vendredi 21 octobre 2011

I became real


J'ai regardé un DVD que l'on m'avait prêté il y a un moment déjà, et que j'avais délaissé faute de temps. Je l'ai visionné en plusieurs fois, tranquillement, car il est en vo (anglais des États-Unis) et mes faiblesses avec les langues étrangères m'obligent dans ce cas à la lenteur, ce qui est plutôt agréable. Il s'agit d'un documentaire réalisé dans les années soixante-dix, 1977 exactement, qui donnait la parole à plus d'une vingtaine d'homosexuels, hommes et femmes, de tout style, âge, origine ethnique.


Ce qui m'a poussé à regarder ce film c'est ce que j'écrivais ici l'autre jour. Évoquant le tragique
17 octobre 1961, j'indiquais : c'est mon époque. 
Quelques mois après ma naissance, on peut juger cela exagéré. Mon époque, ne serait-il pas uniquement ce dont j'aurais eu conscience de façon contemporaine ? Mais je ne peux m'empêcher de penser que ma position est la bonne : j'ai la conviction d'avoir été façonné, nourri, par tout mon environnement, quand bien même je n'avais pas d'yeux pour le voir, pas l'usage de la marche pour le parcourir, pas les données pour le comprendre.
Tout ce qui concerne les années soixante-dix prend, à cet égard, une saveur particulière (par rapport aux sixties), puisque j'ai, dans ces années-là, quitté la petite enfance et que je traverse l'adolescence. 
J'ai alors du monde qui m'entoure une vision fragmentée, une perception faussée par mon ignorance, mon milieu, mon manque d'expérience. Pourtant j'affronte cette réalité, je la confronte avec mes désirs, mes peurs, mes interrogations.

J'aime toujours, aujourd'hui, rencontrer à nouveau ces années soixante-dix. J'ai parfois l'illusion de découvrir de nouveaux pans d'un décor devant lequel je serais passé sans tout voir : à d'autres moments en revanche je reconnais profondément, intimement, que tout cela parle de moi quand bien même je ne savais rien du monde (et que ce monde était sans doute en moi autant que moi en lui).
Le Mariposa Group qui a réalisé le film.
L'édition de ce DVD est une édition anniversaire, réalisée à l'occasion des trente ans du documentaire (si je continue je vais oublier d'en donner le titre, c'est Word is Out). Le film est donc enrichi de bonus, notamment des interviews, trois décennies plus tard, des personnes qui s'étaient déjà prêtées au jeu des questions réponses face caméra. Certains intervenants, déjà âgés lors du tournage, sont décédés ; d'autres, pourtant jeunes à la même époque, sont morts aussi : l'épidémie du sida est passée par là.
Le film tente de sortir l'homosexualité d'une série de stéréotypes en misant sur la diversité des personnes filmées, et pointe la violence de la société à leur encontre. Qui, "découvert" par son beau-père se retrouve en cure d'électro chocs à l'hôpital, qui, "démasquée" par son père se retrouve dans les mains de médecins pour qui la cure de laitues est souveraine contre le lesbianisme...
Mais surtout il souligne comment l'acceptation personnelle et la reconnaissance de l'homosexualité par la société permettent à chacun de se sentir "entier". Grâce à la complicité de l'équipe de cinéastes avec les interviewés, le film évite la pesanteur des films militants, et c'est plutôt en parlant d'amour que chacun parle des droits civiques. Du coup le propos dépasse la question de la sexualité et s'élargit sur l'affirmation de soi et le droit d'exister avec ses différences. On se prend à les aimer tous, moi je voudrais tous les avoir rencontrés en chair et en os.

Betty Powell : "the reality was you love another woman
and the world calls that 'lesbian' and
the world doesn't like lesbians"

Un des participants, Michael Mintz (allongé), avec son ami.
À cela s'ajoute le style de l'époque, – maquillage, fringues, canapés à ramages..., et musique. Il y a quelques extraits musicaux d'un groupe de San Francisco nommé Buena Vista qui sont savoureux, tee-shirt emmanchure chauve souris à décolleté sur torse poilu et tortillements du bassin... J'ai trouvé une série de photo à son sujet, c'est là. Il y a aussi des vidéos disponibles sur Internet, qui sont moins amusantes que celle du DVD car on y voit moins le dénommé Michael Gomes qui donne de sa voix suraiguë.
Cerise sur ce gros gâteau, il existe un site concernant ce DVD, où certains internautes (onglet share your stories) témoignent de ce que leur a apporté le film, soit quand ils l'ont vu à sa sortie, soit à l'occasion de cette édition. L'un d'eux écrit : "when I saw the film, I became real. I became a real person. I knew what I was was real."

2 commentaires:

  1. Fred, ton côté "vintage" j'adooooooooore!Merci de me connecter régulièrement à cette époque, la mienne aussi. Pour ma part bien qu'ayant "baigné" dans le même bain, j'ai la sensation d'être le fruit d'une autre époque d'où ce sentiment plus ou moins confortable d'être décalée de l'environnement et décalée de moi-même."Soi comme un autre"?
    Si j'assume assez bien le décalage avec le regard de l'autre sur cette singularité, j'ai plaisir à m'enrichir de ce qui ne parvient pas à ma conscience en étant seule. "S'apparaître à l'occasion d'un autre", délicieux cadeau dont je te remercie. Joyeux anniversaire!
    Yolande

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  2. Merci pour de post... comment dire...intelligent. Et ce n'est pas le premier, ce ne sera pas le dernier.
    Défense d'arrêter
    Défense d'interdire
    Slogan très 70,s

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