mardi 17 décembre 2019

la soupe à la grimace

Le mois dernier j'ai reçu un gros paquet envoyé par une agence de pub, Clm Bbdo. A l'intérieur d'une enveloppe matelassée, une boîte cartonnée, de belle qualité, très costaud : un genre de cartonnage digne d'une maison de mode ou de produits de beauté. Sur le dessus, un joli graphisme sobre affiche "Eat your tweet" et porte le logo de la marque Liebig.

Dans la boîte, une épaisseur de mousse sombre façonnée accueille dans deux compartiments une brique de soupe et un sachet transparent que recouvre un texte explicatif. L'emballage de la soupe montre clairement une étiquette qui proclame "100 % ingrédients naturels, fabriqué en France".

Regardant tout cela d'un oeil distrait, je suis dans un premier temps frappé par le luxe de cet emballage promotionnel, et je regarde si ici ou là une indication rassurante préciserait "réalisé avec des produits recyclés" ou quelque chose d'écolo responsable. Rien.

C'est ensuite que je comprends le sens global de cette affaire. Dans le sachet transparent, se trouvent des petites pâtes alphabet qui reproduisent le tweet d'un consommateur mécontent. Dans le paquet que j'ai reçu (je ne sais pas si plusieurs déclinaisons existent), c'est celui d'Enya qui dit : "Je suis en train d'essayer de convaincre mon estomac (et mon cerveau) que ma soupe industrielle est délicieuse. (c'est pas gagné)"

La marque, Leibig, donc, conseillée par  l'agence Clm Bbdo, affirme crânement "Nos recettes PurSoup' sont maintenant préparées avec 100 % d'ingrédients naturels. Du coup votre tweet n'a plus de raison d'être. Nous vous proposons donc de le déguster..."

Tout ça pour cela : pour que le consommateur s'entente dire, "tes propos, je vais te les faire bouffer". 

Toute cette onéreuse entreprise pour rendre réelle, par un objet, la violence de cette expression que le Larousse en ligne détaille de cette façon : " 

Faire ravaler ses paroles à quelqu'un, 

l'empêcher de tenir certains propos, l'obliger à les rétracter." Mais sans doute que les communicants trop lol qui ont pondu ce potage publicitaire pensent que Larousse est une marque de teinture pour cheveux. Ou que le langage n'a pas de portée symbolique.

Evidemment il y a plus grave dans le domaine de la violence institutionnelle (les élections algériennes, les réformes gouvernementales, les déclarations d'intérêts frauduleuses avec énormément de bonne foi...), mais pitié, qu'on nous laisse au moins le droit de râler !

2 commentaires:

  1. Comme je n'ai pas la télé, j'ai découvert sur le petit écran de ma mère, la campagne publicitaire de cette marque qui disait, en gros : "avant, on vous empoisonnait avec le sel et les colorants, maintenant c'est fini ! On a tout enlevé !" On va leur faire confiance ! SdA

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