Cela se déroule dans le quartier cité dans les billets précédents. Mais qui est l'auteur de ce texte ? Un indice : il n'écrit pas en français...
"J'étais déjà allé à Paris, et je reconnus aussitôt l'endroit où Ellis m'avait transporté. C'était le jardin des Tuileries, avec ses vieux marronniers d'Inde, ses grilles de fer, ses fossés de forteresse et ses zouaves en faction semblable à des bêtes fauves. Nous passâmes devant le palais, devant Saint-Roch, et nous nous arrêtâmes au boulevard des Italiens. Une foule de gens, jeunes et vieux, ouvriers en blouse, femmes en toilette, se pressaient sur les trottoirs. Des restaurants et des cafés dorés à outrance étincelaient de mille feux. Omnibus, fiacres, voitures de toutes espèce et de toute apparence se croisaient sur la chaussée. Tout cela brillait, grouillait à ne pas savoir où porter les yeux. [...]
Paris envoyait à notre rencontre tous ses bruits et toutes ses odeurs.
'Arrête ! dis-je à Ellis. Est-ce que tu ne trouves pas qu'on étouffe ici ?
- C'est toi-même qui a voulu venir à Paris.
- J'ai eu tort, je change d'idée. Emporte-moi loin d'ici, Ellis, je t'en, prie. [...] Emmène-moi, Ellis, loin de Mabille, de la Maison-Dorée, loin du Jockey-Club, loin des soldats au front rasé et de leurs belles casernes, loin des sergents de ville avec leur impériale au menton, loin des verres d'absinthe trouble, des joueurs de domino et des joueurs à la Bourse, des rubans rouges à la boutonnière de l'habit et à la boutonnière du paletot, loin de M. de Foy, inventeur de la spécialité des mariages, loin des consultations gratuites du docteur Charles Albert, loin des cours de littérature et des brochures gouvernementales, loin des comédies parisiennes, des opérettes parisiennes, des politesses parisiennes et de l'ignorance parisienne. Partons, partons! partons!...' "
Extrait de ?...
vendredi 29 juillet 2011
fragments
Non, vu le ciel gris d'aujourd'hui, je n'ai pas emporté avec moi mon appareil photo, et je n'offrirai donc pas ici de clichés de l'immeuble du 6, rue de Hanovre.
Que proposer alors ? Une rediffusion : soit celle de cette bague égyptienne que je porte dès que Nelly est chez moi pour ses quartiers d'été et que, dans la salle de bain, ma crème à raser et mon shampooing livrent mollement une guerre perdue d'avance à une soudaine invasion de pots, flacons et tubes de tous genres qui sont autant de promesse de peau hydratée, cuisses affermies, teint clarifié, cheveux nourris, pores nettoyés, paupières dégonflées, ridules estompées, épiderme repulpé etc.
Hier soir nous avons revu tous les deux avec plaisir (sur Internet) des interviews de Biyouna : une par Ruquier, l'autre par Fogiel. Puis un extrait vidéo des Yeux sans visage, le film de Franju. Ainsi que la bande annonce du dernier film de Alex de la Iglesia, qui a l'air léger comme un mammouth plombivore (je l'ai déjà dit, ce n'est pas moi qui suis éclectique, c'est le monde).
Quelques jours auparavant j'avais terminé la lecture d'un bouquin prêté qui m'a foncièrement déplu par son aigreur et je ne savais trop que faire de cette sale impression (il s'agit de Ticket d'entrée, de Joseph Macé-Scaron). En parler ? Des mauvais livres comme des mauvais films, il y a tant à dire, qui redonne de l'attrait à ces fades productions. Mais bon, voilà, j'ai renoncé à vous livrer mes grandes réflexions sur le conformisme de l'ouvrage.
Il est vrai que d'autre part j'avais à lire des portraits de jardiniers tout à fait intéressants, ainsi qu'une étude questionnant le caractère homo ou hétéro-diégétique des voix off dans les séries télé, ce qui me semblait plus palpitant que les vaines tentatives de l'auteur ci-dessus de se portraiturer en homo idéalus ethicus.
Ces quelques lignes pour expliquer ma peine à la rédaction de ce présent blog ces jours-ci. Et puisqu'il est question de présent, voici en cadeau une photo prise en sortant du cours d'anglais : de la bombe je vous dis...
