Une photo qui date de février. |
L'Agence Régionale de Santé avait décidé l'interdiction des visites dans les maisons de retraite plus d'une semaine avant le confinement, et, encore avant, l'établissement dans lequel est "incarcérée" ma mère avait établi des règles sévères sur le nombre de visiteurs par jour, la durée des visites, que je n'ai pas vraiment respectées.
Rapidement, comme l'ont fait je pense la plupart des Ehpad, la maison a mis en place des possibilités de prises de contact numériques, une application avec laquelle je crois que l'on peut envoyer des photos et des messages, et la possibilité d'une entrevue via Skype.
Cet empêchement d'aller lui rendre visite a été l'élément qui a le plus bouleversé mon agenda perso, plus que le confinement en réalité. D'un coup je me retrouvais avec deux soirées libérées, alors que d'habitude mes visites me faisaient rentrer chez moi vers 21h30, 22h00. Sentiment d'un gain de temps tellement énorme !
Je ne me suis pas du tout mobilisé pour la contacter par Skype pour une raison technique (je ne sais pourquoi ma nouvelle connexion Internet refusait Skype avec ma tablette et mon ordi) et parce que l'état de folie de de ma mère rendait peu plausible sa capacité a interagir avec un écran, et à même comprendre la situation d'une communication virtuelle.
Finalement il y a eu un élément nouveau : un pensionnaire est infecté par le covid-19 dans cette soi-disant forteresse dont nous sommes exclus depuis des semaines. Cataplum ! L'information m'a été livrée par ma soeur, qui n'a pas eu la présence d'esprit de demander à l'établissement si la cause de l'infection avait été identifiée (comment est entré le virus ?). On n'a vraiment pas les mêmes préoccupations.
Ni une ni deux, j'ai donc fait un essai technique avec ma nouvelle tablette pour voir si tout fonctionnait, et j'ai pris rendez-vous pour une entrevue Skype avec ma mère. Maintenant, à cause du pensionnaire infecté, tout le monde est cloîtré dans sa chambre. Je me demande si cela ne va pas favoriser le décrochage complet de ma mère, dont la seule distraction était l'activité qu'elle voyait autour d'elle.
Une soignante, la tablette sous le bras, entre donc dans la chambre de maman. Celle-ci est couchée sur son lit, à moitié ou complètement endormie. La tablette lui est mise sous le nez, elle regarde un peu, commente en disant n'importe quoi comme d'habitude, un peu comateuse puis repart la tête en arrière. Forcément elle est allongée, ce n'est pas très pratique. Je demande à la soignante si on peut la redresser. Oui, les voilà toutes les deux assises sur le lit. Du coup, maman regarde vraiment. Je lui explique qu'on a pas le droit de venir mais que toute la famille l'aime très fort, et qu'on va revenir très vite. Elle a l'air en forme. Elle me regarde en souriant mais je n'ai aucune idée de si elle me reconnaît. "Elle caresse votre visage sur la tablette" me dit la soignante, ce qui me semble une interprétation d'un geste plus mécanique que cela, mais pourquoi pas. C'est pas grand chose, mais ça me fait plaisir de la voir.
L'anecdote amusante (ou pas du tout) est celle-ci. Pour des raisons que je vous passe ici, j'ai donc été mis en communication Skype avec la jeune soignante alors qu'elle était au rez-de-chaussée, et devait donc rejoindre le premier où loge ma mère. C'est une jeune femme que je ne connais pas, et, c'est rassurant, elle porte un masque de papier bleu ciel. Elle prend l'ascenseur qui, chose courante, descend au -1 au lieu de monter à l'étage choisi. Elle me l'explique, et s'excuse de la lenteur de l'ascenseur. À ce moment j'entends une autre voix, c'est la voix d'une pensionnaire que je reconnais, qui ne comprend pas où arrive l'ascenseur. "C'est qu'il est descendu au -1", lui précise aussi la soignante. Mais l'autre est sourde : "Hein ?" Alors pour être entendue, la jeune femme se penche vers la pensionnaire que je ne vois pas, et descend son masque jusqu'au menton pour découvrir sa bouche et répéter plus fort...
J'espère que ce n'était pas la dernière fois où j'aurais vu ma mère en vie.
Non, mais non?!!!J'espère que ta mère n'est pas sourde!
RépondreSupprimerJ'espère qu'à ce jour votre mère résiste...
RépondreSupprimerCe témoignage fait réfléchir aussi à la place et à l'usage des nouvelles technologies en maison de retraite, sans compter que l'on se souviendra, encore et toujours plus, j'espère, de ces règles de non-visite en EHPAD, aussi strictes que bien cruelles pour nos proches aînés... Sans compter que le grand âge ou sa perspective nous concerne tous, même et surtout dans une société comme la nôtre...
Lilli Maz