Le 24 au soir, j'ai dîné avec ma mère dans sa maison de retraite.
Ayant prévenu à l'avance, une table est réservée à notre tête-à-tête, alors que d'habitude elle dîne auprès d'autres pensionnaires, exclusivement des hommes d'après ce que j'ai remarqué, ce qui doit correspondre aux observations faites par le personnel : ma mère n'a que peu d'intérêt pour les personnes de son sexe.
Informé préalablement du menu, je ne m'offusque pas de ce potage-jambon-purée pas très festif. "Le repas de Noël, c'était ce midi" me glisse, un peu gênée, la jeune femme qui fait ce soir -là le service. De toute façon, pour ma mère maintenant, Noël ou Pâques ou un autre jour, tout cela se vaut.
Une pensionnaire que je n'ai jamais vu encore, à la table d'à côté, commente : "Ah, Mireille a de la visite". Puis : "Moi mon fils il ne veut pas venir ici. Il m'emmène déjeuner dehors, mais il ne veut pas venir ici".
Quelqu'un du "dehors" attablé ici, c'est rare. D'ailleurs, cette pensionnaire me mettrait bien le grappin dessus pour me raconter sa vie, mais je coupe court à ses tentatives. Autour d'elle, se trouve une femme en fauteuil roulant qui a une drôle de toute petite voix aiguë, comme une petite fille qui mimerait un oiseau ; et un homme de grande stature, à la voix au contraire très grave et qui, surdité oblige, parle très fort.
Quelqu'un du "dehors" attablé ici, c'est rare. D'ailleurs, cette pensionnaire me mettrait bien le grappin dessus pour me raconter sa vie, mais je coupe court à ses tentatives. Autour d'elle, se trouve une femme en fauteuil roulant qui a une drôle de toute petite voix aiguë, comme une petite fille qui mimerait un oiseau ; et un homme de grande stature, à la voix au contraire très grave et qui, surdité oblige, parle très fort.
-"J'ai bon appétit mais je mange très peu" crie-t-il sur un ton sentencieux.
-"Sur la trois il y a des chants de Noël à Monaco (sic), dit la première, son programme télé en main. C'est un très bon chanteur".
-"Mais c'est qui ?" demande le géant à grosse voix.
-"Roberto...". Elle prend son magazine. "Roberto Al, Alemania, Alamama..., je n'ai pas mes lunettes."
-"Donnez-moi votre journal"
-"Ah non, je ne vous le donne pas, j'ai gardé ma page. C'est Roberto Al..."
-"Donnez-le moi!"
-"Non!"
J'interviens : "C'est sûrement Roberto Alagna, C'est un chanteur très connu, un ténor, Roberto Alagna."
- "Ah, reprend la femme à l'adresse du presque sourd. C'est Roberto Al Alagna, monsieur le connaît. Roberto Al Alagna."
Je souris. Les arabes sont partout.