Que proposer alors ? Une rediffusion : soit celle de cette bague égyptienne que je porte dès que Nelly est chez moi pour ses quartiers d'été et que, dans la salle de bain, ma crème à raser et mon shampooing livrent mollement une guerre perdue d'avance à une soudaine invasion de pots, flacons et tubes de tous genres qui sont autant de promesse de peau hydratée, cuisses affermies, teint clarifié, cheveux nourris, pores nettoyés, paupières dégonflées, ridules estompées, épiderme repulpé etc.
Hier soir nous avons revu tous les deux avec plaisir (sur Internet) des interviews de Biyouna : une par Ruquier, l'autre par Fogiel. Puis un extrait vidéo des Yeux sans visage, le film de Franju. Ainsi que la bande annonce du dernier film de Alex de la Iglesia, qui a l'air léger comme un mammouth plombivore (je l'ai déjà dit, ce n'est pas moi qui suis éclectique, c'est le monde).
Quelques jours auparavant j'avais terminé la lecture d'un bouquin prêté qui m'a foncièrement déplu par son aigreur et je ne savais trop que faire de cette sale impression (il s'agit de Ticket d'entrée, de Joseph Macé-Scaron). En parler ? Des mauvais livres comme des mauvais films, il y a tant à dire, qui redonne de l'attrait à ces fades productions. Mais bon, voilà, j'ai renoncé à vous livrer mes grandes réflexions sur le conformisme de l'ouvrage.
Il est vrai que d'autre part j'avais à lire des portraits de jardiniers tout à fait intéressants, ainsi qu'une étude questionnant le caractère homo ou hétéro-diégétique des voix off dans les séries télé, ce qui me semblait plus palpitant que les vaines tentatives de l'auteur ci-dessus de se portraiturer en homo idéalus ethicus.
Ces quelques lignes pour expliquer ma peine à la rédaction de ce présent blog ces jours-ci. Et puisqu'il est question de présent, voici en cadeau une photo prise en sortant du cours d'anglais : de la bombe je vous dis...
lundi 25 juillet 2011
curiosité(s)
Ai-je déjà raconté ici que je prenais des cours d'anglais ? Rien de très consistant, quelques heures octroyées par le service formation, qui me permettent de toucher du doigt (ou de la langue) que je suis encore plus mauvais à l'oral que je l'imaginais (et pourtant, pour ce genre de choses, j'ai de l'imagination).
Ces cours ont pour l'instant été l'occasion de découvertes architecturales qui n'ont rien à voir avec l'enseignement linguistique mais avec le quartier où ils se tiennent.
La première surprise a été la grosse bâtisse du crédit lyonnais (rendue tristement célèbre par son incendie à la fin des années quatre-vingt-dix) dont je connaissais la façade côté boulevard des Italiens. Du côté de la rue du Quatre-septembre, l'immeuble a été pompeusement renommé le Centorial et l'on peut pénétrer dans la grande galerie coiffée de sa verrière Eiffel, et maintenant traversée de passerelles aériennes. Il est interdit de faire des photos et j'ai piqué celle-ci (de mauvaise qualité) sur le site Wikipedia : elle donne une idée de l'ensemble.
Beaucoup plus discret est l'immeuble de céramique du 6, rue de Hanovre, dont je n'ai malheureusement pas de photo digne de ce nom : j'en ferai et en publierai plus tard, peut-être ce vendredi (jour de mes cours) si la lumière est bonne. La particularité de ce bâtiment est d'être couvert de céramique d'inspiration marine - coquillages, pieuvres etc. - alors que la structure de l'ensemble est hyper rigide et la tonalité quasi monochrome. ça vaut le coup d'oeil. Il y a, parait-il, un hall décoré dans des tons plus vifs, des rouges et des verts, mais je n'ai pas eu le temps de pousser l'investigation jusque là.
En passant du Centorial à la rue de Hanovre on jettera un coup à l'anecdotique destruction, vestige d'une bombe d'avion (30 janvier 1918), commémorée par une plaque.
Pour finir, toujours au sujet de l'immeuble du Crédit lyonnais : la façade boulevard des italiens, en réfection, a été habillée par l'agence Athem, façon bricolage en carton ondulé. C'est réussi.
Ces cours ont pour l'instant été l'occasion de découvertes architecturales qui n'ont rien à voir avec l'enseignement linguistique mais avec le quartier où ils se tiennent.
