Jeudi midi je suis arrivé assez tôt au journal, beaucoup plus tôt que d'ordinaire car j'avais eu rendez-vous juste avant pour un déjeuner assez matinal. Je ne sais plus comment cela est arrivé, mais une collègue de travail se met en tête de me raconter une scène entr'aperçue depuis chez elle, dont le spectacle l'a captivée et charmée en même temps.
Il s'agit d'un immeuble en face du sien, sûrement à une certaine distance, un foyer où un hôtel ou une résidence de meublés, en tout cas à différentes fenêtres elle reconnaît les mêmes éléments de mobilier aux mêmes endroits. Elle évoque Mondrian, il y a trois de ces fenêtres éclairées à des niveaux différents de l'édifice et trois silhouettes d'homme, chacun dans son habitat. Des zones sont de lumière dorée, d'autres verdâtres tels des aquariums. Plusieurs fois elle dit "ce sont des hommes" et ces simples mots décrivent une situation sociologique et donnent une coloration érotique. C'est loin pourtant, elle ne saurait pas dire si ces hommes sont habillés ou nus, ce n'est pas de voyeurisme qu'il s'agit mais de la confrontation visuelle des mouvements de ces trois ombres chinoises, ici et là, avec les mains elle place les appartements dans l'espace devant elle, comme la même scène qui aurait subi des translations dans l'espace (ou une situation écrite par Claude Simon ou Alain Robbe-Grillet). Au bout d'un moment d'observation, bien qu'elle ne cherche en rien à savoir ce qui se passe vraiment sous ses yeux, ma collègue décrypte l'étrange chorégraphie de l'un des trois hommes : il étend son linge, avec les gestes précautionneux dont sont capables les hommes célibataires. Comme elle a une façon bien à elle, pas du tout linéaire, de raconter, plus elle en parle et plus je me sens pris dans la torpeur intimiste qu'elle dit avoir éprouvée. Une forme d'apaisement, d'intimité partagée, et j'arrive très bien à visualiser la scène et à ressentir moi aussi cette fatigue douce et fade.
Plus tard, cette fois c'est vendredi avec CL au théâtre de la ville, je repense beaucoup à cet immeuble-chorégraphiant-ses-célibataires-eux-mêmes pendant un spectacle qui a peu à voir. Il y a d'abord une pièce intitulé White Feeling, par dix danseurs qui pourrait être dix marins en voguette s'ils n'étaient vêtus de noir ; puis Organic Beat, sur une musique de John Cage avec cette fois trente danseurs et danseuses optiquement nus. Les deux sont de Paulo Ribeiro. Oui il me manque, pendant cette débauche d'excellence corporelle (le ballet de Lorraine), extrêmement gymnique, des moments d'émotions fatiguées, des surfaces où le temps s'étire jusqu'à se fâner ; de la fragilité.
Il s'agit d'un immeuble en face du sien, sûrement à une certaine distance, un foyer où un hôtel ou une résidence de meublés, en tout cas à différentes fenêtres elle reconnaît les mêmes éléments de mobilier aux mêmes endroits. Elle évoque Mondrian, il y a trois de ces fenêtres éclairées à des niveaux différents de l'édifice et trois silhouettes d'homme, chacun dans son habitat. Des zones sont de lumière dorée, d'autres verdâtres tels des aquariums. Plusieurs fois elle dit "ce sont des hommes" et ces simples mots décrivent une situation sociologique et donnent une coloration érotique. C'est loin pourtant, elle ne saurait pas dire si ces hommes sont habillés ou nus, ce n'est pas de voyeurisme qu'il s'agit mais de la confrontation visuelle des mouvements de ces trois ombres chinoises, ici et là, avec les mains elle place les appartements dans l'espace devant elle, comme la même scène qui aurait subi des translations dans l'espace (ou une situation écrite par Claude Simon ou Alain Robbe-Grillet). Au bout d'un moment d'observation, bien qu'elle ne cherche en rien à savoir ce qui se passe vraiment sous ses yeux, ma collègue décrypte l'étrange chorégraphie de l'un des trois hommes : il étend son linge, avec les gestes précautionneux dont sont capables les hommes célibataires. Comme elle a une façon bien à elle, pas du tout linéaire, de raconter, plus elle en parle et plus je me sens pris dans la torpeur intimiste qu'elle dit avoir éprouvée. Une forme d'apaisement, d'intimité partagée, et j'arrive très bien à visualiser la scène et à ressentir moi aussi cette fatigue douce et fade.
Plus tard, cette fois c'est vendredi avec CL au théâtre de la ville, je repense beaucoup à cet immeuble-chorégraphiant-ses-célibataires-eux-mêmes pendant un spectacle qui a peu à voir. Il y a d'abord une pièce intitulé White Feeling, par dix danseurs qui pourrait être dix marins en voguette s'ils n'étaient vêtus de noir ; puis Organic Beat, sur une musique de John Cage avec cette fois trente danseurs et danseuses optiquement nus. Les deux sont de Paulo Ribeiro. Oui il me manque, pendant cette débauche d'excellence corporelle (le ballet de Lorraine), extrêmement gymnique, des moments d'émotions fatiguées, des surfaces où le temps s'étire jusqu'à se fâner ; de la fragilité.
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