J'aurais bien aimé en dire du bien, du très bien. Sans doute parce que je me suis lassé ces jours-ci de voir des films décevants, en DVD, sur Internet et au cinéma. Aussi car le fait divers qui en est à l'origine et ses multiples prolongements sont passionnants.
Je veux évidemment parler de "38 témoins", le film de Belvaux, et de l'affaire Kitty Genovese, dont je conseille à chacun de lire le déroulé sur Wikipédia (je conseille rarement Wikipédia comme source d'infos mais là, ça donne un bon aperçu des enseignements de l'affaire).
(Je simplifie : une femme est victime d'une agression – coups de couteaux et viol –, en deux temps, au bas d'un immeuble. Normalement quantité de personnes auraient dû entendre ses cris et agir, au moins appeler la police. Or initialement tout le monde affirme n'en avoir rien su. Ou si peu. Lâcheté ? Effet de groupe ? Enquêtes, traumatisme et théories...)
Avec beaucoup d'intelligence (et de bonheur pour les amateurs d'architecture) le réalisateur a pris le parti de tourner au Havre. On y goûte les œuvres de béton de l'architecte Auguste Perret, la fameuse église Saint-Joseph, les perspectives et les ensembles de la rénovation intensive d'après-guerre. Et en prime les étonnants décors du port avec ses robots de station spatiale, ses bidules géants métalliques, cette démesure partout des machines écrasantes face aux hommes et tous ces containers qui, subitement, à l'écran, semblent métaphores de l'âme humaine.
Mais la faiblesse du film est de n'avoir pas su choisir entre autres, entre ces deux univers.
D'un côté la volonté de la reconstruction citadine, associé au fantasme de la cité radieuse, à ces appartements modèles, identiques, qui se regardent de partout, cette promotion du confort individuel des années 50, tout en placards, en arts ménagers et en fausses commodités, tout cela encore très présent dans le passé architectural de la ville pouvait servir de corset à cette histoire de culpabilité, de regards croisés, de mitoyenneté. (Les îlots de la rue de Paris où le tournage a eu lieu ont été construits en 1951-52)
D'un autre côté, l'immensité de la mer, la confrontation de l'être dans sa singularité avec les éléments invincibles, avec le gigantisme, une forme d'épopée de soi-même, de bras de fer avec son propre destin, appellent une toute autre dramaturgie, sans voisins, un tout autre cinéma. Ici, on est ballotés de l'un et de l'autre, perdant les bénéfices de chaque points de vue.
De la même façon, le film balance sans arrêt du mutisme au bavardage. On pourrait objecter : c'est le thème. Dire ou ne pas dire, s'avouer à soi-même ou faire taire sa conscience, l'ouvrir ou la fermer. En cela, le scénario est malin, il met en situation le protagoniste qui a vu, entendu, su, et son amie, absente le soir du drame. Mais voilà, est-ce qu'il suffit de filmer un homme silencieux sur fond de mer grise pour suggérer qu'il est pris de remords ? Est-ce qu'il faut vraiment voir le même, la tête dans les mains, hurler "j'entends encore ses cris" pour insinuer qu'il va bientôt passer aux aveux ? On est vraiment dans le cinéma de papa, la série télé des années soixante.
Les personnages de voisins ne sont pas mieux traités (je croyais que le ciné français excellait dans les seconds rôles ?) alors que l'on pouvait s'attendre à une partie d'échec psychologique entre les partisans du silence et celui qui va révéler que, oui, dans les immeubles alentour, on entendait tout (la scène de reconstitution du crime, avec ses cris, est d'ailleurs impressionnante).
Mais ce qui ruine irrémédiablement le film c'est le personnage de la journaliste. Là c'est découpé à la serpe, écrit au bazooka. Cette Madame Je Sais Tout (avec hochements de tête compatissants) doit devenir en vingt minutes une Madame J'accuse (agitée, ô, de terribles cas de conscience), ce n'est pas facile. Nicole Garcia joue comme un cochon. On assiste à des plans cinématographiques surréels que je n'avais plus vus depuis longtemps à l'écran : toujours vêtue de son manteau de cuir à capuche (c'est son estampillage baroudeuse urbaine) la soi-disant journaliste fait des mines de circonstances (c'est dur de balancer mais j'ai fait mon travail) au petit matin devant les fourgonnettes qui chargent l'édition du jour. Non, dans la vraie vie, les journalistes ne passent pas la nuit à l'imprimerie et une partie de l'aube à empaqueter les journaux. C'est grotesque.
On sort de la salle sans s'être enrichi. Moi je cherche en rentrant mes photos faites au Havre la dernière fois, pour vous régaler de béton inspiré... Où sont-elles passées ?... Introuvables! Bon, je verrai ça plus tard, je publie en l'état...
Je veux évidemment parler de "38 témoins", le film de Belvaux, et de l'affaire Kitty Genovese, dont je conseille à chacun de lire le déroulé sur Wikipédia (je conseille rarement Wikipédia comme source d'infos mais là, ça donne un bon aperçu des enseignements de l'affaire).