La première surprise a été la grosse bâtisse du crédit lyonnais (rendue tristement célèbre par son incendie à la fin des années quatre-vingt-dix) dont je connaissais la façade côté boulevard des Italiens. Du côté de la rue du Quatre-septembre, l'immeuble a été pompeusement renommé le Centorial et l'on peut pénétrer dans la grande galerie coiffée de sa verrière Eiffel, et maintenant traversée de passerelles aériennes. Il est interdit de faire des photos et j'ai piqué celle-ci (de mauvaise qualité) sur le site Wikipedia : elle donne une idée de l'ensemble.
Beaucoup plus discret est l'immeuble de céramique du 6, rue de Hanovre, dont je n'ai malheureusement pas de photo digne de ce nom : j'en ferai et en publierai plus tard, peut-être ce vendredi (jour de mes cours) si la lumière est bonne. La particularité de ce bâtiment est d'être couvert de céramique d'inspiration marine - coquillages, pieuvres etc. - alors que la structure de l'ensemble est hyper rigide et la tonalité quasi monochrome. ça vaut le coup d'oeil. Il y a, parait-il, un hall décoré dans des tons plus vifs, des rouges et des verts, mais je n'ai pas eu le temps de pousser l'investigation jusque là.
En passant du Centorial à la rue de Hanovre on jettera un coup à l'anecdotique destruction, vestige d'une bombe d'avion (30 janvier 1918), commémorée par une plaque.
Pour finir, toujours au sujet de l'immeuble du Crédit lyonnais : la façade boulevard des italiens, en réfection, a été habillée par l'agence Athem, façon bricolage en carton ondulé. C'est réussi.
vendredi 22 juillet 2011
la tombe de Genet
"En arrivant à Larache, pour déjeuner, on a trouvé un restaurant en plein centre, et sur la terrasse, Luc n'arrêtait pas de faire des commentaires à l'avantage du Maroc par rapport à la France. Tout ce qu'il comparait était meilleur ici. On aperçoit un garçon qui avait l'air plus jeune que moi, qu'on trouvait très beau. Je voyais que cela faisait plaisir à Luc de l'observer. Le garçon n'a pas arrêté de faire des allers-retours devant la terrasse. On s'apprêtait à partir, on était montés dans la voiture, à ce moment-là, le garçon s'approche de la voiture, il se baisse vers la fenêtre du côté de Luc et dit : "Salut les amoureux." Luc répond : "Ça t'arrive de te tromper ?" Le garçon : "Jamais. Je suis sûr que vous venez visiter Jean Genet." Luc lui dit : "Apparemment tu ne te trompes jamais. Monte dans la voiture."
Extrait de Plusieurs vies, de Rachid O., édition Gallimard, coll. Folio.
Il y a en réalité un lien secret entre ce billet-là et le précédent, mais comme il est secret...
jeudi 21 juillet 2011
terre! terre!
Il y a quelques temps déjà, une amie m'annonçait que son frère travaillait sur la monographie d'un céramiste dont je n'avais jamais entendu parler, André Aleth Masson. Mardi midi, elle m'annonce que le livre est sorti.
Image extraite du livre André Aleth Masson, Céramiste, peintre, sculpteur |
J'avais déjà cherché sur Internet, après cette première conversation, des photos des œuvres de ce Masson qui n'est pas le peintre que tout le monde connaît, surréalisto-expressionnisto-je-ne-sais-quoi : je n'avais pas trouvé d'ensemble me permettant de me faire une idée.
Pour rassasier sa curiosité, voici les liens qui mènent à d'autres images : on clique ici pour la page de TL éditeur, et là pour la page facebook correspondante. L'ouvrage est signé Thomas Leporrier, un amateur et collectionneur passionné.
Une joyeuse découverte.
Libellés :
Aleth Masson,
amis,
années cinquante,
années soixante,
années soixante-dix,
céramique,
création,
poésie
mardi 19 juillet 2011
radio days
Samedi je téléphone à mon amie Danièle qui, lorsque je la questionne sur qu'apporter pour le dîner, me répond : des fleurs. Quelle bonne idée, j'adore acheter des fleurs et je me rends chez un fleuriste chez lequel je prends d'habitude les plantes en pot que les fleurs coupées, histoire de voir. Dehors c'est gris, la pluie menace et le vent balaye tout.
Avant j'emprunte le passage des petites-écuries où j'ai remarqué le matin même qu'à l'occasion de la réfection d'un magasin, toute la devanture a été démontée et laisse entrevoir l'ancienne boutique, ses boiseries d'un beau jaune et la vieille typographie rouge à effet ombré.
