais à la cérémonie au crématorium, et je reste assez étranger aux discours que prononcent les membres de sa famille, ne retrouvant Catherine que dans les photos qui défilent sur un écran au centre de la salle, pouvant difficilement détacher mon regard de la succession de ces moments figés, puis dans quelques mots par lesquels R. relate sa ou plutôt ses premières rencontres avec Catherine.
On sait bien que ce qui fait l'autre, c'est aussi la part de lui qu'on a intégré à l'intérieur de soi. Donc je repars avec ma part de Cathoune à l'intérieur de moi, cheminant puis déjeunant avec M., qui vit ce décès, elle aussi, dans sa singularité.
Des heures plus tard, c'est-à-dire ce soir, j'essaye de chasser les idées de justice et d'injustice qui me viennent en tête quand je retrouve ma mère dans sa maison de retraite, ma mère si vieille dont la raison est arrêtée mais dont la vie continue. Je grince un peu à l'entendre déclamer, comme habituellement, "je t'aime je t'aime je t'aime tellement", alors que j'en ai sûrement moins besoin que le jeune C., le fils de Cath, qui est maintenant sans sa maman. Quand je pense que certaines personnes ont inventé le concept de dessein intelligent...
N'ayant aucune honte à mes rituels païens et magiques, une fois rentré chez moi je farfouille dans mon iPhone et j'attribue au profil de Catherine une photo qui date de quelques jours avant son décès, où elle est belle et fière, bien que son numéro ne sonnera plus jamais.
Puis je relis un de nos derniers échanges de sms, et ses phrases qui m'ont donné l'impression de rentrer dans son corps, lorsque je les ai lues : "C'est superbe de t'avoir parlé.
Puis je relis un de nos derniers échanges de sms, et ses phrases qui m'ont donné l'impression de rentrer dans son corps, lorsque je les ai lues : "C'est superbe de t'avoir parlé.
Je le ressens."
Un vrai cadeau. Chacun intègre l'autre.
Une Catherine Daniel était ma psyte, rue du Retrait, et je sais qu'elle habitait Montreuil et avait un fils adolescent. Quand elle nous a lâchés sans donner de motifs, il y a quelques années, moi et je pense ses autres patients, j'ai pressenti que ce ne pouvait qu'être pour une grave raison. Je lui ai écrit pour cette nouvelle année, le mail me revient, je n'ai pas eu le cœur à repasser devant son cabinet où elle m'a procuré tant de mieux-être avec une perspicacité et un intérêt jamais pris en défaut. Je respectais et regrettais son silence...
RépondreSupprimerSerait-ce elle dont vous évoquez la disparition et la mémoire avec tant de justesse. Je le crains, en effet... Seriez-vous disposé à m'en dire davantage ? Je la considérais comme une femme exceptionnelle, et pas seulement pour la qualité de nos entretiens.
Bien à vous
Marc Giovaninetti, 06 21 87 66 00