vendredi 25 février 2011

septième ciel

En dessous de mon appartement, au sixième étage, vit un couple que je vois peu. Il est vrai que d'une façon générale je vois peu les gens de l'immeuble. Pourtant ce couple-là possède une terrasse que mes balcons surplombent et de ce fait, on pourrait imaginer que cette promiscuité nous mettrait en contact.

Mais l'un et l'autre, cet homme et cette femme, n'utilisent pas cet espace comme le ferait tout un chacun : ils ont des problèmes de mobilité. Lui se déplace avec deux béquilles, ce qui ne passe pas aperçu. Elle n'utilise rien de tel et ses difficultés à la marche sont plus discrètes au premier coup d'œil, mais bien là. C'est elle, je crois, qui s'occupe plus de la terrasse : ils y ont plein de plantes, arrosées par un système automatique.

C'est dans l'ascenseur que je les rencontre le plus fréquemment, venant des étages en sous-sol où se trouvent les parkings : ils se déplacent bien sûr en voiture.
Parfois j'ai tenté d'imaginer leur rencontre, jeunes gens, dans un centre spécialisé pour personnes atteintes d'un handicap ; avant d'envisager qu'ils aient pu au contraire, valides,  être victimes ensemble d'un accident qui les ait amochés. Je n'ai jamais cherché à en savoir plus (tout cela me faisant penser au livre D'autres vies que la mienne, d'Emmanuel Carrère, que j'ai détesté).
Cette semaine c'est à nouveau dans l'ascenseur minuscule que nous nous réunissons. J'ose une question qui révèle l'attention que je porte à leur terrasse et qui pourrait leur sembler intrusive.
- Quel est cet arbre que vous avez et qui fait tant de fleurs roses en hiver ?
Lui, son visage s'éclaire comme si je ne pouvais pas lui procurer plus de bonheur qu'en lui posant cette question.
- Mais pas seulement à cette époque ! C'est un arbre qui fleurit presque toute l'année, comment s'appelle-t-il ? Quelque chose del rio ?
Elle est sollicitée du regard mais n'en sait pas plus.
- C'est chez Jacques Briant, vous connaissez ? Ils disent que si l'hiver est doux l'arbre fleurit douze mois. Je vous mettrai le catalogue dans votre boîte aux lettres, il fait justement la couverture.

Je suis touché du plaisir que cet échange fait naître et de la lueur dans ses yeux quand il parle de cet arbuste : on croirait qu'il parle d'un enfant.
Quelques jours plus tard, je regarde dans la boîte et trouve effectivement le catalogue. Anisodontea el rayo : le leur, très japonisant est mille fois plus élégant que le gros patapouf pris en photo. Entre temps j'ai appris que j'allais sans doute devoir quitter cet appartement et ses balcons propices aux joies du jardinage : j'aurais au moins profité de ce rayon de soleil, dans l'ascenseur.

3 commentaires:

  1. Au septième ciel, comme le dit le titre!
    Pour un "ange" comme Frédéric c'est un bel endroit, n'est-il pas?
    Yolande

    RépondreSupprimer
  2. Non. Je préfère sur terre et bien vivant !

    RépondreSupprimer