C'est toujours une expérience satisfaisante de se rendre à un spectacle sans rien avoir lu,vu ou entendu à son sujet. À peine connaissais-je le titre du spectacle quand je me suis dirigé hier vers le théâtre de la Ville pour découvrir la dernière création de Israel Galvan, dont le spectacle précédent, La curva m'avait laissé un souvenir mitigé.
Temps deux. L'air a été strié, fouetté, découpé. Par une allusion à la chanson de "Anthony and the Johnsons", "Hitler in my heart", le thème est explicité. Deuxième temps, donc : "des cadavres poussent les fleurs". Galvan nous invite a une évocation de l'élimination des Gitans. Il y aura cinq parties, la dernière intitulée : la mort est un maître bienvenu.
Le titre de la pièce revient en surface : Le réel/lo real/the real. Ce n'est évidemment pas de la réalité dont il est question mais bien du réel, cette béance, cet impossible, cet insaisissable. Un envers du monde. Trois langues n'arrivent pas mieux qu'une à le cerner : une pratique artistique non plus.
Dès lors, Galvan propose une sorte de spectacle performance où le corps dansant se mue note de musique, instrument, archet, son, et où tout élément, le moindre élément de décor, le moindre accessoire participe de la partition. Tout fait bruit, sens, mouvement, famille. On retient son souffle.
Il sait, Israel Galvan, qu'il ne peut être le couple flamenco à lui seul, l'homme qui se cabre et la femme qui se cambre. Ainsi laisse-t-il de la place, pour d'autres tableaux, à Belen Maya et Isabel Bayon, de la Rom, paysanne, à la danseuse de revue, flamenca tout en second degré.
Le train – ses rails, ses rythmes, ses lignes – fait figure de motif pour dire le dernier voyage des gens du voyage (incroyable projection d'un extrait de film signé Leni Riefenstahl ), sans que l'extrême gravité du propos n'alourdisse l'hispanique capacité au tragi-comique. On rit aussi dans ce spectacle qui se ponctue de publicités chantées : pour un produit désinfectant qui rend le linge noirci plus blanc que blanc, ou pour un insecticide qui fait disparaître ces cafards qui se reproduisent sans cesse, solutions finales à portée de main de la ménagère.
Israel Galvan, corps conducteur qui fait vibrer le métal, corps qui danse contre l'oubli, contre le réel, livre un véritable chef-d'œuvre : intelligence, invention, sens et sensibilité, tout y est. La scène se referme panneau après panneau, laissant les interprètes dos au mur pour les saluts. C'est immensément tragique, immensément beau.
Théâtre de la Ville, Paris, jusqu'au 20 février.
Dans la salle, quand on prend place, des fumigènes ont légèrement brouillé l'éclairage général, sur la scène à vue on distingue des zones lumineuses et quelques volumes posés ça et là.
Puis ça commence. Décor brut des murs du théâtre, projecteurs apparents, mise en scène "à cru". Les accessoiristes-techniciens sont eux aussi à vue : au cours du spectacle manipulant, bricolant, vissant, si besoin est, sur le plateau. Au commencement, un simple signe de cette façon-là : un pan du plancher relevé verticalement à la main sert momentanément d'écran de projection. Temps un : on tranche l'air, est-il écrit. Car il n'ya pas de mot dicible, si ce n'est chanté.
Difficile de décrire la danse de Galvan à qui l'ignorerait. Dire qu'il vient du flamenco en donnerait une image fausse. À moins d'imaginer un Zorro-Don Quichotte déconstruisant une fête gypsie.
Il y a en fond de scène toute une population, à la manière habituelle de Galvan. Il faut de l'autrui, des invités à la fête, un espace incertain entre la bodega et la rue du village où se dresserait, impromptue, une fiesta gitane autour de trois chaises et d'un tonneau.
Sauf que. Sauf que le tragique a monté d'un cran. Galvan, pour être d'ivoire comme un christ maigre, avec son costume de presque clown chaplinesque, nus pieds, n'en est pas moins incandescent : il n'interprète pas la danse, il l'irradie, la livre, cracheur d'un feu qui noircit son regard.
Photo Javier del Real |
Temps deux. L'air a été strié, fouetté, découpé. Par une allusion à la chanson de "Anthony and the Johnsons", "Hitler in my heart", le thème est explicité. Deuxième temps, donc : "des cadavres poussent les fleurs". Galvan nous invite a une évocation de l'élimination des Gitans. Il y aura cinq parties, la dernière intitulée : la mort est un maître bienvenu.
Le titre de la pièce revient en surface : Le réel/lo real/the real. Ce n'est évidemment pas de la réalité dont il est question mais bien du réel, cette béance, cet impossible, cet insaisissable. Un envers du monde. Trois langues n'arrivent pas mieux qu'une à le cerner : une pratique artistique non plus.
Dès lors, Galvan propose une sorte de spectacle performance où le corps dansant se mue note de musique, instrument, archet, son, et où tout élément, le moindre élément de décor, le moindre accessoire participe de la partition. Tout fait bruit, sens, mouvement, famille. On retient son souffle.
Israel Galvan, tel une peinture du Greco. |
Le train – ses rails, ses rythmes, ses lignes – fait figure de motif pour dire le dernier voyage des gens du voyage (incroyable projection d'un extrait de film signé Leni Riefenstahl ), sans que l'extrême gravité du propos n'alourdisse l'hispanique capacité au tragi-comique. On rit aussi dans ce spectacle qui se ponctue de publicités chantées : pour un produit désinfectant qui rend le linge noirci plus blanc que blanc, ou pour un insecticide qui fait disparaître ces cafards qui se reproduisent sans cesse, solutions finales à portée de main de la ménagère.
Israel Galvan, corps conducteur qui fait vibrer le métal, corps qui danse contre l'oubli, contre le réel, livre un véritable chef-d'œuvre : intelligence, invention, sens et sensibilité, tout y est. La scène se referme panneau après panneau, laissant les interprètes dos au mur pour les saluts. C'est immensément tragique, immensément beau.
Théâtre de la Ville, Paris, jusqu'au 20 février.
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