Malheureusement avec la végétation devant il est impossible de saisir une image qui rende compte de cette impression de décor de cinoche. L'idée de façade factice que l'on aurait dressée pour un tournage est renforcée du fait que, dans le même passage, un peu plus loin, deux commerces ont refait peau neuve et sont flambants neufs : une épicerie a laissé place à un restaurant (encore, on ne fait donc que manger dans ce dixième arrondissement !!?) mais le deuxième, je ne l'ai pas encore vu ouvert, je ne sais ce dont il s'agit.
Chez le fleuriste il y a peu de choix mais les roses anciennes sont magnifiques. Je regarde une carte postale punaisée sur le mur : le commerçant me fait l'article de la ville tunisienne photographiée. C'est Sidi Bou Saïd, "avec le café des Délices, vous connaissez la chanson de Bruel ?, eh ben c'est là" etc etc. Sa description débute comme s'il s'agissait d'un petit village biscornu et préservé où l'on aurait envie de se perdre, pour finir par décrire une banlieue cossue, "de l'autre côté, y'a des yachts, on se croirait à Monaco, l'année dernière Bill Gates y est resté quinze jours, quinze jours, Bill Gates..." L'endroit rêvé à éviter.
Oui, il est Tunisien le fleuriste, "mais du Faubourg maintenant, depuis plus de trente ans. Le 3 septembre 83 j'ai pris la boutique, avant il y avait une librairie, à côté c'était un café. Et avant j'étais là-bas, chez le primeur."
Comme la boutique fait face à une école il ajoute : "j'ai des clients, je les voyais aller à l'école et maintenant ce sont leurs enfants qui y vont. Ça passe, ah oui ça passe vite."
J'essaie d'imaginer, encore trente ans : les gens qui seront sous terre et moi, peut-être, quatre-vingt balais, la peau tombée et la mémoire effacée. La nouvelle devanture qui sera comme l'autre, démodée et recouverte à son tour.
Quand je sors il pleut et le plastique transparent qui protège les fleurs se couvre de petites perles.
Clairval Radio Constructeur, voilà ce qui est inscrit sur la devanture de bois. |
Malheureusement avec la végétation devant il est impossible de saisir une image qui rende compte de cette impression de décor de cinoche. L'idée de façade factice que l'on aurait dressée pour un tournage est renforcée du fait que, dans le même passage, un peu plus loin, deux commerces ont refait peau neuve et sont flambants neufs : une épicerie a laissé place à un restaurant (encore, on ne fait donc que manger dans ce dixième arrondissement !!?) mais le deuxième, je ne l'ai pas encore vu ouvert, je ne sais ce dont il s'agit.
Chez le fleuriste il y a peu de choix mais les roses anciennes sont magnifiques. Je regarde une carte postale punaisée sur le mur : le commerçant me fait l'article de la ville tunisienne photographiée. C'est Sidi Bou Saïd, "avec le café des Délices, vous connaissez la chanson de Bruel ?, eh ben c'est là" etc etc. Sa description débute comme s'il s'agissait d'un petit village biscornu et préservé où l'on aurait envie de se perdre, pour finir par décrire une banlieue cossue, "de l'autre côté, y'a des yachts, on se croirait à Monaco, l'année dernière Bill Gates y est resté quinze jours, quinze jours, Bill Gates..." L'endroit rêvé à éviter.
Oui, il est Tunisien le fleuriste, "mais du Faubourg maintenant, depuis plus de trente ans. Le 3 septembre 83 j'ai pris la boutique, avant il y avait une librairie, à côté c'était un café. Et avant j'étais là-bas, chez le primeur."
Comme la boutique fait face à une école il ajoute : "j'ai des clients, je les voyais aller à l'école et maintenant ce sont leurs enfants qui y vont. Ça passe, ah oui ça passe vite."
J'essaie d'imaginer, encore trente ans : les gens qui seront sous terre et moi, peut-être, quatre-vingt balais, la peau tombée et la mémoire effacée. La nouvelle devanture qui sera comme l'autre, démodée et recouverte à son tour.
Quand je sors il pleut et le plastique transparent qui protège les fleurs se couvre de petites perles.
samedi 16 juillet 2011
les pigeons
Un peu en dessous du croisement du boulevard Magenta et de la rue du Faubourg-saint-Denis se tient le square Alban Satragne, devant l'ancien hôpital Saint-Lazare (où se situait avant la prison du même nom).
