samedi 28 octobre 2017

Eva mania

Le rayon Eva-maniaque de ma bibliothèque prospère...
Il n'était pas dans mon intention, dans les billets précédents portant sur l'histoire (ou les histoires) d'Irina et d'Eva Ionesco, de me livrer à la moindre pratique de fact checking. Les deux livres d'ailleurs, à ce point de vue comme à d'autres, sont tout à fait incomparables.

Sur la couverture du livre d'Irina, l'Oeil de la poupée (éd. des femmes), est mentionné : avec la collaboration de Marie Desjardins. Dans le milieu de l'édition, on sait ce que ça veut dire : c'est vraisemblablement Marie Desjardins qui a dû écrire l'ouvrage d'après des entretiens et peut-être quelques textes de la photographe. A la lecture on ressent un peu le collage des matériaux recueillis, bien que la biographe use de tout son métier pour rendre la mosaïque de scènes (souvenirs, rêveries, hallucinations...) ni trop fastidieuse, ni trop déstructurée. Le récit d'Irina, qui, outre l'expression du manque du père, égrène toutes ses expériences professionnelles atypiques dans le milieu du spectacle (et au travers desquelles le texte tente de suggérer la construction d'une esthétique), s'achève alors qu'encore jeune femme, elle n'est ni photographe, ni mère.

Innocence (éd. Grasset), le livre d'Eva Ionesco, est donc tout différent. Il relate ses années d'enfance au moment où sa mère commence à l'utiliser comme modèle et a acquérir une notoriété artistique.
C'est un bouquin qui ressemble à l'image que j'ai de son auteur : rageur, tendre, singulier, sensible. L'écriture prend des libertés quand ça lui chante, les scènes ont vives. Eva nous montre son univers avec ses yeux d'alors. Ca sonne juste sans être naturaliste. On comprend comment, avec cette vie hors du commun, elle s'est forgé vite un regard moderne sur le monde, un regard perçant (et pas du tout innocent !...) sur les faux semblants des adultes (Ah! les scènes à Marbella avec le très très horrible photographe Jacques Bourboulon...). 
C'est, il me semble, le même regard qu'elle jetait au travers de l'objectif photo de sa mère. Elle paraissait toujours dire qu'elle n'était pas là où elle était, qu'elle n'était pas dupe de l'image, qu'elle s'échapperait de toute façon et qu'il y a deux ou trois personnes à qui elle voudrait dire merde. Fatalement fatal.

En plus du tableau d'une certaine époque (où la considération de l'enfant et de la sexualité était tout autre, voir à ce sujet le passionnant livre de Pierre Verdrager dont je parlais ici), Innocence est la jolie restitution d'une âme rebelle. Tous ceux qui, enfant, se sont sentis des extraterrestres échoués dans un monde de fous, s'y reconnaîtront.
Et je sais de quoi je parle ;-)


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