Je suis dans un autobus. Autour, la nuit, et un quartier de la ville que je ne distingue plus, tant les vitrines et les éclairages sont rares, et presque rien ne troue ce noir bitume qui englue tout.
Quelques heures plus tôt j'ai fait le même trajet, dans le sens inverse, par une obscurité moins dense, et la laideur des lieux m'a frappé au visage. Qu'est-ce que le beau quand on est élevé ici, quand le regard s'éduque dans cet environnement ?
Le bus continue sa traversée du quartier. À l'étage d'un immeuble, furtivement j'aperçois un groupe de femmes en justaucorps : mouvements de bras en l'air, mouvements des têtes qui suivent celle de la prof de fitness. Stores vénitiens, buée sur les vitres. Plus loin, un rez-de-chaussée affiche le mot massage en lettres lumineuses, maladroitement tracées avec une guirlande multicolore. Massage suisse ? À l'edelweiss et au lait de vache ?... Enfin l'autobus atteint une partie de la ville plus vivante. Un arrêt devant un vieux cinéma qui programme toujours des films labellisés art et essai. Encore un arrêt et je dois normalement trouver le Pekin's garden dont m'a parlé A.
Le voici. À l'intérieur, ambiance fast food, asiatique. Des panneaux de couleur avec les photos des mets, des formules menu a, menu b etc.
Je commande un "poulet satay", ("poulet sataille", reprend la serveuse) et un "klein Coca" ("klein Cola" dit-elle). À ma gauche, un écran de télévision diffuse une finale (?) de lancer de fléchettes. Compétition entre un homme en chemisette blanche et un homme en chemisette noire, physique de bikers du Wyoming, buveurs de bière, mimiques de concentration et gestuelle de catcheur disproportionnée après le jet de ces mini javelots à ailettes. Un moment je me laisse prendre, hypnotisé, par l'alternance de gros plans de la cible et de plans américains des joueurs qui brandissent le poing vers la salle, éructant des cris que je n'entends pas.
Harmonie de la literie d'hôpital et du petit arrangement des drains où le sang forme un joli pointillé rouge sur l'oreiller bleu. |
Bleu, blanc rouge; on fait cocorrico même chez les Suisses?
RépondreSupprimerBon rétablissement à A; et aussi à F. sachant que parfois les "infirmières" sont plus fatiguées que les malades qu'elles soignent!