Ce petit square (qui recèle quelques mosaïques très colorées des années soixante) est prolongé sur le devant par deux pelouses surélevées qui ont déjà vécu mille et un aménagements différents. Le jardin, comme ces deux "carrés" d'herbe, sont le lieu d'habitation sauvage de nombreux sans domicile, étrangers pour la plupart, des communautés d'hommes, certains issus des Balkans si j'ai bien compris, d'autres d'Afghanistan sans que je sache si ces communautés cohabitent ou bien se succèdent dans ce lieu-là, certains y piqueniquant d'autres y dormant.
L'une des pelouses est devenu un potager partagé, poussant ça et là ses parcelles de fleurs ou de légumes (qui disparaissent avant que le jardinier ne les voit mûrir, forcément). La seconde a accueilli il n'y a pas très longtemps deux très vilaines sculptures. Ces aménagements sont-ils vraiment pensés ou sont-ils juste une façon d'occuper l'espace afin que d'autres ne le fassent pas ?
Je me demande quel sens donner à ces deux personnages : l'un tient une lune argentée comme s'il venait de ramasser un bébé mort sur la voie publique, l'autre présente une terre dorée (ou un soleil) avec une mollesse et un je m'en foutisme qui m'évoque un bras d'honneur asthénique.
Depuis leur installation, l'homme s'est déjà retrouvé une fois le nez dans le gazon. Quand on voit l'esthétique des socles, si en plus ils ne tiennent pas au sol, c'est désolant.
Plus bizarre encore est la grande création qui vient de prendre place à cet endroit, lieu d'une relative désolation humaine : un pigeonnier. J'ai cru à une plaisanterie, un happening artistique. Puis finalement j'ai aperçu trois panneaux explicatifs posés par la mairie. Non, ce n'est pas une blague. En ce lieu réputé pour abriter des sdf, la mairie a implanté un pigeonnier géant. L'argumentaire est intéressant.
Je reproduis le texte ici car la photo est trop petite pour la lecture :
Si vous aimez les pigeons ne les nourrissez pas.
À Paris de nombreuses personnes nourrissent les pigeons sur la voie publique...
Le nourrissage a des conséquences néfastes sur leur comportement et leur état sanitaire.
- Le nourrissage les rend dépendants de l'Homme.
- Il favorise le regroupement, la sédentarisation et la surpopulation, entraînant au sein de ces populations d'oiseaux le développement de maladies infectieuses et parasitaires.
- L'accumulation des fientes peut provoquer des dégâts considérables sur les biens publics et privés.
- Ces nuisances sont à l'origine de l'hostilité de nombreuses personnes à l'égard des pigeons. Certaines malveillances volontaires ont été malheureusement constatées tels que des empoisonnements occasionnant la mort de plusieurs dizaines de ces oiseaux.
En ne nourrissant pas ces oiseaux
- vous contribuez à maintenir propre et agréable à vivre votre quartier...
mais aussi toute la ville !
-Vous favorisez une cohabitation harmonieuse entre les Parisiens et lespigeons.
Sans commentaires.
jeudi 14 juillet 2011
la révolte des objets
Lorsque j'étais enfant j'habitais vers la Porte de Saint-Cloud, à Paris. Il y avait un cinéma de quartier où j'adorais me rendre. Après quelques travaux, il s'était doté de trois salles de projection (microscopiques mais pour l'époque cela avait des allures de multiplexe culturel!) et d'une décoration dans le goût des années 70 : une animation graphique faite de larges bandes parallèles de couleur (bleu, violet et orange) qui se déployaient et couraient le long des murs, en relief, à quelques centimètres en avant du crépi blanc. C'était "Les trois Murat".
J'ai souvenir d'un court-métrage (puisque avant chaque film il y avait la projection d'un court-métrage) qui s'intitulait la révolte des objets : dans un appartement, tous les objets refusaient de se soumettre à leur rôle d'usage, depuis le peigne qui laissait toutes ses dents dans les cheveux de son propriètaire jusqu'à l'aspirateur (style Hoover) dont le sac, telle la grenouille de la fable, se gonflait, se gonflait, se gonflait et poussait les murs puis faisait s'effondrer l'immeuble.
J'y repensais hier midi quand, reprenant mon vélo que j'attache sur la voie publique avec deux cadenas, je me trompai de clef et détruisis la clef du cadenas n°1 dans la serrure du cadenas n°2, devenu du coup hors d'usage. Bien joué Mister Bean.
Tout à l'heure, je prends en photo l'affichette nouvellement collée sur la porte de l'ascenseur qui est en panne depuis dix jours. Je me demande comment font les personnes à mobilité réduite qui habitent dans l'immeuble. Moi cela me fait un entraînement pulmonaire (sept étages tout de même) et ce bénéfice compense le désagrément.