(Je simplifie : une femme est victime d'une agression – coups de couteaux et viol –, en deux temps, au bas d'un immeuble. Normalement quantité de personnes auraient dû entendre ses cris et agir, au moins appeler la police. Or initialement tout le monde affirme n'en avoir rien su. Ou si peu. Lâcheté ? Effet de groupe ? Enquêtes, traumatisme et théories...)
Avec beaucoup d'intelligence (et de bonheur pour les amateurs d'architecture) le réalisateur a pris le parti de tourner au Havre. On y goûte les œuvres de béton de l'architecte Auguste Perret, la fameuse église Saint-Joseph, les perspectives et les ensembles de la rénovation intensive d'après-guerre. Et en prime les étonnants décors du port avec ses robots de station spatiale, ses bidules géants métalliques, cette démesure partout des machines écrasantes face aux hommes et tous ces containers qui, subitement, à l'écran, semblent métaphores de l'âme humaine.
Mais la faiblesse du film est de n'avoir pas su choisir entre autres, entre ces deux univers.
D'un côté la volonté de la reconstruction citadine, associé au fantasme de la cité radieuse, à ces appartements modèles, identiques, qui se regardent de partout, cette promotion du confort individuel des années 50, tout en placards, en arts ménagers et en fausses commodités, tout cela encore très présent dans le passé architectural de la ville pouvait servir de corset à cette histoire de culpabilité, de regards croisés, de mitoyenneté. (Les îlots de la rue de Paris où le tournage a eu lieu ont été construits en 1951-52)
D'un autre côté, l'immensité de la mer, la confrontation de l'être dans sa singularité avec les éléments invincibles, avec le gigantisme, une forme d'épopée de soi-même, de bras de fer avec son propre destin, appellent une toute autre dramaturgie, sans voisins, un tout autre cinéma. Ici, on est ballotés de l'un et de l'autre, perdant les bénéfices de chaque points de vue.
De la même façon, le film balance sans arrêt du mutisme au bavardage. On pourrait objecter : c'est le thème. Dire ou ne pas dire, s'avouer à soi-même ou faire taire sa conscience, l'ouvrir ou la fermer. En cela, le scénario est malin, il met en situation le protagoniste qui a vu, entendu, su, et son amie, absente le soir du drame. Mais voilà, est-ce qu'il suffit de filmer un homme silencieux sur fond de mer grise pour suggérer qu'il est pris de remords ? Est-ce qu'il faut vraiment voir le même, la tête dans les mains, hurler "j'entends encore ses cris" pour insinuer qu'il va bientôt passer aux aveux ? On est vraiment dans le cinéma de papa, la série télé des années soixante.
Les personnages de voisins ne sont pas mieux traités (je croyais que le ciné français excellait dans les seconds rôles ?) alors que l'on pouvait s'attendre à une partie d'échec psychologique entre les partisans du silence et celui qui va révéler que, oui, dans les immeubles alentour, on entendait tout (la scène de reconstitution du crime, avec ses cris, est d'ailleurs impressionnante).
Mais ce qui ruine irrémédiablement le film c'est le personnage de la journaliste. Là c'est découpé à la serpe, écrit au bazooka. Cette Madame Je Sais Tout (avec hochements de tête compatissants) doit devenir en vingt minutes une Madame J'accuse (agitée, ô, de terribles cas de conscience), ce n'est pas facile. Nicole Garcia joue comme un cochon. On assiste à des plans cinématographiques surréels que je n'avais plus vus depuis longtemps à l'écran : toujours vêtue de son manteau de cuir à capuche (c'est son estampillage baroudeuse urbaine) la soi-disant journaliste fait des mines de circonstances (c'est dur de balancer mais j'ai fait mon travail) au petit matin devant les fourgonnettes qui chargent l'édition du jour. Non, dans la vraie vie, les journalistes ne passent pas la nuit à l'imprimerie et une partie de l'aube à empaqueter les journaux. C'est grotesque.
On sort de la salle sans s'être enrichi. Moi je cherche en rentrant mes photos faites au Havre la dernière fois, pour vous régaler de béton inspiré... Où sont-elles passées ?... Introuvables! Bon, je verrai ça plus tard, je publie en l'état...
Le premier post sans libellé?!
RépondreSupprimerJe vais bien sûr les ajouter ces libellés absents. J'étais tellement troublé de m'apercevoir de la disparition de mes photos du Havre, que j'ai appuyé sur la touche "publier" sans rien relire, pour aller farfouiller sur d'anciennes cartes mémoire afin de mettre la main dessus.
SupprimerJ'avais d'ailleurs écrit certaines lignes du billet en phonétique, j'ai corrigé quelques énormités à l'instant. Je crois que la déception liée au film, et à d'autres vus les jours précédents, a aussi peser sur tout cela. A suivre...
Bon, j'y vais, ou j'y vais pas ? La séance est à 15h10 à Alésia, et j'ai le temps avant mon entretien du soir. Je me tâte... Ou alors j'écris un post sur mon blog ? Je me tâte... En même temps, si c'est pour aller voir une Nicole Garcia agaçante, déjà que j'ai du mal avec elle... Mais revoir le Havre ? Ca me rappellera ma belle année à Sandouville, chez Renault ! Ca aussi, c'était du glauque !!
RépondreSupprimerClaude