Dans la semaine, après quelques bidouillages du réparateur, l'appareil a refonctionné pendant une après-midi avec, scotché dessus, un avertissement pas très rassurant : ne pas monter à plus de deux personnes...
Aujourd'hui, 14 juillet, je me demande comment il est possible que cette affichette, collée-là depuis hier je pense, porte la date du 18. Il s'agit sans doute d'un ascenseur à voyager dans le temps.
lundi 11 juillet 2011
surf, plongeon etc
Il m'est arrivé une (très) agréable rencontre virtuelle l'autre soir. Je ne sais si vous avez remarqué que j'ai commencé à mettre un peu d'ordre dans la liste de liens à droite.
J'en avais déjà eu l'idée auparavant, notamment lorsque j'ai surfé pour trouver des blogs grecs et que j'ai, à cette occasion, souhaité faire figurer d'autres pages que j'avais consultées avant de me rendre à Istanbul, à Amsterdam etc (voir billet "allées et venues", 23 juin). Puis le manque de temps aidant (n'aidant pas), plus la déception de trouver certains de ces liens maintenant inactifs, j'avais remis cela à une date ultérieure.
Bref, je m'égare, mais ce petit ménage m'a permis de "tomber" sur un blog qui rassemble tellement de choses que j'affectionne que je n'en croyais pas vraiment mes yeux. C'est celui qui s'appelle architectures de cartes postales (lien à droite). J'aimerais bien en être jaloux mais je le trouve si parfait que je n'y arrive pas.
Il réunit l'amour des cartes postales, des cartes postales ennuyeuses, de l'architecture que tout le monde déteste mais qui s'avère formidable si on prend le temps de la regarder (les supermarchés de Claude Parent), de l'architecture incroyablement démodée mais incroyablement toujours d'actualité, du beau béton, des anciennes publications concernant tout cela...le tout de façon documentée et ludique. Un vrai plaisir.
En plus, petit clin d'œil du côté des photos ratées (on sait que j'adore) ou des instants volés à la Michael Wolf, l'auteur (David Liaudet) recadre et zoom dans les cartes postales pour nous fournir des gros plans d'une poésie certaine. Il est même sensible, comme moi aussi, à ces silhouettes (ci-dessus) mangées qui semblent des taches d'encre ou des signes tirés d'alphabets mystérieux.
Ça me fait presque peur de voir quelqu'un aimer les mêmes bizarreries que moi.
J'en avais déjà eu l'idée auparavant, notamment lorsque j'ai surfé pour trouver des blogs grecs et que j'ai, à cette occasion, souhaité faire figurer d'autres pages que j'avais consultées avant de me rendre à Istanbul, à Amsterdam etc (voir billet "allées et venues", 23 juin). Puis le manque de temps aidant (n'aidant pas), plus la déception de trouver certains de ces liens maintenant inactifs, j'avais remis cela à une date ultérieure.
Détail d'une carte postale de la piscine de Montargis, saisie sur l'excellent blog archipostcard.blogspot.com |
Bref, je m'égare, mais ce petit ménage m'a permis de "tomber" sur un blog qui rassemble tellement de choses que j'affectionne que je n'en croyais pas vraiment mes yeux. C'est celui qui s'appelle architectures de cartes postales (lien à droite). J'aimerais bien en être jaloux mais je le trouve si parfait que je n'y arrive pas.
Il réunit l'amour des cartes postales, des cartes postales ennuyeuses, de l'architecture que tout le monde déteste mais qui s'avère formidable si on prend le temps de la regarder (les supermarchés de Claude Parent), de l'architecture incroyablement démodée mais incroyablement toujours d'actualité, du beau béton, des anciennes publications concernant tout cela...le tout de façon documentée et ludique. Un vrai plaisir.
En plus, petit clin d'œil du côté des photos ratées (on sait que j'adore) ou des instants volés à la Michael Wolf, l'auteur (David Liaudet) recadre et zoom dans les cartes postales pour nous fournir des gros plans d'une poésie certaine. Il est même sensible, comme moi aussi, à ces silhouettes (ci-dessus) mangées qui semblent des taches d'encre ou des signes tirés d'alphabets mystérieux.
Ça me fait presque peur de voir quelqu'un aimer les mêmes bizarreries que moi.
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dimanche 10 juillet 2011
corps, sexe, image
Je sors d'une projection de Tomboy (de Céline Sciamma), au cinéma Le Brady, à deux pas de chez moi.
Vendredi soir, Michel, avec qui j'ai dîné, m'a assuré, comme tous les amis qui m'en ont parlé depuis sa sortie que, si si c'était bien, ça allait me plaire. Je n'ai jamais douté de la première proposition, mais de la seconde, sérieusement. Moi, l'ambiguïté sexuelle me laisse assez indifférent.
Mais étant pour quelques tâches d'écriture dans de poussives réflexions autour de l'identité, pourquoi pas me suis-je dit. Résultat, ça ne m'a pas intéressé du tout (je ne me connais pas si mal que cela).
Évidemment le film a toutes ces qualités formidables que l'on a écrites et lues partout : mise en scène, direction d'acteur, blablabla. Pour moi ce qui l'a rendu difficile, ce sont les deux trois énormités dans cet océan de subtilités : la différence si marquée entre les deux sœurs (l'androgyne/la petite fée), l'épisode du maillot de bain découpé, tellement invraisemblable, et l'identification proposée entre la fille et le père, dans la scène de voiture qui ouvre le film (même si ces plans m'ont rappelé des souvenirs d'enfance assez précieux), plutôt maladroite et pas suivie il me semble.
Je ressors avec le programme de la semaine au Brady : je vois que deux films de Kelly Reichardt sont à l'affiche (dont Old Joy), et cela m'apprend par ailleurs qu'un troisième est sorti le mois dernier, ce que j'ignorais, la Dernière piste.
Dans la rue je croise un groupe d'ados, plus âgés que les enfants de Tomboy : une des filles de la bande exhibe aux autres la cambrure de ses reins, qu'elle contemple aussi dans le reflet d'une voiture. Ce n'est pas la Vénus hottentote, mais presque. L'un d'eux clame, mimant s'y installer :
- Eh dis donc mon frère, tu peux t'y asseoir et regarder la télé!
mercredi 6 juillet 2011
Athènes
" Je vous avais dit qu'il fallait voir.
Que vers midi le silence qui se fait sur Athènes est tel... Avec la chaleur qui grandit...
La ville se vide à l'heure de la sieste, tout ferme comme la nuit...
...qu'il fallait assister à la montée du silence...
Je me souviens, je vous ai dit : peu à peu on se demande ce qui arrive, cette disparition du son avec la montée du soleil...
C'est là que cette peur arrive. Pas celle de la nuit, mais comme une peur de la nuit dans la clarté. Le silence de la nuit en plein soleil. Le soleil au zénith et le silence de la nuit. Le silence au centre du ciel et le silence de la nuit.
Quand les autres sont arrivés, vers deux heures de l'après-midi, on est redescendus vers la ville, Athènes, et puis plus rien n'est arrivé.
Rien.
Rien d'autre que toujours, partout, ce manque d'aimer."
Extrait : les premières lignes du Navire Night, de Marguerite Duras, Mercure de France 1979
Que vers midi le silence qui se fait sur Athènes est tel... Avec la chaleur qui grandit...
La ville se vide à l'heure de la sieste, tout ferme comme la nuit...
...qu'il fallait assister à la montée du silence...
Je me souviens, je vous ai dit : peu à peu on se demande ce qui arrive, cette disparition du son avec la montée du soleil...
C'est là que cette peur arrive. Pas celle de la nuit, mais comme une peur de la nuit dans la clarté. Le silence de la nuit en plein soleil. Le soleil au zénith et le silence de la nuit. Le silence au centre du ciel et le silence de la nuit.
Quand les autres sont arrivés, vers deux heures de l'après-midi, on est redescendus vers la ville, Athènes, et puis plus rien n'est arrivé.
Rien.
Rien d'autre que toujours, partout, ce manque d'aimer."
Extrait : les premières lignes du Navire Night, de Marguerite Duras, Mercure de France 1979
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Grèce,
premières lignes
intimacy
Pour répondre à Claude et à d'autres, j'ai passé un week end de farniente avec le tendre Alain, voilà pourquoi le blog a fait cette sieste de quelques jours.
Ensuite, j'ai posté vite fait le billet (daté de dimanche) que j'avais commencé à rédiger vendredi après avoir écouté le deuxième reportage sur France Culture. Il est titré révolution intérieure en hommage paradoxal à un commentaire sur le site de l'émission qui affirme "la révolution n'est pas intérieure", alors que l'on peut faire l'hypothèse du contraire.
Dimanche, en allant au parc de La Villette dont les pelouses, par beau temps, deviennent un gigantesque terrain de pique-nique/solarium, je prends en photo cette entreprise en cours de démolition, ci-dessus : intérieur/extérieur. Le contraste entre la simplicité du cube qui enveloppe cette étrange structure aux allures de fourneau est saisissant.
dimanche 3 juillet 2011
révolution intérieure
Je me souviens quelques instants après la chute de Moubarak, je regardais, ému, les images de la place Tahrir en direct sur le Net quand l'un de mes collègues pointant la scène sur mon écran me dit quelque chose comme : "ça me fait l'effet d'une fête de Nouvel an sur le Titanic". Comprendre : la catastrophe est proche, ils se réjouissent naïvement sans voir que le pire est à venir, que leurs espoirs vont être déçus etc.
Tout dans cette remarque signalait une autre naïveté : celle d'adopter une "méta position" qui ne se légitime ni de la connaissance du pays ni d'une quelconque expertise de la révolution. Le regard de l'Européen sur les pays arabes, encore ?...
Ceux qui connaissent l'Égypte autrement que superficiellement (et donc savent les cadenassages qui entravaient la vie au quotidien) auront compris quelle chape de plomb alors s'envolait et que cela créditait déjà cette révolution naissante de cette victoire-là.
À ce titre, deux documentaires sur l'Égypte de l'émission de France Culture Sur les docks, (heureusement signalés par Sylvie N. sur son blog, voir à droite) sont particulièrement intéressants. Dans les témoignages que l'on y entend, deux dynamiques sont notables qui révolutionnent la façon dont les Égyptiens construisent leur rapport à l'autre.
D'un côté ils se lient mieux individuellement (en qualité et de façon choisie), et d'autre part ils arrivent à s'individualiser au sein de dispositifs qui autrefois les englobaient sans distinction (l'espace public, la religion etc), donc d'une certaine façon ils se délient.
Exemples : cette femme qui affirme qu'elle comprend maintenant que son rapport à Dieu ne regarde qu'elle, ou cet homme qui témoigne que depuis qu'il peut parler de tout, il existe enfin en entier.
Les deux docs sont signés Joseph Confraveux (qui écrit dans la revue Vacarme, que je découvre à cette occasion) et Jean-Philippe Navarre.
Tout dans cette remarque signalait une autre naïveté : celle d'adopter une "méta position" qui ne se légitime ni de la connaissance du pays ni d'une quelconque expertise de la révolution. Le regard de l'Européen sur les pays arabes, encore ?...
Ceux qui connaissent l'Égypte autrement que superficiellement (et donc savent les cadenassages qui entravaient la vie au quotidien) auront compris quelle chape de plomb alors s'envolait et que cela créditait déjà cette révolution naissante de cette victoire-là.
À ce titre, deux documentaires sur l'Égypte de l'émission de France Culture Sur les docks, (heureusement signalés par Sylvie N. sur son blog, voir à droite) sont particulièrement intéressants. Dans les témoignages que l'on y entend, deux dynamiques sont notables qui révolutionnent la façon dont les Égyptiens construisent leur rapport à l'autre.
D'un côté ils se lient mieux individuellement (en qualité et de façon choisie), et d'autre part ils arrivent à s'individualiser au sein de dispositifs qui autrefois les englobaient sans distinction (l'espace public, la religion etc), donc d'une certaine façon ils se délient.
Exemples : cette femme qui affirme qu'elle comprend maintenant que son rapport à Dieu ne regarde qu'elle, ou cet homme qui témoigne que depuis qu'il peut parler de tout, il existe enfin en entier.
Les deux docs sont signés Joseph Confraveux (qui écrit dans la revue Vacarme, que je découvre à cette occasion) et Jean-Philippe Navarre.
Lorsque fin mai, en Espagne, j'ai découvert la mobilisation des quelques indignés d'Ibiza, leurs banderoles, leurs déclarations d'intention un peu adolescentes griffonnées sur des feuilles de cahier ou des panneaux de papier kraft, je m'étais fait cette réflexion paradoxale : ça ne sert à rien, et tu ne peux pas dire que cela ne sert à rien puisque c'est.
L'expérience de ces personnes qui descendent dans la rue pour écrire ces mots, même dérisoires, existe bien, cette expérience a existé différemment pour chacun et chaque manifestant la porte en lui. Savoir quand et par quel moyen cette expérience sera agissante dans la vie de l'individu ou dans le champ social, personne n'est capable de le prédire.
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